Taxe de 15 % sur les multinationales : « Une bonne nouvelle, mais ça ne va pas changer la face du monde »
Les dirigeants des 27 pays membres de l’UE ont approuvé à l’unanimité la transposition d’un accord de l’OCDE en droit européen d’un impôt minimum de 15 % sur les bénéfices des multinationales. Emmanuel Macron évoque « une avancée majeure » pour la justice fiscale. Un enthousiasme tempéré par les sénateurs.

Taxe de 15 % sur les multinationales : « Une bonne nouvelle, mais ça ne va pas changer la face du monde »

Les dirigeants des 27 pays membres de l’UE ont approuvé à l’unanimité la transposition d’un accord de l’OCDE en droit européen d’un impôt minimum de 15 % sur les bénéfices des multinationales. Emmanuel Macron évoque « une avancée majeure » pour la justice fiscale. Un enthousiasme tempéré par les sénateurs.
Simon Barbarit

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« Sur le principe, c’est une bonne chose. Il n’y a pas de doutes sur ce point. Mais lorsqu’un accord de telle nature a lieu, il y a souvent des mécanismes de dérogations qui sont prévus. Il faudra regarder attentivement le texte lorsqu’il sera transposé ». Au lendemain d’un accord historique trouvé par les 27 Etats membres de l’Union européenne, Claude Raynal, le président socialiste de la commission des finances, conserve un enthousiasme mesuré.

L’année dernière, près de 140 pays membres de l’OCDE dont les Etats-Unis, la Chine et l’Inde avaient conclu un accord de principe visant à fixer un impôt minimum mondial de 15 % sur les bénéfices des multinationales dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros. Selon les estimations de l’OCDE, cet impôt pourrait générer chaque année environ 150 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires au niveau mondial.

Au sein de l’Union européenne, l’unanimité des 27 est requise pour les sujets ayant trait à la fiscalité et l’harmonisation des législations nationales en la matière.

Ce fut chose faite, jeudi soir, la Hongrie et la Pologne ont donné leur accord pour valider le projet de directive préparé par la Commission. Depuis le début de l’année, Varsovie et Budapest avaient tour à tour bloqué ce dossier pour obtenir la validation par l’UE de leurs plans de relance dotés de plusieurs milliards d’euros de subventions. Après s’être assurés du feu vert, les deux capitales ont finalement levé leurs réserves dans le cadre d’un compromis sur plusieurs dossiers, qui incluent aussi le déblocage de l’aide macro-financière de 18 milliards d’euros pour l’Ukraine en 2023. L’entrée en vigueur de la mesure en Europe est prévue au 31 décembre 2023.

« Emmanuel Macron n’a a pris la tête de ce combat contre l’évasion fiscale »

« Une avancée majeure pour toutes celles et ceux qui tiennent comme nous y tenons à la justice fiscale » a salué Emmanuel Macron. Sur Franceinfo, vendredi, le ministre des Comptes Publics, Gabriel Attal évoque, lui, « un aboutissement majeur et historique ».

« C’est une bonne nouvelle mais ça ne va pas changer la face du monde. Au niveau français, ça pourrait nous rapporter quelques dizaines ou quelques centaines de millions d’euros. L’intérêt sera surtout à chercher du côté de l’installation ou de la relocalisation d’entreprises sur notre sol », tempère Jérôme Bascher sénateur (LR), secrétaire de la commission des finances.

Au Sénat, à la gauche de l’hémicycle, on n’use pas non plus des mêmes superlatifs que l’exécutif. « La France n’a pas été moteur. Emmanuel Macron n’a a pris la tête de ce combat contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux. Son combat s’inscrit dans un mouvement inverse, c’est la baisse de la fiscalité du capital », tacle Rémi Féraud, sénateur socialiste, secrétaire de la commission des finances.

A son arrivée à la Maison Blanche, c’est Joe Biden qui avait milité en faveur d’un impôt minimum mondial sur les sociétés. Donald Trump avait considérablement baissé l’impôt sur les sociétés qui ont leurs activités sur le sol national de 35 % à 21 %. Dans le même temps, l’Etat fédéral américain impose à hauteur de 10,5 % les bénéfices des entreprises américaines réalisées à l’étranger, soit deux fois moins que celles qui font leurs bénéfices sur le sol américain. De quoi encourager les délocalisations.

« Cet accord est un pas très modeste »

« En matière économique, quand les Américains s’inquiètent les choses se mettent en place. Avec la commission des finances, nous nous sommes déplacés aux Etats-Unis il y a quelques mois et on a pu constater que l’administration Biden était plus réservée sur cette idée de taxation mondiale. Est-ce que c’était lié à la proximité des Midterms ? On va voir ce que vont décider les Républicains désormais majoritaires à la Chambre des représentants », rapporte Claude Raynal.

Pour l’heure, l’accord de l’OCDE n’a toujours pas été validé par le Congrès américain.

« Cet accord est un pas très modeste. Quand on voit qu’en France l’impôt sur les sociétés est de 25 %, avec 15 %, on est loin du compte », relève le vice-président communiste de la commission des finances, Éric Bocquet avant d’ajouter : « L’Irlande a un taux d’imposition de 12,5 % mais c’est un taux facial. On a vu il y a quelques années, qu’Apple était parvenue à n’être imposée que de 0,005 % ».

On n’en vient donc au premier pilier de l’accord de l’OCDE qui prévoit l’imposition des entreprises là où elles réalisent leurs bénéfices pour mettre fin à certaines pratiques d’évasion fiscale. Il vise notamment les géants du numérique. L’accord international sur ce point n’est pas encore finalisé. « Des dérogations sont déjà prévues pour les sociétés extractives et les services financiers. Ce pilier est là aussi, un tout petit pas en avant », estime Éric Bocquet.

 

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