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Suppression de l’aide médicale d’Etat : Gérald Darmanin soutient « un totem » de la droite sénatoriale

A quelques semaines de l’examen du projet de loi immigration, Gérald Darmanin a fait un signe en direction de la majorité sénatoriale de la droite et du centre en se déclarant favorable à la suppression de « l’Aide médicale d’Etat » transformée en « aide médicale d’urgence ». La mesure a déjà été votée en commission des lois du Sénat. Insuffisant pour la majorité sénatoriale, si le volet intégration du texte est maintenu.
Simon Barbarit

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C’est une prise de position qui ne va pas fondamentalement changer les équilibres politiques autour du projet de loi immigration qui arrive en séance publique le 6 novembre prochain. Dans les colonnes du Parisien, Gérald Darmanin a déclaré, à titre personnel, être « favorable » à la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) transformée en aide médicale d’urgence (AMU) visant à garantir l’accès aux soins pour les étrangers en situation irrégulière.  « C’est un bon compromis qui allie fermeté et humanité », a vanté le ministre. Sur conditions de ressources, l’aide médicale d’Etat prend en charge à 100 % de ses frais médicaux et hospitaliers dans la limite des tarifs de la sécurité sociale pour les étrangers en situation irrégulière qui résident sur le territoire français depuis au moins trois mois sans discontinuité.

« Ce ne peut pas être un objet de compromis »

La refonte de l’AME est une mesure chère à la droite sénatoriale qui l’a votée en commission des lois en mars dernier avant que l’examen du texte ne soit reporté. Dans le rapport de la commission des lois, l’aide médicale d’urgence est recentrée « sur la prise en charge de la prophylaxie et du traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, des soins liés à la grossesse, des vaccinations réglementaires et des examens de médecine préventive ». Il s’agit là d’une position constante de la droite. Un amendement en ce sens avait été adopté lors de l’examen du dernier budget, mais également en 2018, dans le cadre de la loi Asile Immigration.

En quête d’une majorité sur ce texte, cette main tendue du ministre en direction de LR est regardée avec scepticisme du côté de la majorité sénatoriale. « Déjà, ce n’est pas vraiment une annonce puisque le ministre nous avait dit au mois de mars qu’il était prêt à avancer sur cette question. Et ce ne peut pas être un objet de compromis de la part du gouvernement qui nous dirait : on vous suit sur l’AME et vous, de votre côté, vous votez l’article 3 et 4. Si ces deux articles sont dans la loi nous ne la voterons pas », prévient le vice-président de la commission des lois, Marc-Philippe Daubresse.

Le sénateur du Nord rappelle ainsi les deux lignes rouges de la droite sur ce texte : la création d’un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers dans les « métiers en tension » à l’article 3 et l’article 4 qui vise à permettre aux demandeurs d’asile de travailler dès le dépôt de leur demande de régularisation auprès de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Il y a un mois, dans une tribune, des parlementaires de gauche et une partie de la majorité faisaient pression sur le gouvernement pour conserver le volet régularisation du projet de loi. Les centristes avec qui LR forment la majorité sénatoriale souhaitent également avancer sur le volet régularisation mais ouvrent la porte à un compromis en proposant de passer par la voie réglementaire.

« C’est typiquement un faux sujet en matière d’immigration »

Et si les centristes ont soutenu Les Républicains en commission dans leur proposition de réforme de l’AME « c’est parce que ses conséquences pratiques sont voisines de zéro », explique le co-rapporteur du texte, Philippe Bonnecarrère (Union centriste). « C’est typiquement un faux sujet en matière d’immigration. La droite qui y est très attachée mais les implications sont voisines de zéro. L’aide médicale pour les étrangers en situation irrégulière est une obligation constitutionnelle. Et l’éthique médicale fait qu’un médecin soignera toujours quel que soit le statut du patient. Et ça n’aura pas non plus d’effet sur les flux migratoires. Le département français qui subit la plus grosse pression, c’est Mayotte, précisément là où l’AME n’est pas applicable. Je pense que Gérald Darmanin a fait le même raisonnement que le groupe centriste en laissant ce totem à la droite sachant bien que ce n’aura pas de conséquences pratiques », souligne l’élu.

« Ce n’est pas un totem. L’aide médicale d’Etat représente 1,2 milliard par an, l’hébergement d’urgence c’est 4 millions par jour. Evidemment qu’il y a le serment d’Hippocrate mais on ne peut plus accueillir comme on le faisait avant », objecte Marc-Philippe Daubresse.

La Première ministre, Élisabeth Borne n’a pas tranché et a lancé, dimanche, la création d’une mission chargée de déterminer si « des adaptations » de l’Aide médicale d’Etat sont « nécessaires ». La mission sera pilotée par le haut fonctionnaire et figure de LR, Patrick Stefanini et l’ancien ministre socialiste des Affaires sociales, Claude Evin.

« C’est un positionnement politique pour faire passer la loi avec l’aide de la droite »

« Oui, mais elle n’a pas fermé la porte à une remise en cause de l’AME. C’est un positionnement politique pour faire passer la loi avec l’aide de la droite », analyse le vice-président écologiste de la commission des lois, Guy Benarroche qui rappelle que son groupe est favorable « à l’accès aux soins pour tous les migrants sans condition ».

« Attendons les travaux de la mission », temporise le patron des sénateurs de la majorité présidentielle, François Patriat. « En l’état actuel des choses, nous ne voterons pas la version de LR, les critères d’urgence ne sont pas assez bien définis », ajoute-t-il.

Pour Philippe Bonnecarrère, « le vrai sujet » n’est pas l’AME mais la procédure d’admission des étrangers malades pour qui le défaut de prise en charge entraînerait des « conséquences d’une exceptionnelle gravité ». La procédure a elle aussi été remaniée dans le rapport de la commission des lois, mais cette fois-ci, avec l’appui du groupe centriste. Actuellement, cette procédure d’admission au séjour est conditionnée au « défaut d’accès effectif aux soins dans le pays d’origine ». Les sénateurs lui ont substitué le critère plus restrictif, qui a prévalu jusqu’en 2016 : « l’absence de traitement dans le pays d’origine ».

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