Ceux qui ont gardé leur âme d’adolescent savent que les « breaks » d’été n’annoncent souvent rien de bon. Celui-là, promet le gouvernement, permettra de tout remettre à plat. Pourtant, la séquence de cette semaine sur Ma Prime Rénov’ a de quoi faire douter. Ce lundi, Le Parisien annonce que le gouvernement compte suspendre, du mois de juillet à décembre, cette aide financière pour encourager les travaux de rénovation énergétique. Interrogée par Le Parisien sur la question, la ministre du Logement, Valérie Létard, leur avait répondu que « rien n’était décidé. »
« Rien n’est décidé aussi précisément que Le Parisien a bien voulu le dire », maintient ce jeudi Valérie Létard au micro de Public Sénat. Pourtant, ce mercredi, Éric Lombard a confirmé la suspension devant la représentation nationale, en raison « d’une avalanche de demandes qui a encombré les services » (voir notre article sur son audition), a-t-il précisé, tout en réitérant que cette suspension ne servirait pas à faire des économies « en cachette. »
« Ce n’est pas la fin de Ma Prime Rénov’, ni définitive ni pour six mois »
« Ce n’est pas la fin de Ma Prime Rénov’, ni définitive ni pour six mois. Ce n’est certainement pas une fin du dispositif que nous souhaitons pérenniser et Éric Lombard me rejoint », confirme ce jeudi la ministre du Logement. Des prises de position loin d’avoir rassuré, des bancs du Parlement aux fédérations du bâtiment. « À chaque fois c’est la même chose, ils fragilisent le dispositif ensuite les gens regardent la presse et se disent que Ma Prime Rénov’ c’est cuit. La suite c’est qu’on va nous vendre une simplification, puis un autre ministre de l’Économie nous annoncera peut-être un coup de rabot parce qu’il n’y aura plus assez de dossiers », fustige le sénateur socialiste Rémi Cardon, qui a interrogé Éric Lombard sur le sujet lors de son audition au Sénat ce mercredi.
Pour l’instant, les deux ministres le maintiennent : 3,6 milliards d’euros ont été votés dans la loi de finances 2025 pour ma Prime Rénov’ et ils resteront fléchés sur ce dispositif. « On est au rendez-vous sur le budget. Je n’ai aucune coupe de crédit sur ce poste, c’est le budget qui a été voté pour la rénovation thermique des logements et dont je dispose », explique Valérie Létard, avant d’ajouter : « Après, je ne lis pas dans le marc de café. »
Une « suspension pour écluser les dossiers en retard »
Dans le contexte budgétaire actuel, la vérité de juin n’est pas celle du projet de loi finances voté (ou pas) en décembre. Pour le moment, face à « des retards dans l’instruction des dossiers » et des « fraudes significatives » (12 % de dossiers « suspicieux » d’après Éric Lombard), Valérie Létard confirme une « suspension pour écluser les dossiers en retard. »
Une annonce qui est loin d’avoir ravi les professionnels du bâtiment et de l’immobilier. Dans un communiqué de ce jeudi 5 juin, la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) a dénoncé « une volte-face qui illustre les contradictions du gouvernement sur la rénovation énergétique » et exprimé sa « vive inquiétude » face à « une décision brutale » et un « signal extrêmement préoccupant » pour les ménages comme les professionnels du secteur.
Face à la gronde des bailleurs, Valérie Létard admet que « les stop-and-go ne sont sympathiques pour personne », et que cette suspension du dispositif doit justement « sécuriser le cadrage du dispositif pour l’avenir », en « remettant à plat les dossiers qui peuvent avoir une petite tendance inflationniste sur les devis. » La ministre entend reculer pour mieux sauter, mais l’enchaînement des annonces de cette semaine laisse tout de même planer le doute.
Images : Adrien Pain