Exclusion, mise en retrait ou suspension des membres de LR ayant choisi de participer au gouvernement, le bureau politique a finalement tranché le débat sémantique en faveur d’une suspension mercredi 22 octobre. Depuis le 12 octobre et la participation de six ministres LR au gouvernement, les cadres du parti se sont écharpés pour déterminer le sort de Rachida Dati (ministre de la Culture), Annie Genevard (agriculture), Philippe Tabarot (transports), Vincent Jeanbrun (logement), Sébastien Martin (industrie) et Nicolas Forissier (commerce extérieur).
Le président du parti, Bruno Retailleau, avait d’abord annoncé l’exclusion des ministres LR pour avoir dérogé à la ligne du parti de soutenir le gouvernement sans y participer. Une sortie contestée puisque le président du Sénat, Gérard Larcher, plaidait dimanche 19 octobre pour un sursis de deux mois permettant d’attendre la fin des débats budgétaires pour trancher la position du parti. Mercredi 22 octobre, avant le bureau politique, les ministres concernés ont annoncé se « mettre en retrait » de leur fonction dans les instances dirigeantes du parti.
Une suspension pour ne pas « se fondre dans le macronisme »
« Demeurer au sein de ce gouvernement reviendrait à se fondre dans le macronisme, en renonçant à l’indépendance et aux convictions qui fondent notre engagement » explique le communiqué faisant suite à la réunion du bureau politique. Pour la direction du parti et Bruno Retailleau, la suspension doit permettre à LR de ne pas être comptable d’un budget qui pourrait être remanié sous l’influence du parti socialiste.
« C’est leur qualité d’adhérent à LR qui est suspendue, par conséquent ils ne peuvent pas parler au nom de LR ce qui signifie que nous avons toute notre liberté vis-à-vis de ce gouvernement. C’est le budget qui sera le juge de paix », explique le sénateur et membre du bureau politique, Max Brisson.
La suspension : « une solution médiane »
Opposé à la suspension des ministres LR, pour la plupart issus du groupe Droite Républicaine à l’Assemblée nationale, Laurent Wauquiez a annoncé mardi 21 octobre que les députés de son groupe ne voteraient pas « automatiquement » le budget. Face à la menace d’une dissolution de l’Assemblée nationale où LR pourrait perdre gros, Laurent Wauquiez s’est opposé à la censure du gouvernement. Pour rappel, 45 des 50 députés Droite Républicaine ont été élus contre des candidats d’extrême droite au second tour et 26 ont bénéficié du front républicain.
Pour Max Brisson, le choix de la suspension plutôt que de l’exclusion permet de concilier les différentes positions : « C’est une solution médiane entre ceux qui estiment que les ministres se sont mis eux-mêmes en retrait et ceux qui souhaitent une exclusion, la suspension est une voie de rassemblement ». Une solution d’apaisement plus qu’une cacophonie entre les dirigeants de LR assurent plusieurs cadres de LR. « Ce n’est pas un recul, c’est tout simplement un objectif d’apaiser un peu l’ambiance », considère la porte-parole du parti, Agnès Evren, jeudi matin sur France 2. Sur le plateau de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe LR au Sénat partage ce point de vue estimant que la suspension n’est pas un « recul ».
Rivalités rampantes
Les tergiversations de l’état-major de LR ont fait, une nouvelle fois, apparaître les dissensions internes au parti. « Ce sont des positionnements politiques, Laurent Wauquiez cherche à affaiblir Bruno Retailleau, dès que Retailleau prend une position il dit le contraire. Laurent croit encore qu’il peut être le candidat de la droite en 2027 », regrette un sénateur LR membre du bureau politique. « Les guerres d’ego n’arrangent pas l’image du parti », abonde la sénatrice de l’Aisne, Pascale Gruny.
A l’inverse, Xavier Bertrand, opposé à la suspension, a largement critiqué la gestion du président du parti sur France Inter ce jeudi 23 octobre. « J’appelle Les Républicains à davantage de cohérence […] Quand il y avait Bruno Retailleau au gouvernement, on pouvait être ministre sans problème. Et comme Bruno Retailleau n’est plus au gouvernement, ça pose problème », a déclaré le président de la région Hauts-de-France. Des différences de position qui laissent planer l’incertitude sur la possibilité ou non et les modalités d’une réintégration future.
Vers une réintégration en cas de chute du gouvernement ?
Si le parti s’est mis d’accord pour suspendre les ministres issus de ses rangs, les conditions de leur réintégration devraient dépendre de leurs positions sur le budget. « La suspension leur laisse la possibilité de revenir, à condition qu’ils ne se soient pas exclus de fait en approuvant un budget incompatible avec nos valeurs », estime la sénatrice des Hauts-de-Seine, Marie-Do Aeschlimann. Néanmoins, en cas de censure du gouvernement ou de démission des ministres suspendus, la réintégration au parti ne serait pas automatique. « La suspension durera le temps que le bureau politique le jugera nécessaire », prévient Max Brisson. « La réintégration méritera une réunion du bureau politique », abonde Pascale Gruny.
« Si le gouvernement tombe, il y a de grandes chances qu’ils soient immédiatement réintégrés », estime pour sa part un membre du bureau politique qui juge que ne pas réintégrer les ministres suspendus reviendrait à accentuer gravement les dissensions internes.
L’investiture de Rachida Dati pour les municipales ne devrait pas être remise en cause
Enfin, la suspension devrait tout de même permettre une continuité entre LR et les ministres. Et notamment Rachida Dati dont l’investiture pour les municipales à Paris n’a pas été remise en cause par le bureau politique. « Je pense que c’est un sujet qui peut être tranché plus tard, il n’y a pas besoin de remettre en question l’investiture maintenant », considère Marie-Do Aeschlimann.
« L’investiture de Rachida Dati n’est pas remise en cause puisqu’il n’y a pas eu d’exclusion », juge un sénateur LR. « Est-ce qu’on va mettre un candidat LR en face ? Ça paraît absurde, ce que l’on veut c’est que Paris ne soit plus à gauche », tranche Pascale Gruny.