Travail et emploi : le Sénat vote un budget en hausse mais le juge peu lisible

Travail et emploi : le Sénat vote un budget en hausse mais le juge peu lisible

Les sénateurs ont adopté vendredi les crédits de la mission Travail-Emploi en hausse de 3 %, hors plan de relance, en cette période de crise sociale et économique. Le manque de lisibilité budgétaire est néanmoins fustigé sur tous les bancs et la gauche juge les efforts insuffisants.
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Par Héléna Berkaoui

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« Tous les indicateurs sont au rouge », a souligné Emmanuel Capus, rapporteur spécial de commission des Finances. Depuis mars, les plans sociaux se multiplient et c’est près de 800 000 emplois qui devraient être détruits cette année. Le chômage devrait atteindre 11 % au premier semestre de l’année prochaine, selon la Banque de France. C’est sous ces auspices que le Sénat a adopté les crédits de la mission « travail emploi » vendredi 4 décembre. La droite et le centre, majoritaires, ont voté favorablement tandis que les socialistes se sont abstenus quand les communistes et les écologistes ont rejeté ce budget.

Sur tous les bancs, le manque de lisibilité budgétaire de cette mission a été fustigé. Les crédits sont en hausse de 3 %, soit plus de 400 millions d’euros pour un budget qui s’élève à 13,2 milliards d’euros. En parallèle, le plan de relance engage 10 milliards d’euros pour le ministère. Un empilement qui fait dire au sénateur LR, Jérôme Bascher, que « ce budget n’est pas sincère », coupable par ailleurs de ne pas correspondre aux nouvelles prévisions macro-économiques du ministère. « Tout votre budget, en réalité, ce sont les exonérations de cotisations sociales » visant à « essayer de boucher, ici et là, les trous dans la raquette » (voir la vidéo ci-dessous). 

« La mission que nous examinons ce matin ne comporte aucune mesure nouvelle et s’inscrit dans la droite ligne des années précédentes, on pourrait presque croire que la situation de l’emploi dans notre pays n’a guère changé en un an et que la dynamique de baisse du chômage que nous observions s’est poursuivie », a pour sa part, pointé la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, Frédérique Puissat (LR).

Pour la rapporteure spéciale de la commission des finances, Sophie Taillé-Polian, « il ne faut pas exagérer la portée » de l’augmentation des crédits qui « ne fait que se conformer à la trajectoire prévue dans la loi de programmation des finances publiques votée en 2018 et qui inscrit le ministère du Travail et le nombre de ses fonctionnaires dans une trajectoire de diminution ». Des crédits résolument « insuffisants » pour faire face à la crise économique et sociale.

Les financements de Pôle emploi, en baisse constante depuis plusieurs années, ont également été dénoncés par la sénatrice écologiste : « On peut également déplorer que dans le même temps la contribution de l’Unedic au financement de Pôle emploi reste fixée à 11 % […] on ne dira jamais assez que cette mesure revient in fine à faire supporter aux chômeurs eux-mêmes le coût du service public de l’emploi ». Comme les autres groupes de gauche, elle a également appelé la ministre à revenir sur la réforme de l’assurance-chômage dont deux points très contestés ont récemment été annulés par le Conseil d’Etat.

Le Sénat porte à 10 millions le budget des maisons de l’emploi

Comme l’année dernière, le Sénat abonde l’enveloppe allouée aux maisons de l’emploi. Un rapport dirigé par Sophie Taillé-Polian (groupe écologiste) et Emmanuel Capus (Les indépendants) plaidait pour renforcer leur gouvernance et pérenniser leur financement pour une politique territoriale de l’emploi vraiment efficace. « Malgré la diète à laquelle a été soumis ce réseau, elles continuent à œuvrer et à être actives, elles ont fait preuve de résilience et il faudrait peut-être en tenir compte […] On aimerait avoir de la visibilité et ne pas, chaque année, remettre le débat sur la table pour essayer de sauver l’essentiel », a plaidé le sénateur LR, François Bonhomme. Le Sénat porte donc le financement accordé au réseau des Maisons de l’emploi à 10 millions d’euros, contre 5 millions d’euros dans la version initiale.

Renforcement de la lutte contre la fraude sociale

Le sénateur de la Réunion, Jean-Louis Lagourgue (Les indépendants), a porté un amendement pour durcir la lutte contre la fraude sociale en renforçant les pouvoirs de contrôle de Pôle emploi.  « La défiance ne doit pas entamer les efforts que nous allons consentir collectivement, il est important que nous ne laissions pas s’installer le sentiment selon lequel certains profitent indûment du système », a justifié le sénateur.

L’amendement porté par la sénatrice centriste, Nathalie Goulet, visant à durcir le contrôle du chômage partiel a, lui, été rejeté. En septembre, le ministère du Travail reconnaissait que la fraude au chômage partiel avait coûté 225 millions d’euros depuis le début de la crise sanitaire. Plus de la moitié de la somme a déjà été récupérée, selon lui. La ministre du Travail, Élisabeth Borne, assure devant les sénateurs que près de 400 000 contrôles a priori et 60 000 contrôles a posteriori ont été réalisés. Elle assure aussi que la plupart des fraudes ne viennent pas des entreprises mais d’escrocs coutumiers du fait.

L’activité partielle interroge également les sénateurs pour l’après. « La dégradation spectaculaire des comptes de l’Unedic dont la dette devrait dépasser 65 milliards d’euros en 2020 est très largement due aux décisions de l’Etat en matière d’activité partielle et il semblerait logique que l’Etat en prenne sa part », appelle la sénatrice LR, Pascale Gruny, qui souligne le fait que les conséquences retomberont à terme sur Pôle emploi et sa capacité à prendre en charge les demandeurs d’emploi.

Comme elle le revendiquait devant la commission des affaires sociales, Élisabeth Borne a assuré aux sénateurs que son budget représente « un bouclier anti-licenciements »… sans vraiment convaincre la Haute assemblée.

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