Comme le remarque Anne Lavaud, déléguée générale de l’Association prévention routière, « la patinette de (s)on enfance a pris un petit coup de jeune » ! Terminé l’étroite planche portée par deux ou trois roues et actionnée à l’huile de coude, place à un modèle plus évolué, au design travaillé et aux couleurs flashy. Disponibles en free floating (libre-service sans borne), les trottinettes dernière génération sont électriques… Et controversées. « Elles vont trop vite ! », s’inquiète Charles-Eric Lemaignen, 1er vice président de l’Assemblée des communautés de France. Ces e-EDP, engins de déplacement personnels électriques, peuvent en effet aller jusqu’à 35km/h. Bien plus vite qu’un piéton donc, mais moins vite qu’une voiture, ce qui pose clairement un problème de sécurité.
Un « OVNI juridique »
Contrairement à la « patinette », sans assistance électrique et juridiquement considérée comme un piéton, la trottinette électrique est, elle, un « OVNI juridique », remarque Charles-Eric Lemaignen. L’e-EDP échappe à toute réglementation et peut rouler librement tant sur les trottoirs et les pistes cyclables, que sur la chaussée. Ainsi le sénateur (LR) de Paris Philippe Dominati, près de 100km au compteur, vient au Sénat avec l’une des trottinettes disponibles en free-floating dans son arrondissement de l’ouest parisien, et emprunte la route car « les pistes cyclables sont dans un état lamentable ». Et s’il lui arrive de prendre les trottoirs, « quand ils sont assez larges », il est bien conscient de se « faire engueuler tant par les piétons que par les vélos ».
« Il faut que les collectivités locales puissent réglementer »
Face à cette problématique, la plupart s’accorde sur la nécessité de légiférer. « Il faut que les collectivités locales puissent réglementer » convient Charles-Eric Lemaignen. La loi d’orientation sur les mobilités cristallise toutes ses attentes. Selon le 1er vice président de l’Assemblée des communautés de France, le texte, qui devrait arriver au Parlement au printemps prochain, devra « clarifier la situation juridique des engins de déplacement personnel (EDP) et mettre en place une régulation de l’espace public via un pouvoir de police partagé entre l’intercommunalité - « maille de base » - et les conseils municipaux, ou un système de licence, ce qui serait « préférable » selon lui.
Le vélo, « ancré dans les pratiques »
Si l’usage des engins de déplacement personnels électriques est loin être anecdotique - « 10% des Français l’utilisent de manière occasionnelle : on n’est pas juste sur un phénomène un peu bobo du centre parisien » relève Anne Lavaud, de l’Association Prévention routière - celui des vélos reste majoritaire. « Il est plus ancré dans les pratiques » confirme Yann Tremeac, chef adjoint du service transports et mobilités de l’Ademe. D’autant que l’arrivée du vélo à assistance électrique sur le marché des cycles rencontre un succès exponentiel (+90% entre 2016 et 2017). Ecologique et rapide, il est également disponible en free floating dans la capitale, et accessible à tous les détenteurs de l’application mobile dédiée.
Fractures territoriale et numérique
Outre la nécessité de faire cohabiter tous ces modes de déplacement nouvelle génération, l’enjeu est d’éviter de creuser la fracture territoriale : « 22% des Français déclarent avoir le choix de leur mode de transport en zone rurale contre 64% en zone urbaine », relève Yann Tremeac. Le chef adjoint du service transports et mobilités de l’Ademe souligne également qu’à cela s’ajoute une fracture numérique, dont pâtissent « les personnes qui ne savent pas utiliser ces dispositifs » : « Rendons les transport accessibles à tous » enjoint-il. Les défis posés par ces nouveaux modes de déplacements sont donc multiples, et l’enjeu de l’urgence climatique ne peut plus attendre : le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effets de serre. « Il y aura un rapport prochainement sur les nouvelles mobilités » avertit Roger Karoutchi, sénateur (LR) des Hauts-de-Seine.