Sport : un rapport du Sénat pointe « le désengagement de l’Etat »

Sport : un rapport du Sénat pointe « le désengagement de l’Etat »

Les sénateurs Alain Fouché et Jean-Jacques Lozach appellent à renforcer la légitimité des fédérations sportives, alors que les dépenses de l’Etat dans le sport sont en baisse de 10% depuis 2017. « La lutte d’influence entre les investisseurs privés », qui prennent plus de place, « et les fédérations », est pointée du doigt.
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Quel avenir et quelle organisation pour les fédérations sportives en France ? Et comment les consolider ? Depuis le mois de mai, les sénateurs Alain Fouché (groupe Les Indépendants) et Jean-Jacques Lozach (PS) se sont penchés sur la question via une mission d’information du Sénat. Des travaux menés à distance, pour cause d’épidémie de Covid-19.

« Mutualiser, renouveler et légitimer pour affûter l’esprit d’équipe des fédérations sportives ». C’est le titre de leur rapport, adopté à l’unanimité ce mardi matin. Si le titre est long, il résume bien, selon le rapporteur Alain Fouché, à l’origine de la mission d’information, les travaux des sénateurs.

Alors que le sport a été confronté à de multiples « dérives », avec « le dopage, les violences sexuelles, ou la manipulation de compétitions », les sénateurs présentent quatre axes et une série de préconisations, qui, espèrent les deux sénateurs, pourront inspirer le gouvernement qui avait promis une loi sur le sport. On l’attend toujours. Elle pourrait arriver lors de la session parlementaire 2020-2021, si tout va bien. « Ce serait pas mal qu’ils la sortent, cette loi, depuis le temps qu’on en parle… On va les secouer » lance Alain Fouché, sénateur de la Vienne.

« Le modèle sportif français date des années 60 »

Après la création de l’Agence nationale du sport, il y a deux ans, l’idée est de « parfaire la réforme de l’organisation de notre modèle sportif », notamment par le maintien d’un ministère des Sports fort. « Le modèle sportif français date des années 60 » note Jean-Jacques Lozach. Le sénateur de la Creuse regrette qu’« en trois ans, on soit passé d’un ministère avec un secrétaire d’Etat, à un ministère de plein exercice puis à un ministère délégué ». Pour une meilleure articulation, les sénateurs imaginent que le ministre pourrait occuper la présidence non exécutive de l’Agence nationale du sport, dont la création s’est traduite par « un affaiblissement excessif du ministère ».

Alors que budget arrive à l’automne, Alain Fouché regrette « le désengagement de l’Etat », qui, cependant, « veut continuer à décider », sans pour autant apporter les financements, qui se reportent de plus en plus sur les collectivités locales. Concrètement, « depuis 2017, les crédits ont baissé de 80 millions d’euros, soit 10%, hors Jeux olympiques ».

« Les fédérations internationales se voient dépossédées des organisations par intérêt financier »

En parallèle de ce recul de l’Etat, le privé gagne du terrain. Jean-Jacques Lozach, qui a présidé les travaux de la mission, pointe ainsi « la lutte d’influence entre les investisseurs privés et les fédérations ».

Que le sport business prenne plus de place, ce n’est pas nouveau. Mais ça ne s’arrange pas. « Les fédérations internationales se voient dépossédées des organisations par intérêt financier » souligne le socialiste. On le voit dans l’organisation de grands événements sportifs, comme dans le tennis, avec « l’organisation de la Coupe Davis qui échappe aux fédérations. Elle est prise en charge par le groupe privé du joueur de football du Barça, Gérard Piqué » note le socialiste. Son entreprise Kosmos Global Holding a en effet acquis en 2018 les droits pour l'organisation de l'événement durant 25 ans. Dans le Rugby, l’organisation du fameux « Tournois des six nations pourrait être confiée à une structure privée à but lucratif ». Autre exemple donné par Jean-Jacques Lozach : en natation et en basket, « des compétitions privées » sont organisées, qui viennent concurrencer les compétitions organisées par les fédérations. « Ils essaient d’attirer les meilleurs éléments, c’est l’appât du gain » constate le sénateur de la Creuse.

Pour Jean-Jacques Lozach, « il y a un problème de lisibilité. Qui finance qui ? » Le sénateur PS ajoute :

Le sport français se cherche. Et il se cherche aussi sur le terrain financier.

Alain Fouché s’étonne que « la taxe Buffet, qui rapporte 74 millions d’euros à l’Etat », n’aille pas intégralement au sport. Elle est pourtant censée le financer. Mais « progressivement, l’Etat met la main dessus et la taxe alimente le budget général. Il reste aujourd’hui 40 millions pour financer le sport ». « Le sport doit être financé par le sport. Il peut être éventuellement financé par des entreprises privées. Mais l’argent récolté par l’Etat sur le sport, doit aller au sport » soutient Alain Fouché. Regardez :

Alain Fouché, sénateur (Les Indépendants) de la Vienne : « Le sport doit être financé par le sport »
01:12

« Les fédérations se voient reprocher une forme d’opacité financière »

Autre axe du rapport : renforcer la professionnalisation des dirigeants des fédérations, notamment par une meilleure rémunération, pour attirer plus de talents. Ils seraient élus par un corps électoral renouvelé, où les clubs auraient la moitié des droits de vote. Tout en respectant l’autonomie des fédérations, le rapport du Sénat préconise un meilleur contrôle sur l’élection des présidents de fédés. La présence des « deux sexes », autrement dit davantage de femmes, au sein des instances locales, serait assurée en « proportion de chaque genre parmi les licenciés ».

Alors que le gouvernement vient d’enterrer le projet de transfert des conseillers techniques sportifs (CTS) aux fédérations, les sénateurs proposent de reconnaître à l’Agence nationale du sport la responsabilité d’affecter et d’évaluer les CTS dans le champ de la haute performance.

Côté finances, le rapport appelle les fédérations à plus de transparence. La Cour des comptes avait déjà épinglé le monde du sport sur ce point. « Les fédérations se voient reprochées une forme d’opacité financière » pointe le sénateur de la Vienne. Il manque ainsi aux fédés des règlements et procédures financières précis. Les sénateurs préconisent que les fédérations sportives intègrent ainsi dans leurs règlements « les grands principes de la commande publique », à savoir le principe des appels d’offres au mieux-disant, avec des consultations. « Certaines fédérations ont recours aux mêmes commandes avec les mêmes entreprises, durant des années et des années » pointe Alain Fouché. Pour la transparence et la rationalisation des dépenses, on fait mieux…

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