Gouvernance, programmation financière, développement des alternatives à la voiture : la loi sur les mobilités (LOM), adoptée en commission de l’aménagement du territoire au Sénat, aborde de nombreux aspects dans le domaine des transports. Le 6 mars, les sénateurs ont adopté 240 amendements pour redonner, selon eux, toute l’ambition nécessaire au texte (relire notre article).
Parmi les nouveaux articles, on en relève un qui concerne les conflits sociaux. Trois amendements identiques, déposés et soutenus par des sénateurs et sénatrices LR (Roger Karoutchi, Sophie Primas ou encore Philippe Pemezec), modifiant les conditions d’entrée en grève, ont été adoptés.
Depuis la loi « sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs », adoptée en 2007, certains agents de compagnies de transports de service public (comme la SNCF ou la RATP) ont l’obligation de se déclarer grévistes au minimum 48 heures avant l’épisode. L’amendement défendu par les parlementaires de droite propose d’aller plus loin, en portant le délai à 72 heures.
« Ce délai de 48 heures est trop court pour permettre une organisation optimum du service en cas de perturbation », ont expliqué les sénateurs. Un nouveau délai de 72 heures permettra, selon eux, de « mieux organiser le service en cas de grève ».
« Qu’il y ait une journée de plus, il n’y aura aucune incidence », affirme un syndicaliste
Mais l’initiative peut-elle porter ses fruits et améliorer le sort des usagers en cas de conflit social ? Interrogé par Public Sénat, un responsable syndical se montre critique sur l’efficacité de cet amendement, qui devra être validé dans l'hémicycle à partir du 19 mars, puis être repris par l’Assemblée nationale, pour être inscrit dans le Code des transports. « C’est un faux problème, c’est de l’habillage », réagit Bruno Poncet, secrétaire fédéral à Sud-Rail. « C’est déjà très réglementé. Les gens se rendront très vite compte qu’en fait cela n’améliorera pas les choses. »
« Qu’il y ait une journée de plus, il n’y aura aucune incidence », affirme-t-il. « L’entreprise a des plans de service de circulation. Avant même que les gens se déclarent grévistes, et même avant 48 heures, le plan est déjà sorti », explique-t-il. Ces différents plans, d’intensités différentes (S0, S1, etc.) prévoient différents scénarios de dessertes et de trains affectés. Bruno Poncet est catégorique. « Si la SNCF se rend compte qu’il y a moins de grévistes, elle ne va pas mettre plus de trains. »
Le syndicaliste ajoute que la loi est souvent mal comprise. « Vous devez l’information aux usagers, pas forcément réquisitionner les cheminots. » En clair, si la SNCF annonce que 12 trains vont rouler, « elle doit le garantir, elle doit les faire rouler », précise-t-il.
Potentiellement explosif – en apparence – l’amendement n’a en tout cas pas l’air d’inquiéter le représentant de Sud-Rail (troisième syndicat représentatif à la SNCF). « On s’inquiète déjà de ce que vont devenir la SNCF et le service public », répond-il, neuf mois après la promulgation du « nouveau pacte ferroviaire ».