Tollé après les propos de Marine Le Pen sur le Vél’ d’Hiv

Tollé après les propos de Marine Le Pen sur le Vél’ d’Hiv

La déclaration de la candidate du FN, récusant la responsabilité de la France dans la rafle du Vél' d’Hiv, heurte une grande partie de la classe politique, et prend le contrepied de la position française qui prévalait depuis Jacques Chirac.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Elle voulait rompre avec son père, notamment sur la question sensible de la Seconde Guerre mondiale. Marine Le Pen vient d’ouvrir une séquence polémique à deux semaines du premier tour.  L’un des épisodes les plus sombres de l’histoire de France refait surface en pleine campagne présidentielle. Plus de 13.000 juifs avaient été arrêtés puis déportés au cours de la rafle du Vél' d'Hiv à Paris en 1942, dans la nuit du 16 au 17 juillet. L’opération avait mobilisé 4.500 policiers et gendarmes français.

En déclarant dimanche au Grand Jury LCI-RTL-Le Figaro que la France n’était « pas responsable » de la rafle du Vél d’Hiv, la candidate du Front national a provoqué l’indignation de plusieurs de ses adversaires dans l’élection présidentielle.

François Fillon constate ce lundi en fin d'après-midi que « le Front national est extrêmement mal placé pour parler de ces sujets, lui qui compte encore dans ses rangs beaucoup de nostalgiques du régime de Vichy » :

« La vérité, c'est que le Vél' d'Hiv a été un crime commis par l'État français, le régime de Vichy bien sûr, mais aussi par l'administration qui a secondé les décisions qui ont été prises par les gouvernements français »

« Si on doutait que Marine Le Pen est d'extrême droite, on ne peut plus en douter », a répliqué sur RTL ce matin Benoît Hamon. « La responsabilité de la France est évidente : il n'y avait pas un soldat allemand pour prêter main forte aux policiers et à la milice, et opérer cette rafle du Vél d'Hiv. »


« Ça fait partie de ce genre de polémique totalement inopportune et assez choquante. Voilà, Madame Le Pen essaie de faire le buzz là-dessus, sur des sujets qui sont extrêmement cruels », a regretté sur France Inter François Asselineau.

Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen renvoyés dos à dos

Invité des Quatre vérités sur France 2, Jean Lassale a opposé la position de Jacques Chirac. « Ce qu’avait dit Jacques Chirac était très beau, ce que dit Marine Le Pen est inutile est dangereux. »

« D'aucun avait oublié que Marine Le Pen est la fille de Jean-Marie Le Pen », avait réagi dimanche soir sur l’antenne de BFM, Emmanuel Macron. D’autres responsables politiques choqués, comme les présidents de région Xavier Bertrand et Christian Estrosi, ou encore la sénatrice Esther Benbassa (EELV), ont également fait ce parallèle.




Le candidat d’En Marche convoque lui aussi le discours d’un ancien chef de l’État. « C’est une faute grave, ce qu'elle a fait […] Je pense que Jacques Chirac avait justement pris ses responsabilités et eu un geste courageux. »

La condamnation a également été diplomatique. « Nous condamnons les déclarations faites par Marine Le Pen selon lesquelles la France n'est pas responsable de la déportation des juifs de son territoire pendant la Shoah », a déclaré ce lundi une porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Michal Maayan. « Cette déclaration est contraire à la vérité historique telle qu'elle a été exprimée par les déclarations des présidents de France, qui ont reconnu la responsabilité de l'État pour le sort des juifs français qui ont péri dans la Shoah. »

« La France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable »

Le 16 juillet 1995, lors de la cérémonie du 53e anniversaire de la rafle, Jacques Chirac était en effet devenu le premier président à reconnaître la responsabilité de la France dans les déportations de juifs. « La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable », avait déclaré le chef de l’État tout juste élu. « Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français », avait-il ajouté.

Jacques Chirac - Commémoration de la "rafle du Vél d'Hiv" (1995)
00:25

Ces discours tranchaient avec les discours de François Mitterrand. « Je ne ferai pas d’excuses au nom de la France. La République n’a rien à voir avec ça. J’estime que la France n’est pas responsable », avait déclaré l’ancien président socialiste en 1994, dans la continuité de ses précédentes interventions.

Les successeurs de Jacques Chirac, qu’il s’agisse de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande, n’ont pas dévié de cette reconnaissance exprimée en 1995.

