Semur-en-Auxois: Macron and his wife Brigitte visiting the collegiate Church of Notre Dame

Suspension de la coopération culturelle avec des artistes africains : face au tollé, l’exécutif fait une mise au point

Conséquences de la dégradation des relations diplomatiques et militaires française au Mali au Niger et au Burkina Faso, les directions générales des affaires culturelles (Drac) ont demandé cette semaine aux acteurs culturels de stopper tous les projets de coopération avec des artistes ressortissants de ces trois pays. Face à l’indignation suscitée, l’exécutif a rétropédalé ce vendredi.
Simon Barbarit

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Les artistes vont-ils être les victimes collatérales de la dégradation des relations diplomatiques et militaires françaises en Afrique ? C’est en tout cas ce qu’avait laissé entendre un courrier envoyé mercredi au Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac). Les directions régionales de la culture (Drac), qui représentent le ministère, avaient informé le milieu du spectacle vivant que « tous les projets de coopération » menés […] « avec des institutions ou des ressortissants » du Mali, Niger et du Burkina Faso devaient être « être suspendus, sans délai, et sans aucune exception ».

« Tous les soutiens financiers doivent également être suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations par exemple. De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces pays ne doit être lancée », poursuit le courrier que l’AFP a pu consulter.

« Il n’y a pas de frontières pour les artistes »

Un message qui a logiquement provoqué la sidération du milieu du spectacle vivant. « On a quand même l’habitude des crises diplomatiques et militaires et on sait que dans ces cas-là les questions consulaires sont impactées. Mais là il ne s’agit pas d’un simple courrier, mais d’une injonction à ne plus inviter d’artistes ni de les financer. A part peut-être pour la Corée du Nord, je ne sais pas si on a déjà appliqué de telles mesures pour des ressortissants étrangers auparavant. Il n’y a pas de frontières pour les artistes. Et la France a toujours été une terre d’accueil pour des artistes qui peuvent avoir des difficultés à s’exprimer dans leur pays », réagit auprès de publicsenat.fr, Nicolas Dubourg, président du Syndeac et directeur du théâtre universitaire La Vignette à Montpellier.

« D’habitude la méthode est différente »

La vice-présidente de la commission de la culture du Sénat, Sylvie Robert (PS) ne garde pas non plus en mémoire un précédent « à cette lettre rédigée sur un ton comminatoire demandant de stopper toute forme de coopération avec des artistes étrangers ». « D’habitude la méthode est différente. Il y a des discussions entre le ministère et les acteurs culturels pour faire un état des lieux et voir ce qu’il est possible de faire, recenser les artistes qui sont programmés. C’est quand même incroyable de s’adresser de la sorte à des structures de droit privé, des sociétés d’économie mixte, des établissements qui ont une liberté dans leur programmation ».

Face au tollé, Emmanuel Macron en personne a démenti le courrier de la Drac. « Lorsqu’on dit qu’il n’y aura pas de visa ou qu’on annule tous les événements qui seraient faits en France avec tous les artistes venant du Burkina Faso, du Mali ou du Niger : c’est faux, ça ne se passera pas », a assuré le chef de l’Etat en déplacement à la collégiale de Semur-en-Auxois, en Côte-d’Or, ajoutant que « la vocation de la France, c’est d’accueillir les artistes, les intellectuels et de pouvoir justement les faire rayonner en toute liberté ».

Quelques heures plus tôt, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak a aussi tenté de corriger le tir en assurant n’avoir demandé « aucune déprogrammation d’artistes, de quelque nationalité que ce soit ». « Cette décision n’affecte pas les personnes qui seraient titulaires de visas délivrés avant cette date ou qui résident en France ou dans d’autres pays », a-t-elle précisé sur RTL.

Selon la ministre, c’est une forme de pragmatisme qui aurait motivé le courrier de la Drac. « Nous n’avons aujourd’hui pas de service de visa en fonctionnement dans ces pays pour des raisons de sécurité », a-t-elle expliqué, ajoutant qu’il est aujourd’hui « matériellement » impossible de « délivrer des visas pour venir en France ».

« En ce qui concerne les visas, il est vrai que l’ambassade et le consulat français ne fonctionnent plus au Niger », confirme le sénateur LR, André Reichardt président du groupe d’amitié France-Afrique de l’Ouest. « Après reste la question financière, lorsque la France a stoppé l’aide au développement au Mali l’année dernière, j’avais alerté la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna pour lui dire que je ne comprenais pas qu’on puisse pénaliser la population. Elle m’avait répondu que c’était un choix du Mali qui voulait couper tout contact avec la France. Est-ce la même chose pour les aides à la culture ? Je vais adresser un nouveau courrier à la ministre pour en savoir plus », annonce le sénateur.

Pour mémoire, depuis cet été, la France a également interrompu toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire avec le Niger et le Burkina Faso.

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