Tir de missiles en Pologne : « Personne n’a envie d’une escalade »

Tir de missiles en Pologne : « Personne n’a envie d’une escalade »

Un tir de missile a fait deux victimes en Pologne, mardi 15 novembre. À ce stade, l’origine de la frappe n’est pas clairement identifiée, l’hypothèse de tirs égarés de la défense anti-aérienne ukrainienne est évoquée par plusieurs capitales occidentales. La plupart des alliés de Kiev, dont la France, appellent à la prudence. Interrogés par Public Sénat, deux sénateurs réagissent à ce qui pourrait constituer un nouveau tournant neuf mois après le début de l’invasion russe.
Romain David

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[ Mise à jour à 13h34 : L’Otan ne dispose « d’aucune indication » permettant d’attribuer l’explosion mortelle en Pologne à « une attaque délibérée » contre ce pays, a estimé mercredi le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg.

« Notre analyse préliminaire suggère que l’incident a été probablement causé par un missile de système ukrainien de défense anti-aérienne tiré pour défendre le territoire ukrainien contre les missiles de croisière russes », a déclaré Jens Stoltenberg lors d’une conférence de presse.

 

 

Une frappe en Pologne menace d’ouvrir un nouveau chapitre dans le conflit ukrainien, avec un risque important d’escalade qui pourrait impliquer un pays membre de l’Otan. Varsovie a confirmé la mort mardi de deux personnes dans le village de Przewodow, dans le sud-est du pays, à six kilomètres de la frontière ukrainienne, après la chute d’un « projectile de fabrication russe ». C’est la première fois, après neuf mois de guerre, qu’un pays voisin se voit directement touché par le conflit. Les réactions internationales se sont multipliées en quelques heures, tandis qu’une réunion des signataires du Traité de l’Atlantique nord est attendue. Les Etats-Unis ont appelé à la plus grande prudence, rappelant que ce tir pouvait également provenir d’un engin ukrainien égaré, les deux belligérants utilisant pour partie des matériels identiques, héritage de l’ère soviétique. La journée de mardi a marqué un moment particulièrement dur du conflit, avec plus de 85 missiles envoyés par les Russes sur le sol ukrainien, visant principalement des cibles civiles.

« J’ai présenté nos condoléances aux autorités polonaises pour les victimes de ces tirs, je leur ai exprimé ma solidarité et notre engagement auprès de la Pologne pour faire la pleine clarté sur l’origine de ces tirs », a réagi Emmanuel Macron dans la matinée de mercredi, lors d’un point presse en marge de la réunion du G20 en Indonésie. « Nous savions tous qu’il s’agissait d’un G20 difficile et que les discussions seraient impactées par le contexte en Ukraine. L’actualité des dernières heures nous montre à nouveau la sensibilité extrême de la situation. » Evoquant pour sa part l’explosion de « deux missiles », le chef de l’Etat a insisté sur la nécessité de clarifier la situation. « Aujourd’hui, les circonstances ne permettent pas d’attribuer ces tirs. Je resterai donc extrêmement prudent », a-t-il souligné. « Nos services travaillent, en lien avec les Américains et les Britanniques, et en coopération très étroite avec les Polonais, pour expliciter ces circonstances », a-t-il précisé.

« Je rappelle que l’Ukraine réclame depuis des mois une sécurisation de son ciel »

« Compte tenu de ses difficultés sur le terrain, la Russie n’a pas intérêt à se lancer dans une opération qui la conduirait à avoir d’autres forces en face d’elle. Une analyse à froid démontre que la Russie ne peut tirer aucun avantage à viser un pays de l’Otan », relève auprès de Public Sénat Jean-Yves Leconte, sénateur (PS) des Français établis hors de France, lui-même installé en Pologne. « Et pourtant, les derniers mois ont montré que la Russie n’envisageait pas la période actuelle avec la même grille de lecture que les Occidentaux. Alors qu’ils reculent sur le terrain, peut-être sont-ils aussi en train de jouer leur va-tout… », nuance-t-il.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a exprimé ses « condoléances pour la mort de citoyens polonais victimes de la terreur des missiles russes », a estimé que Moscou avait envoyé « un message » aux Occidentaux en frappant la Pologne en marge du sommet du G20. Une communication qui semble à présent hâtive, du moins si l’hypothèse de tirs perdus de la défense anti-aérienne ukrainienne était confirmée.

