Tests Covid-19 : les laboratoires en attente d’une «stratégie de dépistage claire»
Après des débuts désordonnés, les laboratoires français, souvent confrontés au manque de matériel, s’organisent pour tenter de répondre à l’objectif du gouvernement pendant la période de déconfinement : réaliser entre 500 000 et 700 000 tests par semaine.

Tests Covid-19 : les laboratoires en attente d’une «stratégie de dépistage claire»

Après des débuts désordonnés, les laboratoires français, souvent confrontés au manque de matériel, s’organisent pour tenter de répondre à l’objectif du gouvernement pendant la période de déconfinement : réaliser entre 500 000 et 700 000 tests par semaine.
Public Sénat

Par Sandra Cerqueira

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Biogroup a dû réorganiser son plateau technique et investir dans de nouvelles machines pour répondre aux besoins de l'épidémie. Depuis mars, le laboratoire privé, présent dans toute la France, dépiste en priorité les professionnels de santé, les personnes présentant des symptômes lourds, uniquement sur prescription médicale et sur rendez-vous.  L’objectif était avant tout de « désengorger les hôpitaux ».

 

« Quels tests pour quel public ? »

Désormais, il s’agit « de monter en puissance en vue de la levée progressive du confinement» espère Caroline Gutsmuth, médecin biologiste à Neuilly-sur-Seine. Tout est prêt, selon elle, mais beaucoup trop de zones floues demeurent : « Nous attendons les directives du gouvernement avec une stratégie de dépistage claire. Quels tests pour quel public ? Dans la pratique on ne sait pas encore comment cela va se passer ».

 

Les tests sérologiques non homologués

Jusque-là, le laboratoire effectuait en majorité des tests RT-PCR qui reposent sur la détection du virus, à partir d’un prélèvement dans le nez ou la gorge. Il permet de confirmer si la personne est infectée par le virus. « Ces tests analysés à l’aide de réactifs ne sont pas fiables dans 30% des cas » explique la biologiste.

En parallèle sont effectués dans le laboratoire depuis peu des tests sérologiques, ceux-là recherchent la présence d’anticorps grâce à un prélèvement sanguin. Ils permettent aussi de définir l’immunité vis-à-vis du virus, même sans symptômes apparents.

L'enjeu réside dans la généralisation prochaine ou non de ces tests sérologiques car ils sont toujours en attente d'homologation par le Centre National de Référence (CNR) des virus des infections respiratoires. « Cela devient urgent car ces tests font aussi partie de la stratégie de déconfinement, ce sont des outils de l’immunisation progressive. Leur évaluation retarde un déploiement à grande échelle » regrette Caroline Gutsmuth.

 

Le laboratoire Biogroup effectue des tests
Le laboratoire Biogroup propose des tests en drive pour assurer le prélèvement en toute sécurité

Insuffisance de moyens

Alors que l’État entend assurer entre 500 000 et 700 000 tests à partir du 11 mai, sur le terrain bon nombre de médecins et biologistes déplorent une insuffisance de moyens : manque de réactifs, d’écouvillons pour mener à bien les tests Covid ou encore de milieux de transport pour acheminer rapidement les échantillons. « Dans certains laboratoires, il n’y avait plus de cotons-tiges stériles pour réaliser les tests, cela paraît dingue ! Mais c’est ce qui a causé un ralentissement du nombre de tests réalisés » s’insurge Claude Cohen.  
500 000 tests réalisés à la mi-mai ? Le docteur en doute. « Les laboratoires ne sont pour l’instant pas suffisamment équipés. Nous sommes à la traîne. On se retrouve dans la même situation qu’avec les masques. »
 

La France a pris du retard

La  montée en puissance des tests en France a pris du temps. Le marché international a rendu difficile l’approvisionnement en machines et en kits, la France a démarré avec retard : « Chez  nos fournisseurs, on s’est retrouvé dans la file d’attente, car la compétition pour l’achat de tests fait rage entre les pays. À l’instar de la Chine ou des États-Unis. Quand un laboratoire français commande 1000 kits, il n’en reçoit parfois que 100 » précise François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes. Une pénurie qui a freiné l’activité même si la situation s’améliore, notamment depuis que « l’État passe des commandes groupées pour répondre aux besoins des laboratoires. »  

La mise en place tardive du remboursement du test Covid-19 par la sécurité sociale n’a rien arrangé. «  C’est ce qui explique aussi la frilosité de certains laboratoires à réaliser des tests car dépister est onéreux » ajoute Claude Cohen, président du Syndicat national des médecins biologistes. « La technique PCR demande le recours à des technologies qui sont très chères et la production en masse de tests nécessite l’achat de machines onéreuses qui coûtent entre 100 000 et 200 000 euros ».

D’après le président du SNMB, l’autre raison du retard vient de la sous-utilisation des laboratoires publics. Certains se sont très vite rendus disponibles mais il a fallu attendre début avril qu’un décret valide le recours aux laboratoires départementaux. « Ce blocage de l’État nous a fait perdre un temps précieux et plusieurs milliers de dépistages » regrette le D.Cohen.
 

Les laboratoires vétérinaires à la rescousse

Les 75 laboratoires départementaux  peuvent depuis venir renforcer l’effort national. Y compris les laboratoires vétérinaires, exclus de la biologie humaine depuis 2011. C’est le cas de Labéo (400 salariés dont 150 encore à temps plein), habituellement  dédié aux analyses de bovins. Situé en Normandie, le laboratoire a dédié une plateforme à la recherche du Covid-19. Des opérations essentielles pour le CHU de Caen dont les capacités sont aujourd'hui saturées. Après plusieurs séries de tests à blanc, le laboratoire pense être en mesure de réaliser 2000 analyses chaque jour.

 « Nous n’avions jamais eu affaire à des écouvillons de patients humains » raconte Guillaume Fortier, directeur général de Labéo. » Cela dit, les techniques de virologies animales et humaines sont identiques. »  Pour les équipes, le plus délicat a été d'apprendre les procédures hospitalières et surtout d'ajuster les bases de données informatiques. « Nous avons du adapter nos codes-barres, qui servent à identifier des animaux, avec des codes-barres de la Sécurité sociale et faire attention à anonymiser les données par respect du secret médical » détaille le directeur. M.Fortier évoque « une course contre la montre » qui rend fière son équipe. Persuadé qu’« un dépistage massif est l’une des clés de la réussite du déconfinement ».

 

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