Superprofits : ces sénateurs LR qui ne sont pas fermés à l’idée d’une taxe
Ils ne sont pas nombreux. Mais même chez les LR, on trouve (quelques) sénateurs qui n’écartent pas d’un revers de main l’idée d’une taxe sur les superprofits des entreprises, alors que l’Etat recherche plusieurs milliards d’économies. Le sénateur Olivier Paccaud n’y est « pas opposé » à titre personnel. « A condition que ça paie la Sécurité sociale, oui », lâche son collègue Alain Milon. Même le rapporteur du budget, Jean-François Husson, dit ne pas avoir « de position de blocage absolu sur rien », sans vouloir se prononcer.
Taxer ou ne pas taxer les superprofits ou autres superdividendes… La question travaille la majorité présidentielle, alors que le gouvernement recherche plusieurs milliards d’euros pour faire des économies. Si les parlementaires Renaissance sont partagés, les centristes défendent l’idée depuis bientôt deux ans, que ce soit les députés Modem à l’Assemblée, ou l’Union centriste (à majorité UDI) au Sénat.
« Si l’impôt était la solution, ça se saurait », lance Bruno Retailleau
Le groupe UC, composante de la majorité sénatoriale, s’est retrouvé en revanche face à un refus des sénateurs LR, à chaque amendement déposé. Mais avec la nouvelle donne d’un déficit qui se creuse plus que prévu, l’idée peut-elle faire son chemin, même chez les LR ? Au premier abord, cela n’en prend pas le chemin. Taxer les entreprises n’est pas vraiment dans l’ADN de la droite, bien au contraire. « Non », tranche tout de suite ce mardi matin Bruno Retailleau, avant la réunion de groupe hebdomadaire. « Si l’impôt était la solution, ça se saurait », lance le président du groupe LR du Sénat, qui souligne que la France détient « le record du monde du niveau d’impôts ». Pour Bruno Retailleau, la « solution, c’est sur les dépenses », qu’il faut revoir à la baisse.
« C’est une réponse facile. Et ce n’est pas notre culture de toucher à la fiscalité », avance Philippe Mouiller, président LR de la commission des affaires sociales, « et attention aux effets collatéraux ». Le sénateur des Deux-Sèvres ne serait en revanche pas opposé à ce « qu’on revisite un certain nombre de points sur les exonérations. Cela peut se discuter ». « Plutôt que de taxer, il faut inciter ceux qui font des superprofits à investir dans la décarbonation », avance la présidente LR de la délégation à la prospective, Christine Lavarde, membre de la commission des finances.
« Il y a des cas où il y a des superprofits, des entreprises qui peuvent contribuer un peu plus qu’à l’habitude », selon Olivier Paccaud
Quelques voix commencent cependant à ne pas voir d’opposition de principe à une taxe sur les superprofits, ou du moins à une réflexion. Elles restent certes minoritaires. Mais si, même chez les LR, certains se permettent d’ouvrir la porte, cela montre que la question reprend du galon dans le débat. C’est le cas d’Olivier Paccaud, sénateur (apparenté) LR de l’Oise. « Personnellement, je n’y suis pas opposé », a-t-il lâché la semaine dernière au micro de Public Sénat, interrogé sur l’idée d’une taxe sur les superprofits/superdividendes.
« On est dans une période où il faut faire des économies, trouver des sous. Dans ma famille politique, c’est vrai qu’on n’est pas des ultras de l’impôt. Et dans le contexte de compétition et de compétitivité internationale, il faut savoir protéger nos entreprises », développe ce mardi Olivier Paccaud, qui affirme qu’« on n’est pas là pour tondre tous les moutons et toutes les vaches, même grasses ». Il continue : « Mais il y a des cas où il y a des superprofits, des entreprises qui peuvent contribuer un peu plus qu’à l’habitude, car elles vont bénéficier un peu plus qu’à l’habitude de l’environnement économique. C’est ponctuel ». Le sénateur du groupe LR ajoute :
Taxer les superprofits, « à condition que ça paie la Sécurité sociale, oui », lâche au débotté ce mardi son collègue du Vaucluse, le sénateur LR Alain Milon. « Si ça peut financer une partie de la santé… Il y en a besoin en ce moment », ajoute l’ancien président de la commission des affaires sociales.
« Ce n’est pas tout à fait la même chose si la France cherche 30 ou 10 milliards d’euros en 2024 », avance Jean-François Husson
Qu’en dit le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson ? Celui qui a réalisé un contrôle dans les locaux du ministère des Finances, lui permettant de montrer que les services de Bercy avaient alerté le ministre Bruno Le Maire, dès la fin 2023, sur le dérapage à venir, est au fait des efforts à fournir. Son avis de rapporteur du budget avait été jusqu’ici défavorable, face aux amendements centristes ou de la gauche. Aujourd’hui, il semble se montrer plus prudent, attendant surtout d’en savoir plus, plutôt qu’émettre tout de suite un « non » de principe.
