Tenue des régionales : la majorité présidentielle veut partager la responsabilité avec l’opposition

Tenue des régionales : la majorité présidentielle veut partager la responsabilité avec l’opposition

Après l’avis « mi-chèvre, mi-chou » du Conseil scientifique sur la tenue des régionales, l’exécutif pourrait consulter le Parlement lors d’un débat suivi d’un vote. Les soutiens d’Emmanuel Macron veulent pousser les oppositions, qui préfèrent éviter un nouveau report, à prendre clairement position pour « partager la responsabilité ».
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Voter, ou ne pas voter aux régionales en juin, telle est la question. Or le Conseil scientifique, dans son dernier avis, ne tranche pas. Il renvoie la responsabilité au pouvoir politique. Il souligne cependant que voter en juin comportera des risques, n’écartant pas l’apparition de « clusters ». Il remarque aussi que septembre sera plus propice sur le plan de couverture vaccinale.

« Le Conseil scientifique applique le principe de Chevallier et Laspales, "c’est vous qui voyez" »

« C’est un avis mi-chèvre, mi-chou. Ce que je redoutais », résume François Patriat, président du groupe RDPI (LREM) du Sénat. Il estime cependant qu’« il y a peu de recommandations réalistes » dans cet avis. « Le Conseil dit, « vous pouvez le faire, mais vous prenez des risques » » ajoute-t-il. Le président du groupe Union centriste du Sénat, Hervé Marseille, amateur de bons mots, préfère encore rire un peu de la situation. « Comme on pouvait s’y attendre, le Conseil scientifique a appliqué un principe simple, que j’appelle le principe de Chevallier et Laspales, "c’est vous qui voyez". Et donc comme prévu, il y a un retour à l’envoyeur et maintenant, c’est au gouvernement de décider. Il y a fort à parier qu’il va maintenant se tourner vers le Parlement pour consulter », souligne le sénateur UDI des Hauts-de-Seine (voir la vidéo ci-dessous). Il ne croit pas si bien dire.

François Patriat « souhaite que le gouvernement vienne devant le Parlement avec un débat, suivi d’un vote »

L’idée d’un débat suivi d’un vote, selon l’article 50-1 de la Constitution, a été évoquée ce matin lors du petit-déjeuner de la majorité présidentielle, révèle Le Figaro. Au Sénat, François Patriat, patron des sénateurs marcheurs, y est justement favorable. « Je souhaite que le gouvernement vienne devant le Parlement avec un débat selon l’article 50-1, avec un vote, que les Français soient au courant de qui a voté. Car les responsables politiques d’opposition veulent à tout prix faire les élections, mais l’opinion est très réticente », estime le sénateur LREM de Côte-d’Or. Il insiste : « Il faut consulter les groupes et les formations politiques. Il faut même interroger tous les responsables : maires, présidents de régions et de départements ». François Patriat pense notamment que les maires doivent dire ce qu’il pense, d’un point de vue pratique, d’un protocole encore plus contraignant. Regardez :

On comprend que dans le camp présidentiel, on ne voudrait pas voir rejouer la polémique sur le maintien du premier tour des municipales, il y a un an, où chacun s’est renvoyé la responsabilité. La majorité sénatoriale conduite par Gérard Larcher et les LR s’étaient à l’époque opposés au report, mais la décision relève de l’exécutif au final.

Un débat est « une option envisagée » mais « rien n’est acté »

Pour l’heure, rien n’est confirmé pour le débat. « Ça a seulement été évoqué ce matin par un participant mais rien n’est acté », minimise-t-on du côté de Matignon. « Un débat sur la forme de l’article 50-1 de la Constitution est une option envisagée. Vu que les oppositions veulent le maintien des élections, que le Conseil penche plutôt pour non et que le gouvernement ne veut pas qu’on lui reproche de reporter, l’idée c’est de partager la responsabilité », confie un conseiller ministériel.

« Une prise de parole d’Emmanuel Macron sur la situation sanitaire du pays pourrait tout changer. Si Macron reconfine ou ferme les classes, il se peut que les esprits changent », estime le même. Emmanuel Macron pourrait en effet parler mercredi ou la semaine prochaine. L’échéance de jeudi, pour organiser un débat, semble par ailleurs trop courte. Un macroniste évoque plutôt la « semaine prochaine ou dans quinze jours ». Le temps pour le gouvernement de « remettre demain ou après-demain » au Parlement son rapport sur la tenue du scrutin, suite à l’avis du Conseil, puis de permettre une « consultation des chefs de partis » et enfin un débat « le 8 » avril. Option évoquée dans les allées du pouvoir.

