Superdividendes : le parti Renaissance remet une pièce dans la machine et lance sa réflexion

Superdividendes : le parti Renaissance remet une pièce dans la machine et lance sa réflexion

La direction du parti présidentiel a confié à l’eurodéputé Pascal Canfin une réflexion « sur les superdividendes ». Renaissance entend faire ses propres propositions. Le patron des députés Modem, Jean-Paul Matteï, auteur de l’amendement sur le sujet qui a été refusé par Bruno Le Maire, se dit « ravi ». En interne, le ministre Gérald Darmanin est allé jusqu’à questionner le salaire des grands patrons…
François Vignal

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Les débats sur les superdividendes, lors du projet de loi de finances, n’ont pas épuisé le sujet. A Renaissance, le nouveau nom de LREM, la question du partage de la valeur a bien occupé les esprits des têtes pensantes du parti macroniste, jeudi soir, lors du bureau exécutif de la formation.

Le nouveau secrétaire général du parti, « Stéphane Séjourné, a demandé à Pascal Canfin, secrétaire général délégué aux relations avec le gouvernement, de travailler et de réfléchir sur les superdividendes et de nous faire des propositions sur le sujet », a annoncé vendredi matin lors d’un point presse le porte-parole du parti, Loïc Signor, confirmant une information de Politico.

Le sujet a mis sous tension la majorité, depuis que l’amendement de Jean-Paul Matteï, président du groupe Modem, sur les « superdividendes », qui proposait une augmentation de la flat tax de 30 à 35 %, s’est fait retoquer par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Le ministre, dont le dogmatisme crispe une partie de la majorité, était d’ailleurs absent du bureau exécutif jeudi soir. « Il ne faut pas y voir un signe », assure un participant à la réunion.

« Il faudra trouver un atterrissage politique qui sera satisfaisant pour l’ensemble de la majorité »

Dans ses travaux, Pascal Canfin ne devra pas reprendre tel quel l’amendement Modem. « La discussion est plus large que celle de l’amendement Matteï sur les superdividendes, dont il faudra sans doute rediscuter dans l’esprit. Mais c’est vraiment le partage de la valeur qui a été abordé hier, et il faudra trouver un atterrissage politique qui sera satisfaisant pour l’ensemble de la majorité, et surtout pour le bien des Français », avance Loïc Signor. Pascal Canfin devra donc « arriver à un consensus », en reprenant l’amendement Matteï « à sa sauce », mais pas seulement, explique-t-on.

Contacté, Jean-Paul Matteï apprécie de voir l’allié de Renaissance bouger sur le sujet. « J’en suis ravi, ça va dans le bon sens. Mais je ne doutais pas que ça arriverait », assure le président du groupe Modem de l’Assemblée, qui ne boude pas son plaisir : « D’un petit amendement, c’est devenu une vraie question sur le partage de la valeur, des gains, une réflexion sur la rémunération du travail et du capital ».

« Ce n’est pas qu’on rattrape quoi que ce soit, mais c’est au cœur de notre mouvement et de la campagne présidentiel »

Jeudi soir, la discussion est venue dans la foulée d’un point fait par le secrétaire général Stéphane Séjourné sur les discussions au niveau européen sur les superprofits. « Assez vite, Gérald Darmanin, Olivier Dussopt, Franck Riester (les trois ministres sont membres du bureau exécutif, ndlr) rebondissent sur ce sujet, dont on nous parle beaucoup », raconte une membre du « burex ». La même constate :

On voit bien qu’il y a une sensibilité, il y a une attente autour de ce sujet.

Le sujet pouvait pourtant sembler tranché, depuis le refus du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Mais la question reste dans l’actualité. « Ce n’est pas qu’on rattrape quoi que ce soit, mais c’est au cœur de notre mouvement et de la campagne présidentiel », assure l’un des dirigeants du parti.

La proposition de campagne d’Emmanuel Macron sur « la participation-intéressement » est bien sûr « une piste de travail », explique Loïc Signor. Mais « certains ont été plus loin hier dans la discussion. Je pense notamment à Gérald Darmanin, qui milite pour une grande conférence où il faudrait associer les patrons à ces réflexions. Olivier Dussopt a lui expliqué […] que les partenaires sociaux n’avaient pas fermé la porte à ce genre de réunion, hormis la CGT », précise le porte-parole.

