Paris: Gabriel Attal s government statement of general policy

« Traditionnellement un ministre qui est député ne siège pas au Parlement », rappelle le constitutionnaliste Benjamin Morel

La France Insoumise a saisi le Conseil constitutionnel sur les ministres démissionnaires qui sont également députés, invoquant une violation de la séparation des pouvoirs. Pour le constitutionnaliste Benjamin Morel, cette situation est constitutionnelle, même si l’activité de ces ministres à l’Assemblée pose question.
Alexandre Poussart

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La bataille juridique des Insoumis contre Emmanuel Macron se poursuit. En parallèle d’une procédure de destitution du président de la République, La France Insoumise souhaite s’attaquer au gouvernement démissionnaire. Mathilde Panot, la présidente du groupe La France Insoumise à l’Assemblée nationale, a saisi le Conseil constitutionnel à propos des ministres démissionnaires qui ont été élus députés en juillet dernier et qui siègent au Palais Bourbon. Parmi eux, on peut citer Gabriel Attal, Premier ministre démissionnaire, et président du groupe Ensemble pour la République à l’Assemblée nationale, composé de 99 députés macronistes.

Dans sa lettre adressée à Laurent Fabius, le président du Conseil constitutionnel, Mathilde Panot estime que cette situation est une violation de la séparation des pouvoirs (exécutif/législatif), fondement de notre démocratie.

Pour rappel, Emmanuel Macron a accepté la démission du gouvernement de Gabriel Attal le 16 juillet, ce dernier prenant le statut de gouvernement démissionnaire, chargé de gérer les affaires courantes, jusqu’à la nomination du futur Premier ministre. Ce gouvernement démissionnaire compte 17 ministres qui ont été élus députés le 7 juillet dernier aux élections législatives.

« Juridiquement, ils ne sont plus ministres. Ce sont des députés qui font office de ministres »

« Parmi les constitutionnalistes, nous sommes majoritaires à dire que ce cas de figure est constitutionnel », commente le constitutionnaliste Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris Panthéon-Assas. « Les ministres démissionnaires ne sont plus juridiquement ministres, ils font office de ministres. Donc les 17 ministres démissionnaires sont d’abord des députés, qui font office de ministres. »

Le cumul des fonctions de ministre et de député, s’il est proscrit dans la Ve République, est assez courant dans l’histoire politique européenne. « Ce cumul fait partie de la tradition parlementariste européenne. Au Royaume-Uni, pour entrer au gouvernement, vous devez être député. C’était une possibilité en France sous la IIIe et IVe République, supprimée par le général de Gaulle en 1958, pour éviter que certains ministres qui auraient voulu faire tomber le gouvernement puissent par la suite retrouver le mandat de député », explique Benjamin Morel.

Traditionnellement, un ministre député ne siège pas au Parlement

En invoquant l’article 23 de la Constitution qui stipule que « les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire », Mathilde Panot s’inquiète de voir des ministres influer sur le fonctionnement des instances de l’Assemblée nationale, à l’image de « Gabriel Attal qui se retrouve comme président de groupe à la conférence des présidents pour décider de l’ordre du jour législatif tout en étant toujours Premier ministre » et de « Jean-Noël Barrot, qui assure la présidence de la commission des affaires étrangères chargé du contrôle de l’action du gouvernement dont il reste membre en tant que ministre chargé de l’Europe. »

« Ce qui peut être attentatoire à la séparation des pouvoirs, c’est que ces ministres démissionnaires siègent à l’Assemblée nationale et prennent part aux votes », analyse le constitutionnaliste. « Traditionnellement dans nos républiques, un ministre député ne siège pas dans l’assemblée parlementaire. C’est la première fois dans l’histoire depuis la Convention qu’un ministre préside une commission parlementaire. Ces ministres députés auraient dû dire « je ne prends part au vote sur les instances de l’Assemblée nationale et je ne me présente pas à la présidence d’une commission. »  Dans sa contestation, la France insoumise rappelle que les 17 ministres démissionnaires ont voté en faveur de Yaël Braun-Pivet lors de l’élection à la présidence de l’Assemblée nationale, ce qui a fait basculer le vote puisque la député des Yvelines l’a emporté avec 13 voix d’écart contre le candidat du Nouveau Front populaire André Chassaigne.

Le gouvernement démissionnaire prépare le budget, un texte très politique

La saisine de Mathilde Panot pointe la préparation du budget 2025, qui sera examiné au Parlement à l’automne. Des projets de lois de finances publiques et de financement de la Sécurité sociale préparés « par un gouvernement démissionnaire sans légitimité parlementaire et démocratique. (…) Le budget est au coeur des arbitrages politiques nécessaires à la conduite de la politique de la Nation et l’absence de responsabilité politique (de ce gouvernement démissionnaire) traduit dans cette situation un déni démocratique d’une particulière gravité. » Gabriel Attal a annoncé un budget 2025 qui reconduit le niveau de dépenses de 2024 mais sans tenir compte de l’inflation, ce qui équivaut à une coupe budgétaire de 10 milliards d’euros, et avec des arbitrages politiques en son sein comme la baisse de 3 milliards d’euros du budget de la mission Travail et emploi (lire notre article). Le nouveau gouvernement aura très peu de marge de manoeuvre pour modifier ce budget 2025 puisqu’il devra présenter ces textes financiers à la mi-septembre au Haut Conseil des Finances publiques, et le 1er octobre à l’Assemblée nationale, sauf si leur examen est reporté (lire notre article).

« Ce n’est pas pour rien si en France les élections sont au printemps. Cela donne le temps au gouvernement issu de ces élections de préparer le budget de l’automne », commente Benjamin Morel. « Le nouveau gouvernement aura très peu de moyens pour modifier les grands équilibres du budget préparé par le gouvernement démissionnaire, avant que le texte n’arrive au Parlement. Le nouveau gouvernement devra le modifier, amendement par amendement, en se soumettant à chaque fois au vote des députés, ce qui rend la tâche ardue. »

Face aux différentes saisines dont il fait l’objet sur cette question du gouvernement démissionnaire, le Conseil constitutionnel semble un peu démuni, devant l’absence de jurisprudence. « Un gouvernement démissionnaire peut-il déposer un déposer un budget, le défendre voire même l’exécuter ? On n’en sait rien. Le Conseil constitutionnel pourrait censurer son budget mais il peut aussi choisir de ne rien faire pour préserver la continuité politique de la nation et éviter un effondrement économique. »

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