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Tensions entre la France et l’Algérie : « C’est une position de fermeté que l’on attendait depuis longtemps », affirme un membre du comité de soutien à Boualem Sansal

Par l’intermédiaire d’une lettre adressée à son premier ministre, Emmanuel Macron accroît la pression sur l’Algérie pour obtenir la libération de l’écrivain Boualem Sansal. Le chef de l’Etat prône désormais le rapport de force et demande au gouvernement la suspension de l’accord de 2013 sur l’exemption de visa pour les détenteurs de passeport diplomatique.
Henri Clavier

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« Nous n’avons pas d’autre choix que d’adopter une approche de plus grande fermeté » avec l’Algérie écrit Emmanuel Macron dans une lettre adressée au premier ministre. Dans sa lettre, le président de la République charge le gouvernement de « prendre des décisions supplémentaires » pour « agir avec plus de fermeté et de détermination ». A travers cette décision, le chef de l’Etat opère un tournant dans sa relation avec l’Algérie. Principale conséquence de cette lettre, la France va suspendre l’accord de 2013 sur l’exemption de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques algériens. Il demande aussi l’activation du « levier visa-réadmission » prévu par la loi de janvier 2024, permettant de « refuser les visas de court séjour aux détenteurs de passeports de service et diplomatiques, tout comme les visas de long séjour à tous types de demandeurs », pour renforcer la pression sur Alger en matière de « coopération migratoire ». 

La réponse d’Alger ne s’est pas faite attendre et les dirigeants algériens ont appelé la France à ne pas s’exonérer de sa responsabilité dans la crise bilatérale avant de faire part de sa volonté d’abroger l’accord d’exemption de visas pour les passeports diplomatiques avec Paris. En réponse, François Bayrou a assuré que la France cherchait à retrouver des relations « équilibrées et justes ».

La relation entre les deux pays s’est largement dégradée ces derniers mois du fait de la reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental et de l’arrestation et de la détention de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal et du journaliste Christophe Gleizes. Incarcéré depuis novembre 2024, l’écrivain a été condamné, en juillet 2025, à cinq ans d’emprisonnement.

Engager un rapport de force

Avec cette lettre, Emmanuel Macron semble acter l’échec de la voie diplomatique à travers laquelle le quai d’Orsay souhaitait obtenir la libération des deux ressortissants français. La diplomatie française avait cherché à ménager le pouvoir algérien espérant obtenir, pour les prisonniers, une grâce présidentielle à l’occasion de la fête nationale, le 5 juillet. « La stratégie que l’on a appelée abusivement la stratégie diplomatique a échoué. On n’a obtenu aucun résultat, plus la France tendait la main et plus l’Algérie a durci le ton », déplore Arnaud Benedetti, membre du comité de soutien à Boualem Sansal et rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire qui a fondé le comité de soutien.

Pour les soutiens de Boualem Sansal, un durcissement des relations avec l’Algérie et l’affirmation d’un rapport de force sont nécessaires pour obtenir la libération de l’écrivain. « C’est une position de fermeté que l’on attendait depuis longtemps et qui va dans le bon sens. Les opposants du régime considèrent eux-mêmes que seul un rapport de force calculé et rationnel permettrait de débloquer la situation », avance Arnaud Benedetti.

Une position défendue par Bruno Retailleau

En touchant à l’accord de 2013 et donc à la possibilité pour les détenteurs d’un passeport diplomatique algérien de se rendre en France sans visa, Emmanuel Macron durcit le rapport de force avec Alger. Une position défendue depuis plusieurs mois par le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau. « Le régime algérien bénéficie d’un certain nombre de mesures assez dérogatoires, il ne va pas jusqu’à parler des accords de 1968, mais clairement il entérine une mesure qui est poussée par le ministre de l’intérieur depuis plusieurs mois », note Arnaud Benedetti.

L’accord franco-algérien de 1968 applique aux ressortissants algériens des règles spécifiques en matière d’immigration. Si le chef de l’Etat ne mentionne pas cet accord dans la lettre, ce traité a souvent été ciblé par une partie de la classe politique comme un moyen de pression à utiliser en cas de tensions avec l’Algérie. Un outil qui pourrait être mobilisé ultérieurement, car outre la libération de Christophe Gleizes et de Boualem Sansal, le président de la République demande à l’Algérie de reprendre la délivrance des laissez-passer consulaires. En effet, l’Algérie bloque régulièrement la réadmission de certains de ses ressortissants faisant l’objet de mesures d’éloignement du territoire français. Pour cela, Emmanuel Macron charge le ministre de l’Intérieur de « trouver au plus vite les voies et moyens d’une coopération utile avec son homologue algérien ».

Mobiliser les pays européens

En outre, le président de la République cherche à associer les Etats membres de l’Union européenne et de l’espace Schengen. A ce titre, le chef de l’Etat demande à Bruno Retailleau d’obtenir de « nos partenaires Schengen qu’ils prennent les mesures indispensables à l’efficacité de nos décisions, tout particulièrement la consultation de la France pour la délivrance des visas de court séjour pour les responsables algériens en question et les passeports visés par cet accord ». 

« On considère que le levier européen est un levier extrêmement important », affirme Arnaud Benedetti alors que l’Algérie souhaite renégocier son accord d’association avec l’Union européenne. Autant de leviers qui doivent permettre selon l’Elysée de renouer le dialogue avec l’Algérie. Un dialogue renouvelé qui doit permettre d’aborder plusieurs sujets comme celui de la dette hospitalière des ressortissants algériens ou les « menées de certains services de l’Etat algérien sur le territoire national » (une référence à la tentative d’enlèvement de l’influenceur Amir DZ, opposant au régime). L’Elysée précise également qu’une nouvelle coopération entre les deux pays serait l’occasion de traiter « les questions mémorielles en suspens, sur la base des propositions de la commission mixte d’historiens, et notamment la question des restitutions ou des sites d’essais nucléaires français en Algérie ».

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