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Transport aérien : un rapport du Sénat veut conforter la desserte des territoires enclavés
Par Public Sénat
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Comment peut être accueilli un rapport parlementaire soulignant l’importance de certaines liaisons aériennes, à l’heure où la « honte de prendre l’avion » progresse en Europe ? Pour la mission d’information sénatoriale « transports aériens et aménagement des territoires », les deux impératifs ne sont pas irréconciliables. Après six mois de travaux sur cette problématique, la mission, créée sous l’impulsion du RDSE, groupe à majorité radicale et soucieux d’un « équilibre entre les territoires », a rendu ses conclusions (adoptées à l'unanimité). « Il est apparu évident et incontournable que notre rapport devait s’attacher à la réduction des émissions de gaz à effet de serre », a insisté la rapporteure Josiane Coste, sénatrice du Cantal.
Une donnée est à l’origine de la formation de cette mission d’information. En France, un million de personnes vivent à plus de 45 minutes d’un accès à l’autoroute, d’une gare TGV ou d’un aérodrome. 15 % des Français n’ont d’ailleurs accès qu’à un seul de ces modes de déplacement. Pour ces territoires à l’écart des grandes infrastructures, ou de l’Outre-mer qui doivent conserver un lien avec la métropole, le maintien de lignes aériennes est indispensable, jugent les sénateurs. « Le soutien au transport aérien régional reste pertinent lorsque d’autres moyens de transport, le rail ou la route ne lui sont pas substituables ou ne rendent pas un service comparable », martèle Josiane Coste.
Ces petites lignes du ciel, c’est « un sujet statistiquement qu’on ne voit pas », reconnaît le sénateur centriste Vincent Capo-Canellas, président de la mission et ancien maire du Bourget. Par rapport au trafic global, ces lignes d’aménagements du territoire sont très marginales mais rendent un service à des territoires éloignés des grandes métropoles régionales ou de Paris. 360.000 passagers transitent chaque année par leur intermédiaire : c’est 0,3% du trafic des aéroports parisiens.
« Si on n’a plus de trafic aérien, on ferme », explique la sénatrice du Cantal
Ces dessertes servent l’attractivité d’un territoire. Une métropole ou une région dynamique sur le plan économique attire du trafic aérien. La réciproque, elle, se vérifie pour les territoires isolés. Le rapport explique que le transport aérien « stimule directement » l’activité économique dans les régions périphériques. Ou permet de la maintenir. « Si on n’a plus de trafic aérien, on ferme », résume Josiane Coste. Elle évoque la situation de son département, le Cantal, et de sa capitale, Aurillac, où la durée des voyages en train vers Paris n’a cessé de se dégrader sur le long terme (6h45 actuellement). En totale contradiction avec les exigences de l’époque. « Par rapport aux années 80-90, l’économie a besoin de plus de vitesse de réactivité », a admis lors de son audition Patrick Gandil, directeur général de l’Aviation civile.
Lors de leurs échanges, les sénateurs ont appris que ces lignes d’aménagement du territoire étaient même plus répandues à une autre époque. En 2005, elles représentaient près de 18,6 millions d’euros de financements annuels pour 23 liaisons. L’an dernier, les chiffres sont tombés à 4,3 millions d’euros, et six liaisons seulement bénéficiant d’une subvention. Quatre sont considérées comme un « minimum vital ».
Le moment est toutefois bien choisi pour « opérer des changements », souligne le rapport. Le gouvernement prévoit de porter à 25 millions d’euros par an la dotation annuelle pour financer de nouvelles délégations de service public comme Quimper. La délégation sénatoriale s’est justement rendue dans le Finistère pour entendre des chefs d’entreprise. « Armor Lux nous a dit que si leurs clients n’arrivaient pas facilement à Quimper, ils se tourneraient vers d’autres fournisseurs », alerte Vincent Capo-Canellas.