François Hollande - Commémoration de la "rafle du Vél d'Hiv"
00:50

Le Front national dénonce une « instrumentalisation politique »

Ce lundi, plusieurs lieutenants du Front national sont venus au secours de leur candidate. Nicolas Bay est le premier à répliquer ce matin, sur Public Sénat et Sud Radio. Angle de défense : insister sur l’illégitimité du régime de Vichy. « Si on dit que la France est responsable de ce qui s’est passé pendant la Seconde Guerre mondiale, cela revient à donner une légitimité au régime de Vichy », explique le secrétaire général du Front national, avant d’insister sur les différences entre la fille et le père. « Marine ne conteste rien de ce qui a été choquant ou atroce pendant cette période. »

Bay valide les propos de Le Pen sur le Vél'd'Hiv
01:41

Gilbert Collard adopte un argument similaire : « Qui peut oser dire que Pétain fut la France toute entière ? », demande-t-il sur Twitter.

Sur LCP, Florian Philippot répond que « la France était à Londres et le régime de Vichy a été déclaré illégal par l’ordonnance du 9 août 1944. »

La garde rapprochée de Marine Le Pen a en fait repris les arguments publiés dans un communiqué, mis en ligne dans la soirée de dimanche, dans l’espoir d’éteindre l’incendie. Dans ce texte, la candidate prétend s’inscrire dans une tradition gaulliste. Elle y dénonce une « instrumentalisation politique indigne » de ses propos. « Je considère que la France et la République étaient à Londres pendant l’occupation, et que le régime de Vichy n’était pas la France. C’est une position qui a toujours été défendue par le chef de l’État ».

Refus des « repentances »

Que la campagne se déplace sur le terrain de l’histoire a de quoi interpeller. En réalité, dans sa question posée à Marine Le Pen, Olivier Mazerolle soulève l’un des points du programme de Marine Le Pen. Au 97e point de son projet présidentiel, la candidate propose de « renforcer l’unité de la nation par la promotion du romain national et le refus des repentances d’État qui divisent ».

En cinq ans, la présidente du Front national a eu l’occasion de dénoncer à plusieurs reprises les « repentances » exprimées par la France face à son passé. Lorsqu’en octobre 2012, le président de la République reconnaît la responsabilité du pays dans la répression meurtrière d'une manifestation organisée par le FLN du 17 octobre 1961, Marine Le Pen estime que le chef de l’État « contribue à un processus qui consiste à salir la France en toutes circonstances ». En décembre de la même année, à l’occasion d’un voyage officiel en Algérie, François Hollande dénonce la colonisation « brutale » de la France. Marine Le Pen déplore alors une « une nouvelle dépréciation systématique de notre pays ».

« Cette manière d'accuser la France, notamment de la part des candidats à la présidentielle, m'apparaît comme éminemment critiquable », a-t-elle soulevé ce lundi, faisant référence à Emmanuel Macron, qui avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ».

Cité par le Front national, notamment parce qu’il s’était montré très critique sur le discours de François Hollande en 2012 le candidat de Debout la France a affirmé ce lundi sur LCI « ne pas comprendre la polémique » et a regretté le retour d’une question que l’on pensait refermée.

« En France, on a le génie de se disputer sur un passé douloureux. Le passé est tragique. Qu’est-ce qui s’est passé ? Il y a une France qui a collaboré, c’est celle de Vichy. Il y a une France qui a sauvé l’honneur, c’est celle de De Gaulle […] Est-ce qu’on va éternellement continuer comme ça ? »

Interrogé par Libération, l’historien Nicolas Lebourg, spécialiste des droites extrêmes, voit dans cet épisode une tentative, « assez maladroite », « de mettre un peu de clivage dans une campagne relativement atone ». Alors que les intentions de votes en sa faveur se tassent depuis plusieurs jours, Marine Le Pen revient avec cette polémique au centre du débat.

Dans la même thématique

Tollé après les propos de Marine Le Pen sur le Vél’ d’Hiv
3min

Politique

Emmanuel Grégoire candidat à la mairie de Paris : "Je ne pourrai pas soutenir quelqu'un qui a passé son temps à me tirer le tapis sous le pied », déclare Anne Hidalgo

Invitée de la matinale de Public Sénat, la maire de Paris Anne Hidalgo s’est exprimée sur la fin de son mandat, et les élections municipales à venir. Si l’édile soutient le sénateur socialiste Rémi Féraud pour la succéder, elle attaque son premier adjoint Emmanuel Grégoire, également candidat, qui n’a pas « rempli son rôle de protéger le maire ».

Le

Tollé après les propos de Marine Le Pen sur le Vél’ d’Hiv
2min

Politique

Assouplissement du ZAN : Agnès Pannier-Runacher dénonce « la manière dont certains populistes se saisissent de ce sujet »

La majorité sénatoriale propose d’assouplir les objectifs de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, dans un texte examiné à partir de ce 12 mars. Si la ministre de la Transition écologique accepte de donner « un peu de souplesse » aux élus locaux dans l’application de la loi, elle s’oppose à tout abandon des objectifs chiffrés.

Le