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TF1-M6 : Ceux qui refuseraient la fusion feraient courir un « grand risque » à l’audiovisuel français, avertit Nicolas de Tavernost
Par Public Sénat
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Président du directoire de M6 depuis 2000, dont il a participé à la création en 1987, Nicolas de Tarvernost, se montre « préoccupé » par les grandes mutations de son secteur. « Ce que nous avons fait aujourd’hui, et malgré notre bonne santé, est insuffisant », reconnaît celui qui est surnommé le « patriarche » du PAF. Entre la stagnation des recettes publicitaires, les nouvelles formes de visionnage du jeune public, et la montée en puissance des grandes plateformes américaines, le dirigeant estime que le projet de fusion avec son éternel concurrent, le groupe TF1, permettra d’aborder sereinement l’avenir. Or, c’est bien ce regroupement hors normes dans l’audiovisuel français, dont le dossier est en cours d’étude par les autorités de régulation, qui constitue l’une des interrogations principales de la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias.
Auditionné ce 28 janvier, Nicolas de Tarvernost, qui dirigera la future entité si le processus de fusion va à son terme, s’est exprimé sur les enjeux, mais aussi les conséquences de ce mariage, d’ordre économique ou éditorial. « Le sujet principal avec vous, c’est que vous allez être absorbé par un groupe qui n’a pas la même caractéristique », relève le rapporteur de la commission, David Assouline. Le socialiste observe que le groupe Bouygues, propriétaire du groupe TF1 a pour « vocation principale » le BTP et la téléphonie. Quand Bertelsmann, propriétaire de RTL Group, dans lequel se trouve le groupe M6, a les médias comme cœur d’activité. « Je viens de la Lyonnaise des eaux, qui est à l’origine de la création de M6 », rappelle Nicolas de Tarvernost, qui assure que l’actionnariat a « respecté l’indépendance du management ». « Je n’ai eu aucune difficulté à travailler dans un groupe qui avait une autre activité que les médias. » Et selon lui, les mêmes règles devraient se reproduire avec le groupe Bouygues.
Position dominante de TF1-M6 dans la publicité : une vision « biaisée », selon Nicolas de Tavernost
Un élément du communiqué écrit le 17 mai dernier par les groupes TF1 et M6 a fait sourciller le rapporteur de la commission. La phrase en question : « Le groupe fusionné viserait à distribuer 90 % de son free cash flow [flux de trésorerie disponible] en dividendes. » « Il est très clair que le free cash flow, c’est après les investissements », insiste le dirigeant. Lequel évoque notamment des investissements dans la plateforme de streaming Salto, créée en 2020 avec TF1 et France Télévisions. La fusion faciliterait également la mise en commun de contenus sur la même plateforme.
Alors que l’Autorité de la concurrence et l’Arcom (ex-CSA) doivent rendre leur décision sur le dossier de fusion d’ici la fin de l’année, Nicolas de Tarvernost se montre optimiste, mais tient à dire qu’un refus serait préjudiciable, bien au-delà des deux groupes concernés. « Ceux qui refuseraient cette consolidation prendraient un grand risque pour l’audiovisuel français », insiste-t-il. « Aujourd’hui, avec les règles qui nous sont imposées, avec les conventions qui sont sous la responsabilité du CSA, je pense qu’il n’y a pas de risque dans ce métier de concentration. »
« Le problème, c’est que ça ne va pas être uniquement regardé par rapport à pertinence sur le secteur audiovisuel, mais par rapport à la notion de marché pertinent en matière publicitaire », rebondit le président de la commission, Laurent Lafon (Union centriste). Le sénateur Jean-Raymond Hugonet (LR) s’interroge aussi sur cet enjeu. « Beaucoup s’inquiètent, à raison, du poids que va constituer TF1 et M6 ».
Le patron du groupe M6 se projette dans l’avenir, pour adoucir le tableau, impressionnant, de 70 % de parts de marché dans la publicité que représenterait le groupe fusionné dans la télévision. « Je dis que c’est une vue tout à fait biaisée de l’affaire. Parce que les grands groupes aujourd’hui font un arbitrage constant entre le digital et la télévision. Et aujourd’hui, le digital a pris l’avantage. » Le plus ancien dirigeant de l’audiovisuel français encore en fonction aimerait ne pas avoir à subir « le syndrome de la presse écrite ». « Nous ne voulons pas être comme la presse écrite, ne pas avoir vu les mutations. »
« Il y aura une autonomie de rédactions »
Comme durant les autres auditions, c’est aussi la préoccupation sur le pluralisme et l’indépendance des rédactions, qui constitue le fil des questions du rapporteur David Assouline. Il demande ainsi des précisions sur l’avenir des différentes rédactions, noyées dans un éventuel grand ensemble. « Il y aura une autonomie de rédactions », s’engage Nicolas de Tavernost. Cela se manifestera notamment par le maintien d’un directeur des rédactions « par support ». En revanche, il souhaite que les différentes entités travaillent ensemble. « Nous avons besoin d’avoir des synergies qui sont mutuellement profitables ». Le contraire n’aurait pas d’intérêt, explique-t-il, en poursuivant sur la métaphore de ces deux partenaires « fiancés », qui n’ont « pas le droit de consommer », avant le feu vert des autorités. Si « vous avez le droit de vous marier, mais vous devez faire chambre séparée, pendant toute votre vie : on n’ira pas, c’est clair. »
David Assouline rebondit également sur les propos tenus la veille par Thomas Rabe, le PDG du géant allemand Bertelsmann, qui détient M6 et RTL. L’actionnaire s’est montré ferme sur un principe : l’ingérence sur la ligne éditoriale des rédactions est contraire aux valeurs du groupe allemand. Le sénateur exhume d’anciennes déclarations de Nicolas de Tavernost, qui semblent contradictoires avec le message de la maison mère. Des propos tenus en 2015 sur Canal + : « Je ne peux pas supporter qu’on dise du mal de nos clients. » Ou encore cette interview dans Télérama où le patron de M6 assume détenir un « droit d’ingérence ».
Nicolas de Tavernost se défend en évoquant sa « responsabilité » légale en matière de directeur de la publication mais aussi de chef d’entreprise, amené à trancher sur certains cas. Le dirigeant explique ainsi avoir été sollicité « dimanche dernier », au sujet du numéro de Zone interdite sur l’islamisme radical. Il fait mention d’un reportage sur Amazon, un des « gros clients » de la chaîne, guère valorisant pour le géant américain, puisqu’il était question de la destruction des invendus. Quant à la déprogrammation d’un numéro de Capital sur Free Mobile, il se justifie, rappelant que M6 n’est pas neutre avec son offre « M6 Mobile ». « A juste titre, je pense que personne n’imaginera que ceci est objectif. Pour la protection de l’image de ma chaîne, je n’ai pas souhaité effectivement ce reportage », argumente-t-il. « Je vous donne des exemples contraires, qui montrent la liberté complète qu’il y a dans les groupes M6 et dans le groupe RTL pourexercer leur métier. »
En clair, il assure d’avoir pas dévidé de la ligne de Bertelsmann. « On peut nous reprocher le Loft, on peut nous reprocher un certain nombre de choses. En ce qui concerne l’indépendance des rédactions, en 35 ans d’activité, nous avons suivi la ligne de notre actionnaire. »