Ne pas clore le débat. Le Modem ne lâche pas l’affaire sur les superdividendes. Le président du groupe Démocrate de l’Assemblée, Jean-Paul Mattei, avait défendu un amendement, lors de l’examen du budget 2023, pour augmenter la flat tax de 30 à 35 %. On connaît la suite : le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a mis tout son poids politique pour s’y opposer, au nom de la politique pro entreprise du gouvernement et de sa volonté de ne pas augmenter les impôts.
A la faveur de l’arrivée du projet de loi de finances au Sénat, dont l’examen a commencé jeudi 17 novembre, le Modem remet une pièce dans la machine. Le sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe a déposé de nouveau l’amendement. « Cet amendement, qui n’a pas toujours été compris, a un grand mérite, celui de favoriser, d’inciter les entreprises à investir, plutôt qu’à distribuer. Elles ne manquent pas de sujets pour ça, notamment la transition énergétique », défend le sénateur Modem du Pas-de-Calais. Concrètement, « si les bénéfices dépassent 20 % de la moyenne des cinq dernières années, on prélève 5 % de plus. Cela ne s’applique que pour 2023 », précise l’ancien rapporteur du Budget de la Sécurité sociale au Sénat, qui salue le « beau travail » du président du groupe Modem sur le sujet.
« Les plus grosses » entreprises visées
Jean-Paul Mattei, justement, explique de son côté avoir « un peu modifié » son amendement, en lien avec le sénateur. « On a relevé un peu le seuil des entreprises concernées. On était à 750 millions de chiffre d’affaires, là on est à 1,2 milliard. Ça toucherait moins d’entreprises. L’idée était de sortir les ETI, les entreprises de taille intermédiaire. C’est essentiellement les plus grosses », explique le député des Pyrénées-Atlantiques. « Il y a aussi des clauses pour ne pas pénaliser les entreprises qui, traditionnellement, ne versent pas de dividendes. Si elles ne le font pas depuis 5 ans, et se mettent à distribuer, elles sont exclues » de la taxe exceptionnelle, ajoute le président du groupe Démocrate.
Dans un contexte d’inflation galopante, une telle mesure paraît plus que nécessaire pour les deux parlementaires. « Pour moi, la politique, c’est aussi un langage des signes. C’est un signe qui est donné à ceux qui n’ont pas la chance d’avoir ces possibilités d’accroître leurs revenus. Il faut montrer que tout le monde est solidaire », avance Jean-Marie Vanlerenberghe. Et « ça ne met pas en difficulté les entreprises, car ça ne vise que les actionnaires », insiste Jean-Paul Mattei.
« Bruno Le Maire a une doxa de tout faire pour l’entreprise. Curieusement, il n’a jamais travaillé en entreprise… »
Reste que le gouvernement s’opposera encore, à n’en pas douter, à l’amendement Modem, comme il l’a fait à l’Assemblée. Dans un entretien aux Echos jeudi, la première ministre Elisabeth Borne affirme qu’un nouvel amendement serait « contre-productif », préférant laisser les partenaires sociaux discuter. Un dogmatisme de l’exécutif et du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, qui hérisse Jean-Marie Vanlerenberghe. « Bruno Le Maire a une doxa de tout faire pour l’entreprise. Curieusement, il n’a jamais travaillé en entreprises… Moi j’ai travaillé dans différentes entreprises, je peux en parler. Ça ne me paraît pas confiscatoire », lance le sénateur Modem du Pas-de-Calais.
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Jean-Marie Vanlerenberghe ne se fait guère d’illusion sur le devenir de son amendement. D’autant que les sénateurs de son groupe Union centriste préfèrent soutenir leur amendement sur la taxe sur les superprofits. Le sujet sera en effet abordé dans la foulée, avec également des amendements des groupes PS, communistes et écologistes. Mais sur le papier, ils ne devraient pas non plus trouver de majorité.
Jean-Paul Mattei ne devrait pas pouvoir redéposer son amendement à l’Assemblée
Alors que le parti Renaissance a confié à Pascal Canfin une mission de réflexion sur le partage de la valeur, la discussion au Sénat permettra de « montrer que le débat continue », confirme Jean-Paul Mattei. Il ne devrait en revanche pouvoir se prolonger au Palais Bourbon. S’il comptait redéposer son amendement sur les superdividendes lors du retour du texte à l’Assemblée, le président du groupe Modem risque de ne pas pouvoir. « Techniquement, j’ai un problème pour le faire, dans la mesure où il a été enlevé, dans le cadre du 49.3 ». La règle dite de « l’entonnoir », qui veut que ne restent en discussion que les points faisant l’objet d’un désaccord, limite le droit d’amendement après la commission mixte paritaire. Les portes risquent en effet de se refermer. Le gouvernement, en revanche, n’est lui pas concerné et peut toujours déposer des amendements à tout moment. De quoi lui permettre, on ne sait jamais, de changer d’avis.