« On fait d’une bombe les gros titres, alors que l’Ukraine est sous le feu russe depuis des mois », relève Jean-Yves Leconte. « À moins que ces accidents ne deviennent systémiques, il n’y a pas de raisons que la relation entre Kiev et ses alliés occidentaux soit bousculée par cet évènement. Par ailleurs, je rappelle que l’Ukraine réclame depuis des mois une sécurisation de son ciel. Si l’on veut évacuer ce genre de situation, et permettre à Kiev d’avoir une défense anti-aérienne qui soit plus opérationnelle et efficace, alors peut-être faudrait-il lui fournir du matériel adapté », pointe l’élu pour qui la question d’un investissement plus important des Occidentaux dans le conflit, au-delà du soutien financier et de l’approvisionnement en armes, doit désormais se poser. « À partir du moment où les pays voisins subissent des attaques de cette nature, je ne vois aucune raison pour ces derniers de ne rien faire. »

La Pologne, « remarquable et exemplaire dans ce conflit »

« Il faut être prudent. Une ligne se décide : personne n’a envie d’une escalade », nuance de son côté la sénatrice LR des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer. Selon cette élue, l’article 5 du Traité de l’Atlantique nord, qui permet la mise en œuvre d’une réponse militaire collective en cas d’attaque armée contre un pays membre, a déjà été mis à l’épreuve par d’autres accidents internationaux ces dernières années. « Ce n’est pas la première fois qu’un pays de l’Otan est visé. Il y a deux ans, c’était la Grèce par la Turquie, et c’est la France qui est venue au secours de la Grèce avec des manœuvres en Méditerranée orientale. Depuis 1974, la Turquie occupe Chypre de façon militaire. L’Otan n’a pas empêché Erdogan de fêter de façon indécente sa victoire sur les Arméniens après la guerre des 44 jours à Varosha, c’est-à-dire en zone neutre chypriote, sans que personne ne bronche », observe l’élue qui était invitée de notre matinale ce mercredi. « Je pense que dans ce conflit particulièrement difficile, nul sur cette planète n’a envie d’un embrasement », relève Valérie Boyer. « Après son revers très cuisant à Kherson, la Russie n’a ni l’envie ni les moyens d’ouvrir un nouveau front. D’autant qu’elle est lâchée sur la scène internationale par ses alliés d’Asie centrale. »

« Nous sommes près de nos amis polonais en première ligne, qui ont accueilli des millions de réfugiés ukrainiens, qui sont remarquable et exemplaire dans ce conflit », tient encore à souligner la sénatrice qui préside le groupe France-Pologne à la Chambre haute. « L’Union européenne devrait le souligner également », pointe-t-elle, alors que les relations entre Bruxelles et Varsovie sont loin d’être au beau fixe, précisément sur la question de l’accueil des migrants en Europe. »

Renforcer le rôle de la Chine

La France appelle toujours à maintenir le dialogue avec Moscou. « Il existe un espace de convergence y compris avec les grands émergents, la Chine et l’Inde, pour pousser la Russie à la désescalade », a insisté Emmanuel Macron ce mercredi. Pour l’heure Pékin, allié historique de Moscou, se refuse à condamner explicitement l’invasion russe et rejette les sanctions mises en place par les Occidentaux. La Chine manifeste toutefois des inquiétudes de plus en plus vives à l’égard du conflit. Le président Xi Jinping a notamment dénoncé lors du G20 l’« instrumentalisation » des denrées alimentaires et énergétiques, avec en toile de fond le fragile accord sur les exportations de céréales, qui pourrait expirer dans quelques jours. « La Chine peut jouer à nos côtés un rôle de médiation plus important dans les prochains mois », a encore insisté Emmanuel Macron.

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