C’était le 16 juin dernier. Emmanuel Macron visitait un site de Sanofi près de Lyon. L’occasion pour le chef de l’État de parler souveraineté sanitaire et relocalisations. Dix jours plus tard, patatras : le groupe pharmaceutique a annoncé la suppression de 1700 emplois, dont un millier en France, dans le cadre d’une « nouvelle stratégie » comme l’a confirmé à l’AFP le président France du groupe, Olivier Bogillot.
« Le moins que l’on puisse dire c’est que ça tombe extrêmement mal » reconnaît Sophie Primas, présidente (LR) de la commission des Affaires économiques du Sénat. « Une réflexion sur la compétitivité de Sanofi en France semble être à l'œuvre » s’inquiète la sénatrice. « On dit en permanence qu’il faut faire de la valeur ajoutée en France. Si on n’en fait pas dans le médicament, je ne sais pas où il y en a ! »
Fonctions support
L’entreprise, qui emploie 25 000 salariés dans l'Hexagone et 100 000 dans le monde, a affirmé qu’elle ne ferait pas de plan social et miserait sur des départs volontaires. Pas de quoi rassurer Pascal Lopez, délégué FO chez Sanofi. « On sort tout juste d’un plan social qui doit se terminer au 30 juin et qui a conduit à 1 200 suppressions de postes, dont 600 dans les fonctions support » rappelle le syndicaliste.
Selon lui, les fonctions support rassemblées dans l'entité Sanofi Aventis Groupe seraient les plus menacées par les nouvelles suppressions de postes. Les divisions Sanofi Winthrop (production) et Sanofi Aventis France (activités commerciales) pourraient également être touchées. Les détails doivent être communiqués aux représentants syndicaux lors de deux comités de groupe les vendredi 26 juin et lundi 29 juin.
« On le vit mal »
Pour Pascal Lopez, la stratégie de Sanofi est de « dégraisser le mammouth. La direction compte sous-traiter tout ce qu’elle peut sous-traiter. Des pans entiers de l'activité sont transférés à des sous-traitants ». Une cure d'amincissement déjà amorcée par la fermeture annoncée d’un site de R&D à Alfortville et un projet de cession de six sites de production chimique. « Sanofi ne serait plus majoritaire, les salariés passeraient sous un autre étendard » s’inquiète Pascal Lopez. En décembre dernier, le PDG du groupe Paul Hudson avait annoncé un plan d’économies de deux milliards d’euros d’ici 2022.
« On le vit mal » témoigne Pascal Lopez. « Il y a un phénomène d’accumulation. Les salariés sont aux abois, ils n’en peuvent plus. » Le syndicaliste pointe des phénomènes de burn-out et de dépression, à prendre d’autant plus au sérieux selon lui, que trois salariés ont récemment mis fin à leurs jours. « Le 5 octobre, le 9 mai et le 19 juin. On n’est pas France Telecom » tempère Pascal Lopez, mais il appelle à la vigilance.
Monde d'avant
Ces éventuelles suppressions d’emplois ont en tout cas de quoi embarrasser l'exécutif, qui vient d’annoncer une enveloppe de 200 millions d’euros pour soutenir la relocalisation d’emplois dans l'industrie pharmaceutique. « Sanofi a versé 4 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires en 2019 » rappelle Fabien Gay, sénateur communiste de la Seine-Saint-Denis et membre de la commission des Affaires économiques. « C’est une boîte qui travaille avec 80% de son chiffre d’affaires en France qui est remboursé par la Sécurité sociale, et qui en même temps touche des millions d’euros d’aides via les crédits d’impôts ! Si à la fin ça se termine par mille suppressions de postes, c’est un scandale ». Pour le sénateur, il est plus que temps de conditionner les aides aux entreprises. « Sinon, on n’a rien compris à la crise. Le monde d’après ressemble furieusement au monde d’avant ».
Quelles sont les intentions de Sanofi ? « Si derrière cette réorganisation, il y a un plan d'investissements en France, on ne peut pas le reprocher à Sanofi. C’est quand tout va bien qu’il faut se préparer. Mais si ce n'est pas ça, c'est très inquiétant » analyse Sophie Primas. Le groupe vient justement d’annoncer plus d’un demi-milliard d’euros d’investissements en France dans la recherche et la production de vaccins. Pascal Lopez, délégué FO, croit deviner des « projets de fusion acquisition » derrière la stratégie d'économies du groupe. « Si ce projet pérennise l’entreprise, pourquoi pas. Mais ce que nous ne voulons pas, c’est ce qui est en train de se passer aujourd’hui. C'est-à-dire qu’on maltraite le personnel ».