Stéphane Troussel : «Le 11 mai n’est pas une date absolue»

Stéphane Troussel : «Le 11 mai n’est pas une date absolue»

Stéphane Troussel, le Président socialiste du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis s’inquiète que les conditions sanitaires ne soient pas pleinement réunies le 11 mai pour un déconfinement progressif. Dans le cas contraire, il ne voit pas dans cette date, une date impérative. Il lance également un appel à l’État à soutenir financièrement les départements et en particulier celui de la Seine-Saint-Denis pour ne pas voir la crise sanitaire se traduire en crise sociale.Il répond aux questions d’Oriane Mancini.
Public Sénat

Par Oriane Mancini

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La date du 11 mai :

« Les élus locaux ont besoin de transparence, de clarté et de précisions. Ces dernières semaines, il y a eu des déclarations contradictoires des ministres et une diffusion du protocole sanitaire très tardive. Cela a rendu difficile la préparation du déconfinement.
Je ne considère pas la date du 11 mai comme une date qu’il faut respecter à tout prix. Ce qui me guidera dans cette préparation, c’est l’impératif sanitaire et les conditions de sécurité pour les familles, les agents du département, les élèves et leurs enseignants.»

 

Le retour dans les écoles :

«Pour le retour à l’école, il faut agir en direction des publics prioritaires. Je pense aux enfants en situation de décrochage et les enfants dont les parents ne peuvent pas télétravailler.
Encore une fois, le 11 mai n’est pas une date absolue.

D’abord parce que les enseignants reprendront le 11 et auront vraisemblablement 2 jours de préparation. Ensuite, les discussions avec l’éducation nationale ne font que commencer sur de nombreux points.
S’il le faut ce sera le 14, le 18 ou même plus tard.
C’est l’impératif sanitaire qui doit primer et l’impératif éducatif et social pour les élèves qui en ont le plus besoin.
La publication du protocole sanitaire a été excessivement tardive et par ailleurs je ne crois pas à cette idée du double volontariat. Celui des familles et celui des collectivités. Ce serait une manière pour l’État et l’éducation nationale de se laver les mains de ses responsabilités. Et surtout, ce serait faire fi des inégalités sociales et éducatives.
Au contraire, il faut avoir des priorités et ne pas voir cette date du 11 mai comme absolument impérative. »

 

La rentrée dans les collèges :

« Heureusement, nous n’avons pas attendu sur le gouvernement pour passer nos propres commandes. Nous serons en capacité de mettre à disposition de nos collégiens des masques en tissu lavables et réutilisables. Nous en auront également pour les 800 personnels du département dont 1500 qui interviennent dans ces collèges. Nous en mettrons à disposition pour les usagers des services publics départementaux.
Là encore, ce n’est que depuis quelques jours seulement que nous travaillons avec l’administration de l’éducation nationale à la réouverture de nos établissements.
Nous examinons également avec nos propres personnels, nos capacités de travail et de préparation. Nous verrons ensuite si cette rentrée peut se faire le 18 ou le 25. »

 

L’ouverture des cantines :

« Il y a eu des discours et des propositions contradictoires. D’abord, on a recommandé des repas dans les salles de classe puis cela a évolué. Nous, nous nous préparons à distribuer des repas froids dans les classes pour limiter les mouvements et rassemblements. »

 

L’accès aux masques :

« Nous avons commandé plus d’un million de masques et des communes de Seine-Saint-Denis ont été associées à cette commande.
J’ai déjà pu réagir à l’envolée des prix. Au début du confinement, certains prix ont été multipliés par 36.
Il y a toujours des profiteurs de guerre et il a fallu attendre un mois pour que le gouvernement encadre le prix des masques chirurgicaux. J’espère qu’il ne faudra pas attendre un mois pour qu’il encadre celui des masques en tissu. C’est devenu un bien de première nécessité.
Ce qui est sûr c’est qu’actuellement certaines familles s’inquiètent. Même si nos collectivités ont pris des initiatives, il y a urgence que le gouvernement encadre les prix parce qu’il faudra les acheter et les renouveler par soi-même. » 

 

Le soutien de l’État :

« Il a longtemps fait défaut faute de prévisions et de précautions. J’ai entendu le discours du Premier ministre qui a annoncé que les commandes de masques passées par les collectivités seront prises en charge à hauteur de 50%. C’est une décision bienvenue mais elle ne suffira pas face à l’explosion de nos dépenses et à la chute de nos recettes.

Cette prise en charge doit aussi s’appliquer pour les commandes passées avant le 13 avril. »

 

La généralisation des tests :

« Il y a beaucoup d’interrogations et d’hésitations. Nous avons interrogé les autorités sanitaires et préfectorales pour savoir si les collectivités pouvaient en acquérir mais on nous en a dissuadé.
Nous souhaitons des clarifications.

Le département de la Seine-Saint-Denis participe au projet pilote CoviSan qui consiste à repérer, tester et isoler des malades. Pour cela, il va falloir généraliser et disposer de bien plus de masques et sur cette question des tests c’est le flou qui l’emporte. »

 

Les transports publics :

« La question des transports collectifs, compte tenu de leur saturation, est une inquiétude légitime. Toutes les alertes et précautions doivent être entendues.
Il faut que les opérateurs de transports mettent tout en place pour que les plus grandes précautions soient prises.
Je pense à la mise à disposition de masques toute la journée, au gel, au marquage au sol…
Il faudra aussi faire en sorte que nos concitoyens limitent l’usage des transports en commun.
C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons engagé un programme d’aménagement temporaire de pistes cyclables. 90 km seront ainsi réalisés sur les grands axes pour encourager la pratique du vélo.
Il faudra également renforcer la présence humaine pour réguler leur utilisation par des médiateurs, par les forces de police ou les personnels de sécurité. »

 

La situation financière des départements :

« Avec l’ensemble des élus du département, nous avons alerté le chef de l’État sur notre situation financière.
Déjà en 2018, un rapport parlementaire pointait un certain nombre de défaillances de l’État dans ces missions régaliennes ici. J’avais dit au Premier ministre en octobre dernier, qu’il fallait aller plus vite plus loin et plus fort.
Nous y sommes. Il faut amplifier, renforcer et accélérer les annonces si l’on ne veut pas que cette crise sanitaire se traduise par une crise sociale.
Il faudra aussi des décisions concernant les finances des collectivités locales, des départements et en particulier celui de la Seine-Saint-Denis.
Avec le ralentissement très fort de l’activité économique, la récession sera encore plus forte dans les quartiers populaires et notre département va voir ses recettes diminuer à hauteur de 80 à 85 millions minimum. »

 

La nationalisation du RSA :

« Si le RSA doit augmenter de 10%, cela représente 25 millions de dépenses en plus.C’est intenable et ce serait la fin du redressement des finances du département opéré depuis 10 ans.
J’en appelle à une renationalisation du financement du RSA par l’État.

 

La crise sociale :

« Un certain nombre de nos concitoyens n’ont pas accès au dispositif de chômage partiel et quand ils y ont accès ils ont de fortes pertes de revenus et des dépenses contraintes en augmentation.
Le département a pris des initiatives avec la réouverture d’une cuisine centrale par exemple qui produit 6000 repas par jour mis à disposition des associations gratuitement. Nous avons également créé une aide financière pour 25 000 collégiens du département.
Mais tout cela ne suffira pas et il faut des décisions fortes au niveau national.
Il faudra aller au-delà du milliard mobilisé pour les aides sociales exceptionnelles.
Il faut des mesures sur le logement, la rentrée scolaire, sur des aides aux plus fragiles de notre pays. »

 

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