La problématique particulière de l’Outre-mer, dépendant de l’aviation
De par de leur éloignement de la métropole et le besoin d’assurer une continuité territoriale », les sénateurs ont eu une attention particulière pour les territoires ultramarins. Le rapport préconise de mettre en place un guichet unique pour orienter le plus mieux possible les usagers, si plusieurs aides différentes coexistent. Les sénateurs recommandent également d’instaurer de nouvelles aides pour faciliter les déplacements professionnels des habitants de ces territoires avec les pays environnants. Les Antilles sont particulièrement concernées. « Il y a un déficit de connectivité internationale de l’Outre-mer, et c’est préjudiciable au développement de nos territoires », souligne Josiane Costes.
Le Sénat n’est pas la seule institution à s’être saisie de la question du désenclavement des territoires. Au mois de mars, l’État a adopté la Stratégie nationale du secteur aérien 2025. La « connexion des territoires au trafic aérien » fait partie des quatre axes du plan gouvernemental. Mais au cours de leurs travaux, les sénateurs ont identifié une lacune : la présidence du Conseil supérieur de l’aviation civile, qui doit assurer le suivi de la Stratégie nationale, est vacante. Ici, le rapport sert de piqûre de rappel.
Rationaliser le maillage aéroportuaire
Un décompte a aussi été mené par la mission : la France (métropole et Outre-mer) compte 550 aéroports et aérodrome, dont 120 qui accueillent des passagers commerciaux. Se pose donc la question de la rationalisation des équipements et des « stratégies à développer par les régions ». Pour le rapport du Sénat, il faut « actualiser périodiquement » ce « maillage aéroportuaire ». En 2017, un rapport du Conseil supérieur de l'aviation civile rappelait qu’une quarantaine d’aéroports ou aérodromes étaient déficitaires. Le sujet est posé pour les collectivités, qui participent à leur financement.
Et puisqu’elles sont parties prenantes, le rapport préconise d’optimiser la gestion des aéroports de permettre une « vraie prise en main » par les régions mais aussi les départements. En vertu de leurs compétences, ces derniers ne peuvent intervenir sur une ligne que si celle-ci présente un intérêt touristique par exemple. La loi doit s’adapter pour sécuriser leurs interventions.
Autre critique soulevée par les parlementaires : les appels d’offres menés par les collectivités sont trop souvent « corsetés ». Il apparaît nécessaire de donner de la flexibilité aux compagnies qui assureront les liaisons dans le cadre de ces lignes d’aménagement du territoire, en termes de fréquence des vols par exemple.
La mission sénatoriale s’est aussi penchée sur les pratiques à l’étranger, se nourrissant d’exemples européens mais aussi plus lointains (comme l’Australie et la Colombie). L’Italie est ainsi saluée pour la coordination des politiques entre les régions et l’État, l’Espagne pour ses tarifs familiaux, ou encore la Suède pour la publication de statistiques pour la qualité du service.
Flécher le produit des taxes environnementales vers la recherche
À l’heure de l’impératif écologique, les sénateurs rappellent qu’il faut « concilier la taxation carbone du secteur aérien avec l’objectif d’aménagement du territoire ». Ils demandent que les lignes d’aménagement du territoire et les lignes vers l’Outre-mer soient « exonérées » de cette contribution. Ils suggèrent dans le même temps un abattement qui tiendrait compte du degré de difficulté de se reporter sur le train.
L’annonce faite cet été par le ministère de la Transition écologique d’exempter ces lignes d’aménagement de l’écocontribution est vue comme « un bon signe », selon Josiane Coste. À quelques semaines de l’examen du budget, les sénateurs appellent le gouvernement à faire preuve de prudence dans la fiscalité environnementale. « Il faut que les taxes soient a minima européennes ou mondiales, sinon on fragilise nos compagnies », alerte le sénateur Vincent Capo-Canellas. L’appel n’est pas anodin à l’heure où le secteur traverse une période de turbulences, avec la faillite de plusieurs compagnies.
Le rapport recommande ainsi de flécher le produit de ces taxes vers la recherche, pour développer des appareils plus respectueux de l’environnement. « Il faut renverser l’avion-bashing », encourage Josiane Coste, expliquant qu’un avion à hélice (turbopropulseur) peut consommer 30% à 40% moins de kérosène d’un jet.