Tensions à la Cour de Cassation avec Dupond-Moretti : « Un simple moment d’agacement », rapporte François-Noël Buffet
En début de semaine, lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le procureur général, François Molins a passablement irrité le garde des Sceaux, en dénonçant le « manque structurel de moyens » de la justice. Le président de la commission des lois du Sénat, François-Nöel Buffet était présent. Il rapporte « un simple moment d’agacement » et non « un clash ».
Il s’agit habituellement d’un évènement feutré, républicain. Lundi soir, l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation a pourtant fait les choux gras de la presse cette semaine. En cause ? La réaction d’Éric Dupond-Moretti au discours du plus haut magistrat du pays, François Molins.
Le procureur général près la Cour de cassation a fait état, dans son discours, de la tribune signée fin novembre par plus de 7.000 magistrats et greffiers pour dénoncer leurs conditions de travail, « une lame de fond ». Et fait à son tour le constat d’une « crise » que « nul ne peut nier », qui entraîne « souffrance » et « perte de sens ».
Le magistrat a bien souligné deux hausses successives des derniers budgets, +8 % ces deux dernières années. « Mais ces efforts, et notamment ceux consentis depuis un an à travers le recrutement d’un millier de contractuels, outre qu’ils demeurent insuffisants, ne sont-ils pas en réalité la traduction d’un certain manque de confiance de l’Etat dans sa justice ? », s’est-il interrogé.
Le discours de François Molins illustre « une position constante qui n’est soi pas choquante »
« Je ne savais pas que c’était vous qui conduisiez la politique du pays », l’aurait apostrophé par la suite le garde des Sceaux lors d’un échange. Un photographe de l’AFP rapporte également « le terme scandaleux » employé à plusieurs reprises par le ministre pour qualifier le discours.
Présent à la Cour de Cassation, le président de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet note tout d’abord que le discours de François Molins illustre « une position constante qui n’est soi pas choquante » du magistrat, même « si elle a pu sembler un peu vive à l’égard de l’exécutif ». « Les choses ont été exacerbées, c’est la mode en ce moment. On l’a vu hier (jeudi) lors de la commission mixte paritaire (sur le projet de loi instaurant le passe vaccinal). On peut dire que c’était un simple moment d’agacement », conclut-il.
François Molins devant le Sénat évoquait « une procédure pénale qui est à bout »
Les critiques du plus haut magistrat du pays ne sont en effet pas nouvelles. En septembre 2021, alors que se tenait au Sénat « une agora de la Justice », François Molins avait évoqué « un malaise profond » au sein de l’institution judiciaire « du à un décalage entre les ambitions affichées et la réalité des moyens de la chaîne pénale ». « Aujourd’hui, tout est prioritaire. A force d’empiler des priorités, il y a une difficulté des acteurs de terrain, en l’occurrence les procureurs, à savoir ce qui doit être fait en premier […] Je pense que nous sommes devant une procédure pénale qui est à bout, qui ne satisfait plus personne : ni les magistrats, ni les enquêteurs, ni les avocats. Ce n’est pas sûrement pas en trois mois qu’on fera ça », avait-il lâché en référence aux états généraux de la justice qui démarraient dans les jours suivants. (voir la vidéo)
Indépendance du parquet
Lundi soir, François Molins a également défendu la nécessité d’une réforme « Arlésienne de la Ve République », celle de l’indépendance du parquet. « Cette nécessaire évolution constitue un triple enjeu, un enjeu juridique, un enjeu de confiance des citoyens dans l’institution judiciaire, enfin un enjeu de crédibilité et de morale politique si l’on admet que celle-ci est fondée sur les notions de loyauté, de sincérité et de volonté. » a-t-il fait valoir.
La encore, devant le Sénat en septembre dernier, François Molins ne disait pas autre chose. « Avec l’adoption de la loi sur le procureur européen, on se retrouve avec la coexistence de deux modèles différents […] Nous serons obligés de choisir. Nous ne pourrons rester indéfiniment avec les deux ».
La réunion à l’Elysée n’a pas abouti sur un accord. Mais avec des lignes rouges qui peuvent paraître très éloignées, la sortie de crise semble encore lointaine. Un début de rapprochement émerge cependant sur la méthode, autour du non-recours au 49.3.
Depuis la chute de Bachar Al-Assad, certaines déclarations de responsables politiques conciliant avec le régime dictatorial refont surface. En octobre 2015 par exemple dans l’émission « Preuves par 3 » sur Public Sénat, Jean-Luc Mélenchon estimait que les bombardements russes et syriens faisaient partie d’une guerre nécessaire contre les rebelles.
Reçus par Emmanuel Macron ce mardi, avec d’autres formations politiques à l’exception de LFI et du RN, socialistes et écologistes se sont engagés, s’ils accèdent au pouvoir, à ne pas utiliser le 49.3 à condition que les oppositions renoncent à la motion de censure. « Ça a été repris par Horizons, par le MoDem », a assuré Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS.
À la sortie d’une réunion avec les partis, hors LFI ou RN, le patron des députés de la Droite républicaine insiste à nouveau sur la nécessité d’aboutir à un accord de non-censure pour qu’un gouvernement survive. Il maintient sa ligne rouge : la droite ne veut ni ministres issus de la France insoumise, ni application du programme du Nouveau Front populaire.