Lyon-Paris, Paris-Bordeaux. Monter pour redescendre. Prendre un train, puis un bus, puis attendre un autre train. Telle est la réalité de nombreux voyageurs cherchant à se rendre d’un point A à un point B par le rail en France en 2021.
Le déclin d’un service public
Entre 1920 et 2020, près de 40 000 km de lignes ont été détruits sur le sol français : « Le constat est implacable, il y a eu une fermeture très importante de petites lignes qui constituaient le réseau structurant du territoire » commente Gilles Dansart, spécialiste de la question ferroviaire et rédacteur en chef du site Mobilettre.
« Quand on ferme une ligne, on fait naître un sentiment de relégation »
Depuis 1938, la SNCF détient la quasi-totalité du réseau ferré français. Pour Philippe Tabarot, sénateur LR des Alpes-Maritimes, il y a l’idée, dans la disparition des petites lignes, de l’abandon de certains territoires par les services publics. « De la même manière que la fermeture d’une école ou d’un hôpital, la fermeture d’une gare est un symbole fort » explique-t-il. Ce que confirme Nicolas Debaisieux, directeur général de la coopérative alternative de transport de train Railcoop : « La présence d’une ligne symbolise souvent le rattachement d’un territoire à un autre et même au tout. Quand on ferme une ligne, on fait naître un sentiment de relégation ».
La faute au « business TGV » ?
Pourquoi l’État a-t-il décidé de ces fermetures de lignes si importantes pour la cohésion du territoire ?
Avec la désertification des campagnes et l’afflux massif de la population dans les grandes villes, la création de nouvelles lignes conçues pour relier rapidement les centres des plus grandes agglomérations françaises a progressivement pris le pas sur l’entretien des voies classiques. Entre 1990 et 2015, 30 des 78 milliards d’euros investis dans les infrastructures ferroviaires l’ont été dans les lignes à grande vitesse soit environ 38 % du total. « Sans aucun doute l’investissement massif dans la grande vitesse a condamné en partie le réseau structurant français » explique François Philizot, préfet, auteur d’un rapport sur les petites lignes.
Pour Gilles Dansart, plus que la part prise par le TGV dans les budgets, c’est « son obsession business » qui pose problème : « L’activité TGV a tendance à raisonner en silo et non en système. Elle ne voit que son chiffre d’affaires et ne prend pas assez en compte les réalités territoriales que ce soit dans ses dessertes ou au niveau de ses horaires mêmes. On est là sur une activité qui n’a plus rien à voir avec un service public » estime le spécialiste.
La nécessité d’une vision globale
« Sans aucun doute l’investissement massif dans la grande vitesse a condamné en partie le réseau structurant français ».
Philippe Tabarot refuse de faire « un procès » à la grande vitesse : « L’idée n’est pas d’opposer grandes lignes et petites lignes, il faut faire vivre les deux ! » Pour redonner un avenir et une légitimité économique et sociale à un héritage ferroviaire de la fin XIXe siècle, il faut reconstruire une offre globale. « Entre un quart et un tiers des personnes prenant le TGV viennent des Transports express régionaux (TER). Cela prouve toute l’importance de raisonner en termes de réseau. Aujourd’hui en France, l’organisation en réseau ne fonctionne plus » insiste Gilles Dansart.
Une vision d’ensemble, c’est aussi ce que demande Nicolas Debaisieux : « Le but c’est que le passager puisse aller d’un point A à un point B de façon fluide et pour ça il faut un véritable maillage territorial. Si vous raisonnez ligne par ligne, vous perdez la raison d’être d’un système ferroviaire. Il faut arrêter de concevoir les choses de façon morcelée par pure logique économique » conclut-il.
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