« Il y a une responsabilité politique du gouvernement, il ne faut pas inverser les choses »

Le principe d’un débat est plutôt bien vu par les oppositions. Mais reste à voir quel est l’objectif. Pour Patrick Kanner, patron des sénateurs PS, c’est une bonne idée. « La coconstruction est toujours utile. Mais si c’est pour utiliser le Parlement quand ça vous arrange ou quand on n’ose pas prendre soi-même la décision au gré des circonstances… » souligne le sénateur PS du Nord.

« Le fait d’avoir un débat, ça permettra à chacun de se positionner. On ne va pas cracher sur le fait que pour une fois, on nous demande notre avis », réagit Guillaume Gontard, président du groupe Ecologiste, solidarité et territoires. Mais il se méfie aussi. « Ça va être bien sûr aussi un moyen de nous mettre au pied du mur et dire "dites-nous ce que vous voulez faire et prenez vos engagements". Il y a une responsabilité politique du gouvernement, il ne faut pas inverser les choses. On n’a pas l’ensemble des données. C’est difficile de prendre une décision », souligne le sénateur écologiste de l’Isère. Il ajoute :

Il faut être très vigilant pour que la fixation de la date des régionales ne devienne pas un jeu politique. Et que l’aspect sanitaire ne soit pas utilisé pour déplacer les élections et les mettre au bon moment, celui que souhaite le Président.

Pour Guillaume Gontard, « le Conseil scientifique joue son rôle. Ce n’est pas à lui de prendre une décision politique » sur le maintien ou non des élections. « Pour l’instant, je dirais qu’on peut maintenir ces élections. L’organisation n’est pas le plus gros problème », selon le président du groupe écologiste, « la vraie question, c’est l’organisation d’une campagne avec des départements confinés ».

« Le Conseil dit qu’on doit voter, qu’on peut voter, mais il fait des préconisations, tout en laissant le politique faire son choix », a estimé ce matin Patrick Kanner, invité de la matinale de Public Sénat. « La principale préconisation du Conseil scientifique, entre les lignes – quoique, c’est presque direct – c’est qu’on sera mieux en septembre, avec 40 millions de vaccinés, une immunité collective potentielle », « on voit la tendance », remarque Patrick Kanner, qui est cependant personnellement pour « maintenir les élections. Car on ne sait pas ce qui se passe en septembre » malgré tout (voir vidéo ci-dessous). Il regrette qu’on n’ait pas pris plus de mesures « pour faciliter l’élection », comme le proposaient les sénateurs PS.

« Il faut maintenir les élections » selon Roger Karoutchi (LR)

Le sénateur LR Roger Karoutchi estime aussi qu’on peut maintenir. « Le Conseil met en parallèle le fait que dans douze pays, les élections ont pu avoir lieu malgré des problèmes sanitaires, et ça n’a pas engendré d’élément d’accentuation de la crise sanitaire. C’est que c’est faisable », souligne le vice-président du Sénat. Il ajoute :

Il faut maintenir les élections. Elles ont déjà été reportées une fois. Le report du report, ce n’est jamais très bon. Et on sait qu’il vaut mieux voter en juin. Les conditions de chaleur sont telles que la circulation du virus est inférieure.

« Restons-en à un vote les 13 et 20 juin, mettons en place un protocole sanitaire pour la campagne électorale, accentuons la campagne de vaccination », insiste Roger Karoutchi. Septembre ne sera-t-il moins risqué, comme l’évoque le Conseil scientifique ? « Le problème, c’est que septembre n’a pas de sens. Personne ne fait campagne en juillet/août. Le vote serait donc en octobre. Et octobre, vous n’êtes pas l’abri d’avoir encore un variant » met en garde le sénateur LR des Hauts-de-Seine. « Sinon après, on reporte la présidentielle, les législatives ? A un moment, s’il faut "vivre avec", on porte tous des masques, on utilise du gel, on fait tous très attention », conclut l’ancien ministre. « A un moment ou un autre, il faut que la démocratie continue de vivre, comme nous. Il faut trouver des solutions », ajoute Hervé Marseille.

« Chacun peut lire ce qu’il veut dans les conclusions du Conseil scientifique »

De son côté, François Patriat, qui s’était prononcé en octobre dernier pour un report après la présidentielle, rappelle la parole officielle : « Nous souhaitons que les élections se tiennent en juin, à la date prévue, sauf si les conditions sanitaires viennent brouiller le scenario ». En réalité, « chacun peut lire ce qu’il veut dans les conclusions du Conseil » souligne Hervé Marseille. Et c’est bien ça le problème… ou l’avantage.

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