C’est une mobilisation massive des chauffeurs de taxi qui touchent la France depuis le début de la semaine. Jeudi, 1 700 taxis étaient mobilisés dans l’Hexagone dont 960 à Paris. Des chiffres impressionnants qui ont conduit à l’exécutif à organiser samedi, une réunion, au ministère des Transports en présence du Premier ministre.
Les taxis protestent contre le projet de nouvelle tarification de l’Assurance maladie pour le transport de patients, qui doit entrer en vigueur le 1er octobre (lire notre article). En période de réduction des déficits, le transport sanitaire, c’est un exemple des « dépenses secondaires » sur lesquelles Bercy a décidé de réduire la voilure, afin de financer les « dépenses prioritaires », comme « l’hôpital, l’école » ou encore les missions régaliennes (sécurité, justice, défense).
Et alors que le trou de la Sécu en 2024 s’élevait à un peu plus de 15 milliards d’euros, la marge de manœuvre des syndicats de taxi s’annonce serrée. « On ne va pas faire machine arrière. Il s’agit de faire entre 100 et 150 millions d’économies sur 6,3 milliards. Donc, c’est 2 % d’économies qui seront faites sur l’efficacité, pas sur le service aux malades », a prévenu, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas, ce vendredi.
Les dépenses de transport sanitaire ont, en effet, grimpé de 9 % entre 2022 et 2023, pour atteindre en 2024, 6,7 milliards d’euros remboursés par l’Assurance maladie. La moitié concerne les taxis.
« Il faut les entendre bien sûr. Il faut essayer de faire un peu de pédagogie. Si au premier exercice d’économie, on recule aussitôt, on ne pourra plus rien faire », estime le chef de file des sénateurs Renaissance, François Patriat.
Cette baisse de la tarification avait été votée lors du dernier budget de la Sécurité Sociale. Il s’agissait d’un amendement du gouvernement qui permettait à l’Assurance maladie de conclure « des accords de maîtrise des dépenses » avec le secteur des transports sanitaires, notamment en ce qui concerne le transport de patients en taxis conventionnés. Le gouvernement attend de cette mesure une économie de 300 millions d’euros sur trois ans.
Responsabilisation des patients et des prescripteurs
C’est pourquoi, la rapporteure générale de la commission des Affaires sociales, Élisabeth Doineau rappelle que ce sujet « n’est plus dans les mains Parlement ». « Lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), nous avions identifié le transport sanitaire comme un sujet d’économie. Après, il s’agit d’une négociation entre les taxis et l’assurance maladie. Par contre, en tant que législateur on a pu aborder le sujet de la prescription, notamment lorsqu’il s’agit du transport partagé ». En effet, l’article 30 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, votée début décembre 2023, a réduit la prise en charge des frais de transport et exclut du tiers payant, les patients qui refuseraient un transport sanitaire partagé sans contre-indication médicale. Auparavant, un avenant à la convention nationale des transporteurs sanitaires privés, fin 2020, avait déjà contribué à faire progresser la part de transport partagé, à travers un système de bonus-malus financier. La promotion du transport partagé a été mise en suspens durant la crise Covid pour des raisons sanitaires.
« Responsabiliser plus fortement les prescripteurs, les patients et les transporteurs », c’est aussi la piste mise en avant par la Cour des comptes dans différents rapports sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale.
« Il ne faut pas que ces économies se fassent sur le dos des patients »
Avec la nouvelle tarification, la Cnam veut éviter que les taxis fassent du transport à vide, coûteux, via une coordination avec les hôpitaux pour grouper des patients sur des trajets proches, dans certains départements. Le secteur du taxi se dit prêt à discuter, notamment du transport partagé et de « l’optimisation des coûts » mais demande, néanmoins, le gel du projet actuel. La Fédération nationale du taxi (FNDT) estime que la révision des tarifs met « en difficulté financière le secteur et fait peser le poids de la désorganisation de l’administration sur des entreprises qui ne pourront plus assumer leur service auprès des patients ».
« Il ne faut pas que ces économies se fassent sur le dos des patients et prendre en compte la spécificité des territoires et le vieillissement de la population. Le dialogue doit être maintenu pour trouver une issue qui convienne à tout le monde, car cette réforme désorganise aussi le travail des taxis », alerte Corinne Féret, sénatrice socialiste et secrétaire de la commission des affaires sociales.
Ces trajets vers les hôpitaux ou cabinets médicaux représentent la majorité du chiffre d’affaires de nombreux chauffeurs, surtout dans les petites villes. Selon la FNDT, 85 % des taxis font du transport conventionné de malades.
« Comme à chaque fois avec les gouvernements d’Emmanuel Macron, il faut une pression maximale pour que le dialogue s’ouvre », observe son collègue Simon Uzenat (PS). « C’est l’accès à la santé, un droit élémentaire, qui est ici en jeu dans des territoires où l’offre de soins est déjà limitée. En ce sens, les transports sanitaires participent au service public de la santé. Nous, socialistes, formuleront de nouvelles propositions, lors du prochain budget de la Sécu, pour aller chercher des économies ailleurs que chez les plus fragiles », ajoute-t-il.
« Plateformiser le transport sanitaire »
« Il peut y avoir aussi dans les transports sanitaires une forme de dépassement inadmissible parfois, pas dans le prix, mais les volumes que cela représente et les choix qui sont faits. Je pense qu’aujourd’hui, il faut être ferme. Si on ne fait pas d’économies là, on n’en fera nulle part », appuie François Patriat, soulignant la problématique des transports à vide.
De nombreux taxis manifestent aussi contre la concurrence des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), coordonnés par des plateformes comme Uber ou Bolt qu’ils accusent d’encourager « leurs chauffeurs à enfreindre les réglementations », en prenant des clients sur la voie publique, ce qui crée « la confusion entre leur service et celui des taxis ».
Pour le sénateur communiste Pascal Savoldelli, la nouvelle convention « casse les tarifs, supprime le transport individuel, fragilise l’accès aux soins et participe à la volonté d’Emmanuel Macron de plateformiser le transport sanitaire en les mettant en concurrence avec les VTC ». Une référence à la demande de l’assurance maladie après des hôpitaux encouragés à développer des « plateformes de transports ».
Dans ce contexte, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau a demandé aux forces de l’ordre de renforcer les contrôles des véhicules avec chauffeur (VTC) en raison « de pratiques irrégulières de la part des VTC et la présence de faux professionnels sur la voie publique ».