Le gouvernement a annoncé il y a quelques jours, une réorganisation de Sentinelle, opération déployant des militaires sur l’ensemble du territoire après les attentats de 2015, afin de soulager les troupes et rendre les patrouilles moins visibles. Car les militaires et les policiers, eux aussi très sollicités, sont épuisés. Michel Goya, ancien colonel, spécialiste des questions de défense, remet en question l’efficacité de Sentinelle : « Les conditions de travail étaient déjà rendues plus difficiles depuis un certain temps. Et là, l’opération Sentinelle ajoute une charge assez conséquente sur le travail de nos soldats (…) Sentinelle va globalement réduire la sécurité des Français, plutôt qu’elle l’augmente, parce qu’elle use notre armée d’une manière démesurée ».
L’ancien colonel fait ses calculs : « Si on fait le total de Sentinelle et Vigipirate, ça doit approcher les un milliard d’euros (…) cet argent, on aurait pu éventuellement l’investir ailleurs, notamment dans un service de renseignement. Cela aurait été plus efficace et plus utile ».
Michèle Alliot-Marie, ancienne Ministre de la Défense et ancienne ministre de l’Intérieur, va dans le même sens : « Il y a un problème de clarté dans les moyens. Si on donne des missions, il faut avoir les moyens. Regardez les militaires, au moment où on leur demandait d’aller au Mali, d’aller au Tchad, d’assurer de plus en plus de missions, on réduisait (…) de 80 000 les effectifs, sans compter les moyens. Et aujourd’hui, c’est la même chose. On dit à la fois qu’on va augmenter les effectifs, mais on sait très bien que le ministère des Finances, quinze jours après le vote du budget, va geler les crédits. Lesquels seront probablement annulés quelques mois plus tard. Où est la logique ? Où est la cohérence ? »
Le grand reporter Matthieu Frachon, spécialiste de l’histoire de la police, relativise toutefois, quant aux contractions des budgets dans la police : « On n’a pas cessé, en matière de police, de se plaindre du manque de moyens (…) Ce n’est pas nouveau. Le problème n’est pas tellement ce manque de moyens, c’est la manière dont on les dispatche. On a un problème aussi de perception du monde politique. 80% des ministres de l’Intérieur ont souvent eu une vision biaisée dans leur approche du terrain. »
Michel Goya, en est convaincu, l’opération Sentinelle n’est pas adaptée : « La mission première des militaires n’est pas forcément d’être dans les rues de France (…) Vouloir protéger l’ensemble de la population est en réalité un exercice absolument vain, ce n’est pas possible d’engager les militaires pour protéger tout le monde ».
Débat OVPL sur les ratés de l'opération Sentinelle, en intégral
Débat OVPL en intégral