Traitements interdits sur des eaux minérales : le gouvernement accusé d’« alimenter les théories du complot »

Lors des questions d’actualité au gouvernement du Sénat deux parlementaires ont interpellé Bruno Le Maire sur ce qui pourrait s’apparenter à un nouveau scandale sanitaire, depuis les révélations de traitements interdits sur les eaux minérales par les groupes Nestlé et Alma.
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Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie est resté sur sa ligne lors des questions d’actualité au gouvernement. Interrogé par deux fois sur le scandale des traitements des eaux minérales, ses réponses ont été sensiblement les mêmes. On pourrait les résumer ainsi : laissons la justice faire son travail.

C’est d’abord, la sénatrice centriste, Élisabeth Doineau qui a interpellé le ministre. L’élue de Mayenne a d’abord rappelé les deux enquêtes du Monde et de Radio France, sorties la semaine dernière. Elles révèlent les conclusions d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), remis au gouvernement en juillet 2022. « Les travaux ont permis de révéler que près de 30 % des désignations commerciales subissent des traitements non conformes », écrivent les deux médias.

« Comment avez-vous pu accepter cette tromperie du consommateur ? »

Selon Le Monde et Radio France, l’affaire a commencé fin 2020, quand un ancien salarié de la société Sources Alma, qui produit une trentaine d’eaux en bouteilles en France dont Cristaline, Saint-Yorre et Vichy Célestins, a signalé à la répression des fraudes (DGCCRF) des « pratiques suspectes dans une usine du groupe ». Le numéro un mondial de l’eau minérale Nestlé Waters avait, lui, reconnu, à l’été 2021, auprès des autorités des « pratiques de traitements non-conformes sur (ses) sites » de production.

« Cette eau minérale a été vendue 100 fois plus cher que l’eau du robinet alors qu’elle subissait les mêmes traitements […] M. le ministre, comment avez-vous pu accepter cette tromperie du consommateur ? », s’est émue Élisabeth Doineau.

Bruno Le Maire a rappelé sa chronologie des faits. « Lorsque les informations nous sont remontées. Des agences régionales de santé ont saisi le procureur de la République pour risque de manquement à la réglementation et tromperie du consommateur. Une enquête judiciaire a été ouverte et la direction générale de la répression des fraudes apporte son soutien à cette enquête pour examiner si oui ou non les industriels ont respecté la réglementation européenne. Attendons la fin de l’enquête de justice ».

Pas vraiment de quoi satisfaire Hervé Gillé, sénateur socialiste, auteur d’un rapport d’information sur la gestion de l’eau. Le sénateur rappelle que les enquêtes journalistiques font état d’une réunion entre le cabinet Agnès Pannier-Runacher, à l’époque ministre déléguée chargée de l’Industrie, dès 2021. C’est à la suite de cette réunion, en 2022, que l’Igas a remis son « rapport accablant qui n’a jamais été rendu public ». « Le gouvernement a donc eu connaissance des pratiques frauduleuses de certains grands groupes industriels […] Ceci a priori sans en informer la justice, ni les consommateurs », a-t-il tancé.

S’adressant à Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Hervé Gillé a demandé « la confirmation des accusations contenues dans le rapport d’enquête ». « Pourquoi n’avez-vous pas rendu public le rapport de l’Igas ? Allez-vous le faire ? Le gouvernement en a-t-il informé la Commission européenne comme il en avait l’obligation ? »

« Vous créez les conditions d’une société de défiance et de suspicion »

C’est une nouvelle fois, Bruno Le Maire qui a pris la parole répétant, à peu de chose près, sa précédente réponse.

Dans sa réplique, Hervé Gillé a, lui, détaillé une chronologie des faits plutôt embarrassante pour l’exécutif. « Le gouvernement était informé bien longtemps déjà de cette situation. Les ARS se sont mobilisées beaucoup plus tardivement et quand on analysera pourquoi elles se sont mobilisées, ce n’est pas forcément sur votre injonction. Ce sont des faits particulièrement dommageables pour notre démocratie à la fois en termes de connivence avec des intérêts privés, et surtout en termes de confiance vis-à-vis des citoyens et de leurs gouvernants. Vous créez les conditions d’une société de défiance et de suspicion. Pire, votre comportement peut alimenter les théories du complot ».

Pour conclure, Hervé Gillé a appelé le gouvernement à soutenir la création d’une commission d’enquête, demandée, la semaine dernière, par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale. « Nous jugerons sur les actes », a-t-il conclu.

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