Surendettement : « un sujet qui risque d’exploser », selon Marine Jeantet

Surendettement : « un sujet qui risque d’exploser », selon Marine Jeantet

Auditionnée dans le cadre de la mission d’information sur la lutte contre la précarité, la déléguée interministérielle à la lutte contre la pauvreté s’est montrée inquiète quant au surendettement et aux expulsions locatives qui devraient exploser après la trêve hivernale.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

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« Je m’attendais à un hiver plus compliqué », confie Marine Jeantet, la déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté devant les sénateurs. Les mesures d’urgence telles que le chômage partiel ont amorti la crise économique et sociale consécutive de l’épidémie mais rien n’est gagné. Selon elle, les effets pourraient se faire sentir dans les mois à venir.

Auditionnée dans le cadre de la mission d’information sur la lutte contre la pauvreté, Marine Jeantet a fait état des sujets sur lesquels ses services gardent un œil inquiet. « Les 10 % les plus pauvres se sont endettés, là où les 20 % les plus riches ont épargné pendant cette période de crise », explique-t-elle. Si cent points conseil budget (PCB) supplémentaires ont été ouverts pour accompagner les personnes en difficultés, « c’est un sujet qui risque d’exploser ».

Paradoxalement, les dépôts de dossiers de surendettement ont baissé de 24 % en 2020 mais cela s’explique davantage à cause du confinement. Lorsque les aides aux entreprises prendront fin, la situation pourrait déraper. Les personnes confrontées au surendettement font également face à la question des frais bancaires. Une difficulté à laquelle Marine Jeantet se dit « très attentive » notamment avec le souci que les aides exceptionnelles du gouvernement « ne servent à payer uniquement les frais bancaires ».

Les expulsions locatives devraient exploser à la fin de la trêve hivernale

Autre bombe à retardement : la question des impayés de loyers et des risques d’expulsion locative. « On n’est pas non plus dans une explosion d’impayés de loyers mais on sait que ça va sans doute arriver. Les expulsions locatives ont été gelées et on a un stock non négligeable de 30 000 personnes à l’horizon de la fin de la trêve hivernale, là où, en 2019, il y avait 17 000 expulsions locatives », expose la déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté.

Les aides pour les locataires sont souvent inconnues ou trop restrictives au niveau des critères d’attribution qui varient d’un département à l’autre. C’est le principal reproche qui est fait au fonds de solidarité pour le logement (FSL). Plus globalement, la question de l’accès aux droits a largement été évoquée. « 20 % des gens qui pourraient aller vers le RSA n’y vont pas », rappelle Marine Jeantet en soulignant le rôle que devront jouer les maisons France services.

« Les maisons France services sont en train de se développer et surtout on fait beaucoup de démarches pour les jeunes dans le cadre de l’obligation de formation. Il faut aller les chercher, on envisage de faire des maraudes numériques », indique-t-elle. La dématérialisation des guichets dans les services publics a éloigné les publics les plus précaires, ceux qui souffrent de la fracture numérique.

Face à cette situation, la déléguée interministérielle veut développer une approche dite « d’aller vers ». Devant les sénateurs, elle a décrit une des expérimentations mise en place : « J’ai demandé aux CAF et aux CPAM d’aller dans les centres d’hébergement pour faire directement les ouvertures de droits. Il y a 300 ETP (équivalent temps plein) qui ont été mobilisés et on a ouvert à peu près plus de 3 000 droits. Ce sont des gens qui ne seraient pas forcément venus dans les accueils des CAF et des CPAM ».

Face à la crise qui touche aussi durement les jeunes, le sujet du revenu universel a été remis sur la table. « Dans ce quinquennat-là, on n’aura pas le temps de passer une loi », pose déjà Marine Jeantet. En revanche, un rapport technique sera rendu à l’automne, « le but est au moins de capitaliser sur tous les travaux qui sont faits ».

La déléguée interministérielle à la lutte contre la pauvreté n’entend d’ailleurs pas forcément présenter de nouveaux dispositifs mais plutôt « mettre en application les nombreux dispositifs créés et amener plus de visibilité ». « La priorité c’est de retrouver une activité qui permette à chacun de gagner sa vie dignement », conclut-elle. 

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