Transfert de routes nationales aux régions : « On ne force personne », répond Jacqueline Gourault
La ministre de la Cohésion des territoires a été auditionnée au Sénat ce 9 juin sur le projet de réforme territoriale « 4D ». Les conditions du transfert expérimental de routes nationales aux régions volontaires font partie des interrogations des sénateurs, ces collectivités n’ayant aucune expérience en la matière, contrairement aux départements.

Transfert de routes nationales aux régions : « On ne force personne », répond Jacqueline Gourault

La ministre de la Cohésion des territoires a été auditionnée au Sénat ce 9 juin sur le projet de réforme territoriale « 4D ». Les conditions du transfert expérimental de routes nationales aux régions volontaires font partie des interrogations des sénateurs, ces collectivités n’ayant aucune expérience en la matière, contrairement aux départements.
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C’est l’une des dispositions du projet de loi 4D (différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification) qui suscite le plus d’incompréhension au Sénat. En l’état actuel de cette réforme territoriale, qui sera examinée en premier par le Sénat en juillet, il est prévu, à titre expérimental, de confier aux régions volontaires, la gestion de certains tronçons de routes nationales.

Les questions ont fusé de toutes parts, ce 9 juin en commission. Alors que le texte ne devrait pas bouleverser l’organisation territoriale et les répartitions de compétences, la sénatrice PS Martine Filleul considère que ce transfert apparaît comme un « paradoxe ». « Vous proposez que les routes nationales soient transférées aux régions alors qu’elles n’ont pas l’expérience, le savoir-faire dans ce domaine, alors que les départements ont une ancienneté. Vous dites que c’est à la demande des collectivités territoriales concernées. Je rencontre des collectivités qui me disent qu’elles ne sont pas intéressées par ce transfert », a relayé la sénatrice du Nord. Le rapporteur Daniel Guéret (rattaché au groupe LR) craint que cette disposition ne vienne « complexifier le réseau routier ». « Quelle cohérence et quelle logique de donner aux régions, même sous la forme expérimentale, les tronçons de route dont personne ne veut ? Même avec la carotte de l’écotaxe, cela n’a pas de sens », est aussi intervenu Philippe Tabarot (LR).

« Ce n’est pas un bouleversement énorme »

Auditionnée par la commission de l’aménagement du territoire et développement durable, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargée du projet de loi, Jacqueline Gourault savait qu’elle n’échapperait pas au sujet. « Ce n’est pas un bouleversement énorme », a-t-elle dédramatisé, ajoutant que l’Etat disposait de routes « d’intérêt national », qu’il n’est « pas prêt à décentraliser ». « C’est sur le volontariat, on ne force personne à prendre des routes »

La ministre a rappelé que la région Grand Est avait été la première à se manifester sur ce sujet. « L’espace des régions maintenant est tel qu’il y a des régions qui sont intéressées par la prise de gestion des routes nationales. Mais rien ne les y oblige et tout cela fait partie de contractualisation avec l’Etat », a-t-elle développé. Et d’ajouter : « Et si ça ne marche pas, on n’ira pas plus loin. »

La ministre prête à élargir la durée de l’expérimentation

Comme souvent lorsqu’il est question de transfert de compétences, la question des compensations financières aux collectivités territoriales est scrutée de près. Or, selon Daniel Guéret, le calcul qui repose sur les investissements des cinq dernières années ne risque pas de favoriser les routes ayant été peu entretenues. La ministre a indiqué que les règles de compensation seraient conformes à ce qui est prévu par les textes en vigueur. « On préserve aussi les intérêts de l’Etat, il faut trouver un équilibre dans tout cela », a-t-elle souligné.

Le sénateur Mathieu Darnaud (LR) s’est aussi interrogé sur la durée de l’expérimentation fixée à cinq ans dans le texte gouvernemental. Selon lui, elle est « assez peu raisonnable », « beaucoup trop courte », et « toutes les régions » l’ont dénoncée. Daniel Guéret préconise plutôt une expérimentation longue de huit, voire dix ans, le temps pour les régions d’acquérir une vraie expertise sur le sujet et d’engager sereinement les dépenses nécessaires. La ministre n’a pas émis d’opposition de principe à faire évoluer les choses au cours du débat parlementaire. « On ne va pas rentrer en guerre sur un sujet comme celui-là. Ce n’est pas quelque chose qui me gêne », a-t-elle assuré.

Une nouvelle habilitation à légiférer par ordonnance qui refroidit le Sénat

Au-delà du cadre des routes, pour toutes les politiques d’aménagement au niveau local s’est posée la question de l’ingénierie, qui fait souvent défaut aux plus petites collectivités. Le projet de loi prévoit de revoir l’organisation et les missions du CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), pour que les collectivités aient accès plus facilement à ses services. Or, le gouvernement n’a pas choisi d’inscrire cette évolution directement dans le texte, et sollicite une habilitation à légiférer par ordonnance. « Je regrette que le gouvernement ait décidé de contourner le débat parlementaire », a introduit d’emblée le sénateur (Union centriste) Jean-François Longeot, le président de la commission de l’aménagement du territoire.

Jacqueline Gourault a rétorqué qu’un passage par une ordonnance « n’empêche pas le débat parlementaire ». Mais le sujet est « extrêmement délicat », de son point de vue. Une mise à disposition directe des ressources du CEREMA aux collectivités locales demande quelques précautions juridiques. « Il n’y a pas de loup, mais on veut le sécuriser à fond par un travail avec le Conseil d’Etat, c’est pour cela qu’on le fait par ordonnance », a-t-elle voulu rassurer les sénateurs. « On aimerait avoir une vision assez claire », a fait savoir Mathieu Darnaud.

Son collègue PS Gilbert-Luc Devinaz s’est demandé si le gouvernement comptait redonner des moyens au CEREMA, pour exercer ses nouvelles missions. « Au niveau budgétaire, il n’y a aucune inflexion sur le processus de réduction des effectifs du CEREMA. Comment le gouvernement peut, en même temps, faciliter la saisine du CEREMA par les collectivités tout en réduisant les effectifs et les investissements de ces structures ? » « La meilleure façon de sauver le CEREMA, c’est de lui donner une vocation nouvelle, d’ouverture aux collectivités. Je serai là pour me battre pour que les postes soient maintenus », a promis Jacqueline Gourault.

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