Paris: Handover Ceremony Bayrou-Lecornu At The Hotel dr Matignon
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Syndicats reçus à Matignon : « Sébastien Lecornu a besoin d’être ferme sur ses engagements s’il veut survivre »

Tout juste nommé à Matignon et entre deux mouvements sociaux, Sébastien Lecornu a entamé des consultations avec les syndicats. Mais la marge de manœuvre de ce proche du chef de l’Etat s’annonce plus que réduite.
Simon Barbarit

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Figure de style imposé par la fonction ou reproche déguisé pour son prédécesseur, c’est droit dans les yeux de François Bayrou que Sébastien Lecornu a promis « des ruptures » mercredi lors de la passation de pouvoir.

« Ce qu’attentent les travailleurs et les travailleuses, ce sont des preuves de cette rupture », a fait valoir vendredi la patronne de la CFDT, Marylise Léon à la sortie de Matignon. Le nouveau Premier ministre a démarré un cycle de consultations avec les partenaires sociaux en recevant la centrale réformiste. Après l’échec du conclave sur la réforme contestée des retraites de 2023 lancé par son prédécesseur, François Bayrou, c’est avec prudence que les syndicats abordent cette série de rencontres qui se poursuivra jusqu’à lundi.

Quelles suites à la réforme des retraites ?

Si Sébastien Lecornu a indiqué, cette semaine, au secrétaire général de FO, Frédéric Souillot vouloir donner « plus de place à la démocratie sociale », le Premier ministre se garde bien de dévoiler la moindre piste à ce stade. « Il veut pas du tout donner l’impression que ces échanges et consultations sont de la communication, où tout le monde parle sur le perron et y va de son commentaire. Là il veut échanger », insiste l’entourage du Premier ministre.

« Il n’a pas donné de position sur ce qu’il allait donner comme suite sur le sujet des retraites », a confirmé Marylise Léon à la presse, en répétant que la CFDT était fermement opposée à une éventuelle réouverture du conclave.

Après avoir d’abord échangé avec les représentants des forces politiques du socle commun, le nouveau locataire de Matignon fait donc une pause dans les consultations politiques pour rencontrer les syndicats. Les forces d’opposition seront reçues par la suite. Pas de quoi, à ce stade, y voir une révolution copernicienne.

« Un tour pour rien »

« Sébastien Lecornu a donné des gages rhétoriques en parlant de rupture. Il est présenté comme quelqu’un pouvant négocier avec les syndicats, mais François Bayrou l’était aussi. Il a tout intérêt à parler de rupture alors que le message envoyé aux syndicats avec sa nomination est plutôt celui de la continuité. Le dialogue social est quand même affaibli depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir. Il a toujours considéré que les syndicats devaient rester en marge des politiques publiques, loin de la co-construction de projets à l’échelle d’un pays », analyse l’historien spécialiste du syndicalisme, Stéphane Sirot.

« C’est un tour pour rien, simplement pour meubler un vide politique. Il est normal que le Premier ministre rencontre les syndicats mais ça ne donnera rien », tranche Jean-Marie Pernot, chercheur en sciences politiques associé à l’Institut de Recherches Économiques et Sociales et au Centre d’histoire sociale.

Si on n’imagine pas ce proche du chef de l’Etat lancer le détricotage de la réforme des retraites, il semble plus ouvert à avancer sur « une contribution des plus hauts revenus », a relevé Marylise Léon. D’autres points comme la conditionnalité des aides aux entreprises, l’enterrement de la suppression des deux jours fériés de projet de budget de François Bayrou ou plus sensible, une nouvelle réforme de l’assurance chômage, sont à l’étude. La CFDT a d’ailleurs annoncé jeudi qu’elle allait saisir en référé le Conseil d’Etat pour contester la légalité de la lettre de cadrage sur l’assurance chômage envoyée en août aux partenaires sociaux

« François Bayrou a fait beaucoup de promesses qu’il n’a pas tenu, car il était dans une position vis-à-vis du PS qui ne lui permettait pas de faire autrement. C’est pourquoi, Sébastien Lecornu a besoin d’être ferme sur ses engagements s’il veut survivre. Le PS a besoin de concessions substantielles en vue des municipales », relève Stéphane Sirot.

Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat, ne disait pas autre chose, cette semaine à Public Sénat. « Si on sent une porte ouverte sérieuse, une vraie rupture de la part de Sébastien Lecornu, on est prêts à aller à une table de dialogue. C’est notre logique. Car avec les Verts, le PCF, Place Publique, on veut être la gauche utile aux Français les plus modestes », soutenait-il.

Outre des mesures de justice fiscale, avec la taxe Zucman, le PS attend des gestes sur le pouvoir d’achat, par une relance la politique de la demande. « La question du pouvoir d’achat c’est ce qui remonte du terrain. On a tendance à oublier que même si on arrive à la fin de l’épisode inflationniste, nous ne sommes pas revenus aux prix d’avant », insiste Jean-Marie Pernot.

« Les syndicats, à eux seuls, ne peuvent pas bloquer le pays »

Le contexte politique éruptif, pourrait s’accompagner d’un contexte social qui le serait tout autant. Le mouvement « Bloquons tout » a rassemblé quelque 200 000 manifestants mercredi, la mobilisation intersyndicale du 18 septembre devrait être plus massive. Afin de paraître en position de force, Force ouvrière ne veut d’ailleurs pas être reçue avant cette date. « La CFDT a fait le choix d’un partenariat social. Mais ce partenariat ne peut pas exister sans partenaire. Malgré des prises de position de départ assez maximalistes, l’intérêt de la CFDT est de trouver un accord. Le syndicalisme de partenariat a été mis à mal par Emmanuel Macron, mais c’est également le cas du syndicalisme mouvementiste. En dépit de mouvement sociaux de grande ampleur en 2023 lors de la réforme des retraites, la CGT n’a pas eu grand-chose à se mettre sous la dent », observe Stéphane Sirot.

Jean-Marie Pernot abonde. « Les syndicats, à eux seuls, ne peuvent pas bloquer le pays car il y a toute une partie du salariat où ils ne sont pas implantés. Pour autant, on ne peut pas opposer les syndicats au mouvement du 10 septembre où des mouvements citoyens ou associatifs ont été actifs. La CGT a pu donner un coup de main ici et là et quand on fait ça, ça permet aussi de mieux orienter le mouvement. Et si vous regardez les grands mouvements sociaux du XXe siècle, en 36 ou 68, les syndicats ne sont pas les éléments déclencheurs ils ont plutôt pris le train en route ».

La consultation des partenaires sociaux se poursuit vendredi soir avec le Medef qui sera reçu à 19h45. Dans un courrier adressé à la CGT, la CFDT, FO, la CFTC et la CFE-CGC, ainsi qu’aux autres organisations patronales, CPME et U2P, le patron du Medef, Patrick Martin propose aux partenaires sociaux de se « retrouver prochainement au siège u syndicat », « afin de discuter de l’ouverture des prochains dossiers paritaires dans le cadre de l’agenda social autonome ».

Il suggère de « centrer (la) discussion sur le financement de notre modèle social, l’évolution du modèle productif et (la) conciliation de la croissance avec les grandes transitions en cours : numérique, environnementale et démographique ».

La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, sera, elle, reçue lundi à 11h à Matignon puis la CFTC à 14H30 et les deux organisations patronales CPME et U2P, respectivement lundi à 17h et mardi à 11h.

 

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