La décision a été prise jeudi, lors de la réunion du bureau national du Parti socialiste : la sénatrice de la Charente Nicole Bonnefoy est suspendue à titre conservatoire, pour avoir « contribué » à faire basculer à droite le département dans lequel elle est élue, d’après un membre de la direction du parti, cité par Politico.
Le 16 septembre dernier, c’est le MoDem Jérôme Sourisseau qui l’a emporté à la tête du département de la Charente, à l’issue d’un scrutin serré à trois tours. Le socialiste Philippe Bouty, avait démissionné le 1er septembre dernier, dans un contexte de crise politique. Rembobinons.
De fortes tensions dans la majorité de gauche du département qui ont conduit à la démission de son président
En 2021, le socialiste ravit le département à la droite. Mais en 2024, il échoue à faire adopter un budget pour l’année à venir. L’une des membres de sa majorité, la sénatrice Nicole Bonnefoy, a décidé de faire sécession avec cinq autres élus et de créer un groupe pour protester contre la gestion du président. « Les divisions étaient très importantes depuis très longtemps », explique cette dernière à publicsenat.fr, « elles sont liées à des dysfonctionnements graves mis en lumière sous la présidence de Philippe Bouty ». Faute de budget, la collectivité est mise sous tutelle du préfet, et c’est en juin que la Cour régionale des comptes établit son budget. Les appels à la démission de Philippe Bouty se font entendre, ce dernier s’exécute le 1er septembre.
Le 16 septembre, se tient le scrutin pour élire le nouveau président du département. Trois candidats sont en lice : Célia Hélion, issue de la majorité sortante de gauche, Jérôme Sourisseau, candidat MoDem de la droite et du centre et Nicole Bonnefoy, appuyée de quelques autres élus dissidents. Lors des deux premiers tours, la candidate de gauche obtient 16 voix, le candidat de droite 18 et Nicole Bonnefoy 4, sur les 38 au total. Il fallait vingt voix pour l’emporter. Cette dernière se retire au troisième tour et vote blanc, avec trois autres personnes, permettant à Jérôme Sourisseau de l’emporter. Ce dernier, à l’issue du vote, a tendu la main à ses concurrentes pour rejoindre sa majorité. Une proposition refusée par Célia Hélion, mais pas par la sénatrice. « Dans ma candidature, j’appelais à une coalition gauche droite », explique-t-elle, « car aujourd’hui, personne n’est majoritaire, il faut que les gens composent entre eux pour sortir un exécutif ».
Un « comportement indigne » pour Nicole Bonnefoy
La sénatrice dénonce la sanction du bureau national, qu’elle juge « irrégulière ». « Selon les statuts du parti, les parlementaires ont un statut à part. Ce n’est pas le bureau national qui peut les sanctionner, c’est uniquement la commission nationale des conflits ou le conseil national », juge Nicole Bonnefoy. Elle dénonce par ailleurs des « irrégularités » dans l’investiture de Célia Hélion comme candidate du PS au département de la Charente : « Elle a été désignée, en dehors de toutes les règles du parti, par une douzaine de personnes, juste avant le scrutin, alors qu’elle n’est pas adhérente », argue-t-elle. Elle affirme avoir contesté cette désignation. Nicole Bonnefoy dénonce un « comportement indigne, un diktat clanique » de la part de la direction du parti. Elle affirme se réserver le droit de ne pas reprendre sa carte.
« Quand on est dans un parti politique, on respecte les règles collectives »
Contactée, la direction du PS conteste le caractère irrégulier de la décision : « C’est l’article 4.3.4 de nos statuts : ‘le Bureau national peut, à titre conservatoire, suspendre un adhérent de sa qualité d’adhérent dans l’attente d’une décision de la commission disciplinaire compétente’ », rappelle un cadre du parti.
« Quand on est dans un parti politique, on respecte les règles collectives. On ne fait pas ce qu’on veut. Et surtout, on ne fait pas passer un département de gauche à droite. On ne se présente pas contre des candidats qui ont été investis par le parti. », argumente ce même cadre, « quand on ne respecte pas les règles, on est sanctionné jusqu’à la possible exclusion, quel que soit son mandat, et c’est valable pour cette situation comme pour demain, évidemment ».
A quelques mois des élections municipales, la perte d’un département à la suite d’une dissidence est un mauvais message pour le PS.
Au Sénat, « cela ne change rien au fonctionnement du groupe »
La suspension de Nicole Bonnefoy ne change rien pour le groupe au Sénat. « Cela concerne Nicole Bonnefoy comme conseillère départementale, c’est une décision très circonscrite à la situation de la Charente », annonce Patrick Kanner, président du groupe socialiste du Sénat. Il salue le « travail formidable » de la sénatrice, « élue et réélue depuis dix-sept ans ». « Cela ne change rien au fonctionnement du groupe et n’a pas de conséquence à mon niveau », affirme-t-il. Selon lui, les sénateurs présents à la réunion de jeudi n’ont, pour la plupart d’entre eux, pas pris part au vote. Nicole Bonnefoy exprime son souhait de demeurer dans le groupe, tant qu’elle peut continuer à « travailler en bonne intelligence » avec ses membres.
Par ailleurs, la suspension de la sénatrice n’étant que conservatoire, elle devra être tranchée sur le fond par la Commission nationale des conflits du parti, l’instance qui doit gérer les différends en interne. La date de la décision n’est pas encore connue car cet organe n’est pas encore installé.