« Moi, avant de penser des solutions, j’ai besoin de savoir où on en est, où le gouvernement place l’Etat des lieux. Quel est le gap, quel est le fossé ? Ce n’est pas tout à fait la même chose si la France cherche 30 milliards d’euros en 2024, 25 ou si on reste à 10 milliards », avance Jean-François Husson. Il souligne que la semaine dernière, en recevant les représentants du Parlement, « Bruno Le Maire a dit que les 10 milliards d’euros annoncés ne suffisaient pas. Je lui ai dit que ses services disaient que ça pouvait aller jusqu’à 30 milliards, je n’ai pas eu de réponse. Le ministre a fini par concéder qu’il y aurait un nouveau chiffre pour le programme de stabilité, c’est-à-dire mi-avril ».
« On ne prend pas les mêmes décisions selon la hauteur des marches qui restent à franchir »
« Donc on ne prend pas les mêmes décisions selon la hauteur des marches qui restent à franchir », insiste le sénateur LR de la Meurthe-et-Moselle. « En fonction des besoins, nous définirons nos priorités. Je rappelle juste qu’en termes de fiscalité, la France est le pays d’Europe qui a le plus haut niveau de prélèvements obligatoires », avance le rapporteur général. « En fonction de la marche, il faudra regarder les mesures qui peuvent avoir des effets structurels, et de mesures qui peuvent être de portée temporaire. Mais c’est trop tôt », affirme encore Jean-François Husson, attendant un « diagnostic » précis. Le rapporteur rappelle cependant que « lors de la crise sanitaire, j’ai fait des propositions de fiscalité temporaire, sur un ou deux ans ».
Faut-il aujourd’hui aussi des mesures qui montrent que tout le monde sera mis à contribution, y compris sur les superprofits ? « Je n’ai pas de position de blocage absolu sur rien », finit par lâcher Jean-François Husson, « mais dans ma responsabilité, je dois regarder grand angle ».
Insistant aussi sur les économies à réaliser, il rappelle que la majorité sénatoriale « avait proposé 7 milliards d’euros d’économies pour le dernier budget », balayés d’un revers de main par le gouvernement. Il évoque aujourd’hui « un rapport de la Cour des comptes sur la culture, qui montre que sur 3 milliards de dépenses, il y en a eu, sous couvert de crédits de relance, qui sont allés à des sujets subalternes ». Bref, en matière d’économie, « je n’exclus rien », prévient-il. Et même sur les collectivités, « ce serait une très mauvaise idée, mais le gouvernement veut en parler ».
« La taxe doit se faire au niveau européen » selon le sénateur Jean-François Rapin
Pour le président de la commission des affaires européennes, le sénateur LR Jean-François Rapin, si une taxe sur les superprofits doit être décidée, « elle doit se faire au niveau européen ». Mais le sénateur du Pas-de-Calais n’a « pas un niet de principe ».
Sa collègue de Saône-et-Loire, Marie Mercier, ne ferme pas non plus la porte. « Il y a les profits, mais il y a aussi les superprofits. Et cela peut interroger sur le « super ». Le « beaucoup » devient trop. On aime le mérite mais quand ce n’est plus quelque chose de raisonnable, ça peut nous interroger », avance la sénatrice LR, qui ajoute :
« Bien entendu, le sujet est sur la table »
Pour Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, qui s’est illustré dernièrement sur la crise agricole, ce n’est pas le sujet numéro 1. « Le problème de la France, c’est de donner beaucoup trop d’argent à ceux qui ne font rien. Il faut d’abord se poser cette question du coût de l’assistanat social. Et après, pourquoi pas se poser cette question », lance ce soutien de Laurent Wauquiez.
On comprend qu’il y a encore du chemin avant de voir la possibilité qu’un amendement sur les superprofits soit voté par une majorité de LR. « Ce n’est pas comme ça qu’il faut envisager les choses. Il y a trop longtemps que notre pays crée des rustines », affirme de son côté Jean-Raymond Hugonet, sénateur apparenté LR de l’Essonne. Mais il reconnaît que « bien entendu, le sujet est sur la table ». « La richesse liée au travail, à l’innovation, ne doit pas être découragée. Celle issue de la spéculation doit être taxée comme il se doit, ça c’est clair. Mais il faut aussi que ceux qui sont en bas de l’échelle, avec de faibles revenus, participent aussi à l’effort national », soutient le sénateur de l’Essonne.
« D’abord qu’est-ce que c’est un super profit ? A quel niveau on définit ça ? » demande, pas plus convaincu, le sénateur LR du Maine-et-Loire, Stéphane Piednoir, qui y voit « le meilleur moyen de faire fuir de gros investisseurs ». Selon le sénateur, l’idée de taxer les superprofits « n’est pas quelque chose qui se répand au sein du groupe LR ». Reste que les quelques prises de position, à l’échelle individuelle, en faveur de la taxe, montrent que certains LR ne sont pas insensibles, ou du moins pas totalement sourds à ce débat.
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