« Je crois que je suis en train de me faire dépasser par la gauche par Gérald Darmanin »

Le ministre de l’Intérieur, plus prompt habituellement à parler insécurité ou islam radical, est même allé jusqu’à évoquer l’idée d’une réflexion sur le salaire des grands patrons. Une proposition qui a inspiré à Stéphane Séjourné ce trait d’humour : « Je crois que je suis en train de me faire dépasser par la gauche par Gérald Darmanin », a souri le secrétaire général, faisant rire l’assistance… L’ancien maire de Tourcoing a alors « rappelé qu’il a été élu par des marxistes ». A deux doigts de prendre sa carte au PCF.

Plus sérieusement, quand le ministre de l’Intérieur a mis son idée sur la table, « les gens ont écouté », dit pudiquement un membre du bureau exécutif. « Il y est allé assez fort », ajoute une autre. Autrement dit, même si « tous les débats sont légitimes », tous ses amis de Renaissance ne le suivent pas forcément sur ce terrain. « Les salaires des grands patrons sont discutés par les Assemblées générales » des entreprises, rappelle un membre du « burex ». Il faudrait alors avoir la volonté de « revoir ce cadre ». Il n’est pas interdit non plus d’avoir une lecture, plus politique, de la position de Gérald Darmanin, qui caresse quelques ambitions pour 2027, comme un certain Bruno Le Maire, qui lui goûte peu ce genre de saillie sur les patrons. De quoi se démarquer à peu de frais.

Reste que ce genre d’idée ne semble vraiment pas être dans le logiciel du président de la République. « Les augmentations de salaires, ce n’est pas l’Etat qui les décide. Nous ne sommes pas dans une économie administrée. […] Moi, je suis pour qu’il y ait dans les entreprises une négociation sociale qui permette, quand les choses vont bien, que le cycle est bon, d’augmenter les salaires et de partager la valeur », a avancé mercredi soir sur France 2 Emmanuel Macron, qui défend donc plutôt « le dividende salarié : quand il y a une augmentation des dividendes pour les actionnaires, il doit y avoir un mécanisme similaire pour les salariés ».

« Quand les entreprises font des pertes et que le patron continue de s’augmenter, c’est choquant »

Jean-Paul Matteï attend lui « d’avoir une vraie réflexion ». « Ce n’est pas trop le salaire des patrons qui me choque, si c’est mérité. Mais c’est sûr, quand les entreprises font des pertes et que le patron continue à s’augmenter, c’est choquant », soutient le président du groupe Modem, qui souhaite « que les gens paient l’impôt normalement, ainsi qu’une juste répartition de la valeur et des profits ». S’il voit dans le dividende salarié « une très bonne idée », le député Modem souligne que « dans les PME, ce n’est pas évident de l’organiser ». Il ajoute aussi sur sa liste « la question de la transmission des entreprises au profit des salariés », « plutôt qu’à un fonds d’investissement étranger avec une logique financière différente ».

De son côté, François Patriat, président du groupe RDPI (Renaissance) du Sénat, tient à souligner que « la France est le pays qui taxe le plus, avec le Danemark ». Plutôt que « taxer unilatéralement », le sénateur de la Côte-d’Or préfère des « mécanismes européens » ou des « mesures incitatives ». En la matière, il « pense que le gouvernement a déjà pas mal fait, quand il incite à la hausse des salaires, avec la prime Macron ou en faisant en sorte que le travail paie pieux ». Il ajoute :

Mieux répartir les bénéfices entre actionnariat et salariés, ça, c’est une réflexion qui peut être menée.

« On va pousser une position du parti, qui ne sera pas stricto sensu celle du gouvernement »

Dans ce terrain politiquement miné, le parti macroniste doit encore trouver le chemin qui restera dans ses valeurs. « Il y a une unanimité pour dire que c’est un bon sujet. Ni hausse générale des salaires à la Mélenchon, ni le « circulez, il n’y a rien à voir ». Ça demande des outils différenciés, un point d’équilibre politique et économique », défend une membre de la direction du parti, qui appelle à « garder notre marque de fabrique : des choses qui fonctionnent et qui ne sont pas de l’affichage ».

Le mouvement entend quoi qu’il arrive défendre une position, de manière assumée, quitte à se démarquer un peu éventuellement. Ce qui était difficile pour le parti du Président durant le premier quinquennat. « On va pousser une position du parti, qui ne sera pas stricto sensu celle du gouvernement. C’est sain et c’est normal », défend un responsable du parti. « L’idée, c’est que le parti a son rôle à jouer et se saisisse des sujets du moment », explique-t-on en interne. Reste à voir si tout ce débat va « superprofiter » à Emmanuel Macron, ou pas.

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