« La figure du « loup solitaire », largement mise en avant par les médias lors des passages à l’acte par une personne seule, n’existe pas dans le champ des passages à l’acte djihadistes ». C’est l’une des constatations qui ressort des 32 auditions effectuées par la commission d’enquête du Sénat sur « l’évolution de la menace terroriste après la chute de l’État islamique » mise en place le 11 janvier dernier. Son président, Bernard Cazeau (LREM) et sa rapporteure, Sylvie Goy-Chavent (Centriste) en présentaient les conclusions ce mardi.
63 propositions dont 10 « principales » ressortent des travaux des parlementaires pour faire face à une menace jugée de plus en plus « sournoise » depuis la chute de l’État islamique. « La plupart des passages à l’acte sur le territoire français se font dans le cadre de réseaux organisés à plus ou moins grande échelle, les terroristes bénéficiant le plus souvent d’un appui au moins logistique » note le rapport.
« Peu de terroristes ne sont pas passés par le salafisme »
Lors des auditions, « Les services de renseignement ont insisté à plusieurs reprises sur le fait que si tous les salafistes ne sont pas des terroristes, en revanche, peu de terroristes ne sont pas passés par le salafisme » relèvent les élus. À raison d’une « progression constante » du nombre d’adeptes, 5000 en 2004 contre 40 à 60 000 aujourd’hui, la commission d’enquête souhaite inscrire le salafisme sur la liste des dérives sectaires de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). « On peut se poser des questions sur le lien entre un salafisme dur et des propos qui pourraient nuire à l’harmonie de la République (…) Il faudrait que la Miviludes voit si le salafisme fait partie des dérives sectaires ou non » précise Sylvie Goy-Chavent.
Dans cette veine, la commission d’enquête veut « réaffirmer les valeurs de République » à l’aide d’un arsenal juridique destiné à lutter contre les troubles à l’ordre public provoqué par le salafisme comme l’interdiction du niqab dans l’espace public ou la fermeture des lieux de culte « incitant à la violence et la discrimination ».
Accès au fichier FSPRT pour les maires
Souhaité par Emmanuel Macron lui-même, les sénateurs préconisent également que les maires, s’ils en font la demande, soient conviés aux réunions des groupes d’évaluation départementaux (GED) et aient accès à la liste des individus inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) présents dans leur commune. Dans chaque département, les élus veulent, en outre, « la mise en place d’un pôle de lutte contre l’islam radical ».
Les sénateurs sont restés discrets sur l’identité des personnes et des représentants services de l’État rencontrés. La plupart des auditions se sont déroulées à huis clos. De même, ils n’ont pas souhaité citer les communes où dans certains quartiers « la République a déserté ». Si la coordination des services de renseignement (intérieurs, extérieurs et militaires) est jugée bien meilleure qu’en 2015, « de fortes inquiétudes persistent » sur la menace désormais essentiellement « endogène » (intérieure) : « le tâtonnement de l’administration pénitentiaire dans la prise en charge des détenus radicalisés » ou encore « les limites des plans gouvernementaux contre la propagande djihadiste sur Internet » ont interpellé les parlementaires.
La commission d’enquête « invite l’islam de France à mieux se structurer »
Enfin, les sénateurs proposent des solutions, déjà maintes fois évoquées, en matière de lutte antiterroriste, certaines figurent dans le droit français, comme la possibilité de déchoir de sa nationalité un binational condamné pour terrorisme. De plus, La commission d’enquête « invite l’islam de France à mieux se structurer et à se financer de façon plus transparente ». Là encore, il s’agit d’une volonté affirmée par le chef de l’État, lors du Congrès, avec l’annonce de la mise en place « d’un cadre et des règles » pour cet automne.
Il est probable que plusieurs propositions sénatoriales se retrouvent dans le plan d’action contre le terrorisme présenté par Édouard Philippe vendredi.