Sylvie Goulard : les eurodéputés ont-ils privilégié « l’éthique à la compétence » ?

Sylvie Goulard : les eurodéputés ont-ils privilégié « l’éthique à la compétence » ?

La candidature de Sylvie Goulard au poste de commissaire européen a été largement rejetée par les députés européens au terme d’une deuxième audition. Un coup dur pour Emmanuel Macron qui demande des explications.
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« Je ne comprends pas ». En marge d’une conférence de presse sur le refinancement du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, cet après-midi à Lyon, Emmanuel Macron a fait mine de prendre ce camouflet infligé par les eurodéputés avec philosophie. « Je me suis battu pour un portefeuille, j'ai soumis trois noms ». « On m'a dit votre nom est formidable, on le prend et puis on me dit finalement on n'en veut plus. Il faut qu'on m'explique » s’est interrogé le chef de l'État avant d’indiquer être « très détendu » car « l’important » restait pour lui « le portefeuille » (Marché intérieur, l'Industrie, la Défense, l'Espace, le Numérique et la Culture).

Sylvie Goulard recalée: réaction d'Emmanuel macron
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Sylvie Goulard prend acte de la décision du Parlement

Au terme d’une deuxième audition devant les eurodéputés des commissions concernées par son portefeuille, la candidature de Sylvie Goulard a donc été rejetée à une large majorité 82 voix contre 29 pour et une abstention. Sur Twitter, l’éphémère ministre des Armées et ancienne députée européenne a « pris acte de la décision du Parlement européen, dans le respect de la démocratie ».

Une réaction sobre pour Sylvie Goulard qui paye l’incertitude de l’issue de deux enquêtes en cours qui pèsent sur elle.

Emplois fictifs présumés au MoDem

Deux enquêtes sont en effet en cours, l'une par la justice française, sur sa participation à un système d'emplois fictifs présumés pour son parti, le MoDem, en rémunérant un assistant parlementaire en France avec les fonds européens accordés aux députés par le Parlement européen.

« Éventuelles irrégularités concernant ses activités menées pour l'Institut Berggruen

Des soupçons sur son intégrité pèsent également sur ses activités ayant justifié d'importantes rémunérations obtenues entre 2013 et 2016 de l'institut Berggruen, fondé par le milliardaire germano-américain Nicolas Berggruen, alors qu'elle était députée européenne. L'office anti-fraude de l'UE (Olaf), a aussi confirmé à l'AFP enquêter sur « d'éventuelles irrégularités concernant les activités que Mme Goulard a menées pour l'Institut Berggruen alors qu'elle était députée européenne ».

« Elle m’a rappelé pour me dire : c’est bon, ça leur va »

Emmanuel Macron a pourtant précisé avoir fait part de ces enquêtes à Ursula Von der Leyen, en amont de la candidature officielle. La future présidente de la commission aurait par la suite appelé le président du groupe Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates (socialiste), le président du PPE Parti Populaire Européen (droite) et le président du groupe Renew (Alliance des démocrates et des libéraux). « Et elle m’a rappelé pour me dire : c’est bon, ça leur va » a assuré Emmanuel Macron cet après-midi.

Bernard Guetta dénonce « un immense gâchis »

Du côté de la majorité présidentielle, on dénonce « un jeu politique ». Contacté par Public Sénat, le député européen (Renew), Bernard Guetta regrette que « des petits jeux politiques aient prévalu sur l’intérêt général ». « Les institutions de l’Union européenne viennent de se priver d’une personne à la compétence et au talent peu communs. C’est un immense gâchis ».

Même sentiment du côté de l’ancienne ministre des affaires européennes, et actuelle eurodéputée, Nathalie Loiseau. « Ceux qui ont été les plus virulents, les plus bas vis-à-vis de Sylvie Goulard, ce sont les députés européens français qui ont manifestement la défaite mauvaise. La France insoumise, le Rassemblement national et Les Républicains se sont alliés contre une candidate française. Nous sommes le seul pays à avoir donné ce spectacle désolant ».

La volonté de ne pas faire deux poids deux mesures de la part de commission des Affaires juridiques du Parlement, chargée de vérifier les déclarations d’intérêts des candidats, pourrait constituer une autre explication. La sociale-démocrate roumaine, Rovana Plumb en a fait les frais en étant évincée avant même son grand oral, pour un conflit d'intérêts.

« Provocation » d’Emmanuel Macron ?

Le conservateur hongrois, ancien ministre de la Justice, Laszlo Trocsanyi a subi le même sort pour des raisons politiques. « Mais Viktor Orban a présenté un remplaçant immédiatement. Dans le cas de Sylvie Goulard, on pourrait penser qu’il s’agit d’un tir croisé à destination d’Emmanuel Macron qui a fait ce qui s’apparente à une provocation en présentant la candidature d’une personne sous la menace d’une mise en examen. C’était pourtant pour cette raison que Sylvie Goulard n’a été qu’une éphémère ministre des Armées » note Jean Bizet, président LR de la commission des affaires européennes du Sénat.

« Le rejet de la candidature de Sylvie Goulard, soutenue par le Président, est un désaveu cinglant pour ce dernier, malgré ses leçons de morale perpétuelles, et peut-être même à cause d’elles, Macron apparaît de plus en plus isolé en Europe » perçoit également la présidente du RN, Marine Le Pen.

À un questionnaire écrit des députés européens, Sylvie Goulard avait même indiqué qu’elle ne démissionnerait pas forcément de son poste de commissaire européen en cas de mise en examen. Ce qui n’a pas forcément arrangé son cas.

« Ça s’appelle l’éthique et ça s’appelle aussi un Parlement

« Les parlementaires européens ont fait montre d’une grande indépendance en privilégiant l’éthique à la compétence » estime Jean Bizet.

Raphaël Glucksmann, député européen socialiste partage la même analyse. « On peut expliquer (à Emmanuel Macron), ce n’est pas très compliqué : ça s’appelle l’éthique et ça s’appelle aussi un Parlement, c’est-à-dire une enceinte remplie de députés qui votent en leur âme et conscience et qui ne suivent pas toujours bêtement les consignes du pouvoir exécutif » tweete-il.

Vers un portefeuille français réduit ?

Sur Twitter également, Jean-Luc Mélenchon, lui-même ancien député européen, juge « la France ridiculisée par les choix de Macron » et considère que « l'accord international pour la composition de la Commission vient de s'effondrer » avant de conclure : « L'Europe, un radeau sans pilote ».

Le portefeuille alloué à la France va-t-il en effet en pâtir ? C’est ce que craint également Jean Bizet qui pressent une amputation des compétences de la future commissaire française. Car pour une raison de parité, la France devra présenter une nouvelle candidature féminine. Le temps presse, la future Commission européenne doit prendre ses fonctions début novembre.

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