Une taxe devenue symbole d’un bras de fer budgétaire. Avant même son examen, la taxe Zucman enflamme déjà les débats. Allégée par le Parti socialiste, rejetée par la droite et le Rassemblement national, elle cristallise les fractures politiques sur le budget. Le gouvernement a confirmé mardi son opposition à cette taxe sur les très hauts patrimoines, y voyant une menace pour l’investissement et l’emploi. Pour les socialistes, au contraire, la mesure incarne une exigence d’équité. « Nous voulons que les efforts soient justement répartis. Les plus fortunés de nos concitoyens ont beaucoup bénéficié des largesses fiscales depuis huit ans sous Monsieur Macron », déclare Patrick Kanner, président des socialistes au Sénat à la sortie de la réunion du groupe. De leur côté, le Premier ministre Sébastien Lecornu et la porte-parole du gouvernement, Maud Brégeon, ont fermé la porte à toute concession : « Pour rien au monde nous ne toucherons au patrimoine professionnel », a insisté le chef du gouvernement. « Aucune mesure ne doit pénaliser l’appareil productif, les usines ou les start-up innovantes », a ajouté Brégeon.
Face à cette inflexibilité, les socialistes maintiennent la pression. « Personne n’est en position de lancer des ultimatums », a pourtant prévenu Maud Brégeon. Malgré ces mises en garde, les socialistes refusent de céder. Convaincus que le moment est propice pour rouvrir le débat sur la justice fiscale, ils tiennent le cap face à un gouvernement contraint de négocier sans recourir au 49.3 sur cette partie du budget. De quoi promettre un débat sous haute tension.
Le PS en quête d’un compromis fiscal
Face à l’intransigeance du gouvernement, les socialistes cherchent la voie étroite d’un compromis. Leur « plan B » s’appelle désormais IMTHP, pour « impôt minimum sur les très hauts patrimoines », une version allégée de la taxe, à 3 % à partir de 10 millions d’euros, mais sans toucher les entreprises innovantes ni familiales. « C’est un mécanisme différent, qui rapporterait environ 7 milliards d’euros au lieu des 15 milliards de la taxe initiale », explique la sénatrice Corinne Narassiguin (PS). « Nous espérons qu’il pourra rassembler une majorité à l’Assemblée nationale. » Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, confirme cette stratégie d’ouverture tout en posant ses lignes rouges : « Si nous n’arrivons pas à avancer sur la taxe Zucman, nous proposerons des amendements de repli. Mais si le gouvernement reste bloqué, nous n’excluons pas la censure. »
Pour le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, l’enjeu dépasse le symbole, « Peu importe la taxe Zucman ou autre… Ce qui compte, c’est que les plus hauts patrimoines contribuent à la solidarité nationale. On ne peut pas accepter que des Français qui ont de très hauts revenus payent moins, en proportion, qu’un salarié qui travaille dans une usine du Nord. » Même diagnostic du côté d’Adel Ziane qui replace le débat dans son contexte budgétaire, « Depuis 2017, ce sont près de 60 milliards de recettes en moins, selon la Cour des comptes. La taxe Zucman, c’est une réponse à cette érosion, elle vise à restaurer l’égalité devant l’impôt. »
Une droite vent debout, un centre hésitant
La droite et le Rassemblement national rejettent d’une seule voix la taxe Zucman, y compris dans sa version allégée proposée par les socialistes. « La taxe Zucman, c’est non. Ni light, ni hard, ni rien du tout », a tranché Marine Le Pen sur BFMTV, accusant la gauche de vouloir « toucher beaucoup plus de personnes que prévu ».
Le premier secrétaire du parti à la rose, Olivier Faure, lui a répondu sans détour : « Pour l’extrême droite, ce sont les classes populaires qui doivent payer l’impôt des milliardaires. » Le sénateur Yan Chantrel pointe, lui, le revirement du Rassemblement national, rappelant que le parti n’avait pas toujours été aussi catégorique : « Certains ont clairement changé de camp. » Lors du scrutin du 20 février à l’Assemblée nationale, sur les 124 députés du RN, 28 s’étaient abstenus et une majorité était absente.
Un moment de vérité pour la majorité
Dans les rangs socialistes, on assume un exercice d’équilibrisme. Corinne Narassiguin veut aller « au bout du débat », mais prévient, « si nous n’arrivons pas à dégager de nouvelles recettes cette semaine, le budget sera invotable. Nous voterons contre, et il n’y aura pas de budget. » Une crispation traduite par une impasse politique selon Adel Ziane, « On nous parle de compromis, mais si cela signifie dire non à toute contribution équitable, alors ce n’est plus un compromis. »
Mais derrière la joute fiscale se joue aussi l’avenir du gouvernement. « Si nos propositions ne sont pas entendues, le gouvernement ne tiendra pas », avertit Patrick Kanner, faisant écho aux menaces de censure déjà brandies par Olivier Faure.
L’ombre d’une censure et le spectre du retour aux urnes
Les fractures apparues autour de la taxe Zucman annoncent un bras de fer décisif entre les socialistes et le gouvernement d’ici la fin de la semaine. Cette bataille fiscale pourrait bien se transformer en test de survie politique pour Sébastien Lecornu. Si l’exécutif persiste dans son refus de compromis, la gauche pourrait franchir le pas et déposer une motion de censure. « Nous sommes prêts à retourner aux urnes, nous n’avons pas peur du vote », prévient le sénateur Yan Chantrel, qui voit dans cette séquence « un test de vérité entre ceux qui défendent les catégories populaires et ceux qui protègent les plus riches ». Pour le sénateur socialiste, l’enjeu dépasse la seule mesure fiscale : « Ce vote dira qui veut réellement la justice fiscale, et qui préfère préserver les fortunes. »
Pour Patrick Kanner, la conclusion s’impose « Il faut que le gouvernement comprenne qu’il faut un changement de cap pour permettre aux Français de se dire ‘Nous avons été compris, et nos souffrances depuis tant d’années ne sont pas inutiles.’ Si ce changement n’est pas possible, alors Monsieur Lecornu ne pourra pas tenir. »