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Statut de l’élu local : le texte adopté par le Parlement, à trois mois des municipales

A une centaine de jours des élections municipales, l’Assemblée nationale a finalement adopté en seconde lecture la proposition de loi visant à créer un statut de l’élu local, au terme d’un chemin semé d’embuches.
Aglaée Marchand

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Engagement tenu pour Sébastien Lecornu. Lors de sa déclaration de politique générale, l’hôte de Matignon avait promis que le texte relatif au statut d’élu local serait adopté d’ici la fin de l’année. C’est désormais chose faite. Une victoire pour la ministre de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation, Françoise Gatel, à l’origine de la proposition de loi transpartisane, lorsqu’elle était sénatrice centriste, en janvier 2024. Victime collatérale de l’instabilité politique et parlementaire, entre la dissolution de juin 2024 et la chute des gouvernements Barnier puis Bayrou, le texte a eu du mal à atterrir. Adopté en première lecture au Sénat en mars 2024, il n’a pu être voté par les députés qu’en juillet dernier, avant un second tour de piste au palais du Luxembourg fin octobre. Et après un nouveau feu vert des sénateurs, c’était au tour des députés, hier soir, de se prononcer en faveur du texte, par un vote « conforme », à l’unanimité (109 voix pour et 0 voix contre, sur 131 votants). Ce scrutin entérine l’adoption définitive par le Parlement de la copie émise par la Chambre haute, à cent jours du premier tour des élections municipales du 15 mars 2026. Un sentiment d’urgence qui a permis de convaincre l’ensemble des groupes de voter en faveur du texte, malgré certaines réticences, seule la France Insoumise s’étant majoritairement abstenue.

Faciliter l’exercice du mandat

Pour tenter de répondre à la crise de l’engagement, marquée par la multiplication par quatre du nombre de démissions annuelles de maires selon une étude du CEVIPOF (2189 démissions depuis juillet 2020), le texte propose une trentaine d’articles pour « simplifier, sécuriser et encourager la fonction d’élu local ». Mesure phare : la revalorisation des indemnités pour les maires et leurs adjoints, dans les communes de petite et moyenne taille. Concrètement, une augmentation d’environ 4 % pour celles allant de 10 000 à 20 000 habitants, et de 10 % pour celles sous le seuil des 500 habitants.

Un article prévoit également d’octroyer un trimestre supplémentaire de retraite par mandat, avec une limite de trois trimestres fixée par le Sénat, contrairement aux huit initialement envisagés en première lecture par les députés. Aussi évoqué devant le congrès de l’AMF fin novembre, Sébastien Lecornu défend l’idée d’une prime de 500 euros par an pour chaque édile, que Françoise Gatel a confirmée dans un entretien pour Ouest-France, vendredi dernier : « Tous les maires recevront […] une prime de 500 euros par an en reconnaissance des tâches exercées en tant qu’agent de l’État ». Cette piste ne figure pas dans le texte, mais a directement été inscrite dans le projet de loi de finances, actuellement examiné au Sénat, dont l’issue demeure encore incertaine.

Lever les freins persistants

Autres pistes pour favoriser l’engagement local : l’allongement à vingt jours de la durée du congé électif pour les candidats têtes de liste et salariés, le remboursement des frais de garde des représentants locaux, une meilleure prise en charge des congés maternité et maladie, ou encore le déploiement de la protection fonctionnelle pour l’ensemble des élus locaux (conseillers municipaux compris) victimes de violences, menaces ou outrages dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.

La proposition de loi entend également stimuler les vocations en levant des freins persistants, notamment pour les étudiants, par la création d’un statut spécial, et les personnes en situation de handicap, en rendant obligatoire la prise en charge par la collectivité des frais spécifiques de déplacement, d’accompagnement et des aides techniques liés au mandat.

Point sensible : les conflits d’intérêts à l’échelle locale

L’article 18 du texte, relatif à la question des conflits d’intérêts, a écopé des réserves de certains groupes de gauche, à l’instar des Verts et des insoumis. Il met fin à l’incompatibilité élu communautaire – salarié d’une commune membre, et restreint la définition de la prise illégale d’intérêts. Désormais, « le caractère intentionnel de l’infraction » exigera que l’infraction « soit commise en connaissance de cause ». Quant aux cas d’urgence, « l’infraction […] n’est pas constituée lorsque la personne […] ne pouvait agir autrement en vue de répondre à un motif impérieux d’intérêt général ». Par ailleurs, les élus détenant plusieurs mandats, dans une commune et un groupement de collectivités locales par exemple, ne seront pas considérés comme ayant un intérêt « du seul fait de cette détention, lorsque l’une de ces collectivités ou groupements se prononce sur une affaire intéressant l’autre collectivité territoriale ou l’autre groupement ». Néanmoins, face à un timing pressant, la proposition de loi n’a pas fait l’objet d’opposition.

Plus qu’à attendre la publication des décrets d’application, espérons-le, avant mars 2026. Les deux « méga décrets », agités par le Premier ministre devant le congrès de l’AMF, afin de supprimer des normes compliquant la vie des maires, devraient, quant à eux, voir le jour en décembre et l’année prochaine. Pour l’heure peu rassurés par les maigres annonces du gouvernement – à l’exception de la suppression de la vidange obligatoire annuelle des piscines municipales, les édiles attendent aussi au tournant le grand acte de décentralisation promis par Sébastien Lecornu, dont les premiers grands axes doivent être présentés en conseil des ministres le 17 décembre prochain.

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