Comme attendu, les débats budgétaires à l’Assemblée partent plus ou moins dans tous le sens. Mardi soir, les députés ont adopté deux amendements qui visent les grandes entreprises, contre l’avis du gouvernement.
L’un pour doubler la taxe GAFAM, sur les géants du numérique, porté par le député Renaissance Jean-René Cazeneuve. L’autre, peut-être un peu moins médiatisé, pourrait pourtant rapporter beaucoup. Il s’agit d’un amendement du président LFI de la commission des finances, Eric Coquerel, qui vise à taxer le bénéfice des multinationales proportionnellement à leur activité réalisée en France, tout en luttant contre l’évasion et l’optimisation fiscale. Inspiré par l’association Attac, cet amendement a été voté par les voix de LFI, du PS, des Ecologistes, du PCF mais aussi du RN. Son rendement est énorme, selon Eric Coquerel : 26 milliards d’euros.
« Vous vouliez 15 milliards. Vous avez 26 milliards. C’est bon. C’est de la démagogie totale »
Visiblement l’amendement de trop pour Marc Fesneau, président du groupe Modem de l’Assemblée. « Je suis fatigué… et fatigué des socialistes », lâche-t-il d’emblée, à peine assis, quand on le croise ce mercredi, à l’heure du déjeuner. Très remonté, il en veut aux socialistes. « Il est déflagrateur ce vote », lâche-t-il avec franchise. Au point de peut-être mettre à mal les infimes chances de faire voter le budget par des membres de la majorité relative.
Pour ce responsable du socle commun, comment maintenant sérieusement demander 15 milliards d’euros avec la Taxe Zucman, comme le demandent les socialistes, quand on vient d’en obtenir 26 ? « Politiquement, c’est n’importe quoi ce qu’ils font », tonne le centriste, « Vous vouliez 15 milliards. Vous avez 26 milliards. C’est bon. C’est de la démagogie totale ». Et n’allez pas lui dire que ça pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel. « Ils disent que ce n’est pas opérant. Ce n’est pas sérieux », grince le centriste.
« Les socialistes démontrent qu’ils ne veulent pas aboutir »
Alors qu’il fait partie, à l’origine, de ceux disposés à trouver un accord avec le PS, il ne comprend plus l’attitude des socialistes. « J’ai fait les pas qu’il fallait. Ils n’ont pas fait les pas de leur côté », pointe le député du Loir-et-Cher.
Le budget devient dans ces conditions invotable à ses yeux. « C’est le musée des horreurs », lance Marc Fesneau, qui prévient que ce sera sans les députés Modem : « Je ne vais pas voter un budget bolchevique », lâche le patron des députés Modem, « on ne votera pas et ils voteront avec LFI et le RN ». A moins que le PS ne demande « une seconde délibération » pour revenir sur ce vote, mais elle paraît improbable. Il « attend des gestes de leur part », mais n’y croit plus. Pour Marc Fesneau, avec le vote d’hier soir, « les socialistes démontrent qu’ils ne veulent pas aboutir. Ils ne veulent pas d’atterrissage ».
« Tout ça, ça ne sert à rien. C’est du cinoche ! »
Une heure plus tard, on croise des enfants, écharpe tricolore sur l’épaule. Ce ne sont pas les députés, mais un groupe en visite au Sénat, juste avant les questions d’actualité au gouvernement. A côté du petit attroupement qui s’agite sous les ors de la Salle des conférences, un sénateur, plus expérimenté, arrive, sourire en coin et mains dans les poches. Genre l’incarnation de la sagesse sénatoriale. Face au spectacle de l’Assemblée, il entend prendre de la hauteur.
« Tout ça, ça ne sert à rien. C’est du cinoche ! Ils vont balader tout le monde, avec des votes dans tous les sens », lâche ce membre de la majorité sénatoriale. On l’interroge sur cet amendement à 26 milliards qui met Marc Fesneau dans tous ses états. « C’est bullshit. Ils peuvent voter ce qu’ils veulent. Puis ça viendra chez nous. Les sénateurs feront ce qu’ils veulent. Il y aura une CMP, elle sera non conclusive et à la fin, il y aura les ordonnances et personne ne sera content ». Un autre sénateur, de gauche, qui passe par là ajoute : « Mais il ne faudra pas de censure… » Le mot de la fin à un sénateur de bloc central : « C’est le bordel, c’est tout ». Un bon résumé.