Trump – Zemmour : même combat ?
Le premier meeting du candidat d’extrême-droite à Villepinte a été émaillé de violences contre des journalistes et des militants pacifistes. Une entrée en campagne fracassante qui n’est pas sans rappeler celle d’un autre candidat « antisystème » : Donald Trump. Où commencent et où s’arrêtent les similitudes entre les deux hommes ? Deux observateurs nous répondent.

Trump – Zemmour : même combat ?

Le premier meeting du candidat d’extrême-droite à Villepinte a été émaillé de violences contre des journalistes et des militants pacifistes. Une entrée en campagne fracassante qui n’est pas sans rappeler celle d’un autre candidat « antisystème » : Donald Trump. Où commencent et où s’arrêtent les similitudes entre les deux hommes ? Deux observateurs nous répondent.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Une fois, deux fois, le coude se lève et le poing s’abat sur le visage d’une jeune militante de SOS racisme. L’image de ces violences commises par un sympathisant d’Éric Zemmour passe en boucle sur les chaînes d’information au lendemain du premier meeting du candidat d’extrême-droite à Villepinte. D’autres violences ont été commises contre des journalistes.

Une atmosphère qui n’a pas perturbé le discours du polémiste d’extrême-droite. Un discours d’une heure trente, durant lequel Éric Zemmour a vilipendé la candidate des Républicains fraîchement désignée, Valérie Pécresse. Comme son « mentor » Jacques Chirac, « elle promettra tout et n’obtiendra rien », a-t-il assuré. Du président de la République, il a promis qu’il le « remplacerait » par « la grande nation », fustigeant « le système » dont Emmanuel Macron serait « le porte-drapeau ».

Devant une foule galvanisée de près de 11 000 personnes, l’ancien éditorialiste du Figaro et Cnews a fustigé « le mondialisme », « le vivre-ensemble » et « l’immigration de masse ». Comme il a coutume de le faire, il s’est attardé sur « le grand remplacement » des populations européennes par des immigrés non européens. Une théorie conspirationniste qui a motivé les attentats terroristes de 2019 contre deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande.

« Éric Zemmour a une volonté de s’installer comme le candidat antisystème »

La posture du polémiste d’extrême-droite et la tension entourant son entrée en campagne ne sont pas sans rappeler l’ancien président des Etats-Unis, Donald Trump. Une résonance qui ne date pas d’hier. Quand le candidat à la présidence américaine, en 2016, injuriait les migrants mexicains, les traitant de « violeurs » et de « criminels », Éric Zemmour s’en prend lui aux mineurs étrangers, les qualifiant de « voleurs, d’assassins et de violeurs », en 2020.

Correspondant aux Etats-Unis durant la présidence de Donald Trump, Grégory Philipps soulève une première ressemblance entre les deux hommes : « Comme Donald Trump, Éric Zemmour a une volonté de s’installer comme le candidat antisystème en s’attaquant notamment aux journalistes ». Grégory Philipps rappelle qu’un journaliste de CNN, Jim Acosta, ne pouvait plus se rendre dans les meetings de Donald Trump sans protection après avoir été ciblé nommément par le candidat. Hier à Villepinte, une foule de sympathisants d’Éric Zemmour a scandé « Tout le monde déteste Quotidien » prenant les journalistes de TF1 à partie. D’autres journalistes ont été frappés ou insultés.

Des groupuscules d’extrême-droite désinhibés

Un des éléments marquants de ce premier meeting de campagne reste la présence de groupuscules d’extrême-droite, comme les « Zouaves Paris », des hooligans néonazis ou les royalistes de l’Action française. « Dans les meetings de Donald Trump, on retrouvait aussi la présence de groupes organisés comme les Proud boys, (une organisation américaine néofasciste NDRL) », remarque le journaliste et directeur adjoint de la rédaction de France culture.

« Donald Trump a un défaut qui est aussi une qualité pour ses supporters, c’est qu’il n’a pas de filtre, pas de surmoi. Éric Zemmour en a sans doute plus. Mais il a cette même capacité à occuper l’espace avec des propos provocants », analyse le journaliste de France culture. Et ces propos ont les mêmes effets. « A chaque fois qu’Éric Zemmour profère une énormité – comme sur Pétain et les juifs – le champ politique gravite autour de lui », souligne Grégory Philipps qui soupçonne le candidat d’avoir théorisé cette stratégie.

Contrairement à Trump, Zemmour peine à séduire les classes populaires

Le jeu des sept différences a toutefois ses limites. « Donald Trump a deux choses en plus : Premièrement, c’est une bête de scène. Deuxièmement, il a réussi à parler aux classes populaires contrairement à Éric Zemmour », liste Grégory Philipps. Dans les sondages, le polémiste se démarque effectivement par son ancrage restreint chez les employés et les ouvriers qui lui préfèrent Marine Le Pen.

Auteure d’un essai, « La tentation du clown » (Ed. Buchet-Chastel, 2021) en mars dernier, Laëtitia Krupa voit « la réalité dépasser son hypothèse ». Si elle prévoyait l’émergence d’une candidature inattendue, elle n’imaginait pas la voir émerger si tôt dans la campagne présidentielle.

La journaliste politique a enquêté sur l’hypothèse de l’émergence d’un candidat hors-système à quelques mois de la présidentielle en interviewant une cinquantaine d’experts et en analysant les précédents à l’étranger. En Ukraine avec l’élection de l’humoriste, Volodymyr Zelensky ou en Italie avec le leader du mouvement 5 étoiles, Beppe Grillo.

La comparaison entre Éric Zemmour et l’ancien locataire de la Maison blanche est évidente à ses yeux. « Ils se présentent tous deux comme le sauveur du pays choisi par le peuple qui rejetterait les élites et en cela ils proposent une alternative à la démocratie représentative », pointe la journaliste.

Face aux fakes news, « les digues ont sauté, le cordon sanitaire n’existe plus »

Mais selon elle, cette comparaison peut aussi s’étendre aux autres « clowns » (entendre : des candidats que personne n’attendait et qui n’appartiennent pas au monde politique). L’émergence de ces personnalités répond à des caractéristiques très similaires.

Laëtitia Krupa soulève une similitude flagrante, celle de l’usage des « fake news » ou faits alternatifs. Comme Donald Trump, l’ancien éditorialiste de Cnews tord la réalité et « propose sa vision de l’histoire de France ». Des sorties choquantes qui ne conduisent pas pour autant au bannissement médiatique du candidat. Pourquoi ? « Les digues ont sauté, le cordon sanitaire n’existe plus, répond Laëtitia Krupa. Le rôle des médias est fondamental dans l’émergence d’Éric Zemmour. » A ce stade, la journaliste ne voit pas le polémiste d’extrême-droite devenir président de la République, mais imagine plutôt un scénario dans lequel le candidat se placerait au 1er tour, suffisamment haut pour être faiseur de roi.

>> Lire aussi : La droite sénatoriale face à la candidature Éric Zemmour

Dans la même thématique

Trump – Zemmour : même combat ?
3min

Politique

« Les politiques parlent des migrants comme si c’étaient tous des sauvages » s’insurge Louis Chedid

C’est un nom, une voix, des textes et des mélodies qui nous accompagnent depuis 50 ans. S’il chante l’amour, l’absence, et la mélancolie, parfois aux côtés de ses enfants, il reste d’abord un homme engagé contre les discours de haine. Auteur d' « Anne, ma sœur, Anne », ce descendant d’immigrés chrétiens libanais, réfugiés en Egypte, refuse que les populations immigrées soient caricaturées et instrumentalisées. Cette semaine, Louis Chedid est l’invité de Rebecca Fitoussi dans Un monde, un regard.

Le

Trump – Zemmour : même combat ?
3min

Politique

Un an après la dissolution : « Les Français ont le sentiment que la France fait la planche » selon le politologue Brice Teinturier

Un an après la dissolution voulue par Emmanuel Macron, le paysage politique français semble avoir évolué vers un blocage institutionnel. A l’Assemblée, l’absence de majorité empêche les textes d’être votés. Pire, des motions permettent d’enjamber l’examen à l’Assemblée pour que le débat soit tranché en commission mixte paritaire. Comment la dissolution a-t-elle modifié le fonctionnement des institutions ? C’est la question à laquelle répondent les invités de Rebecca Fitoussi et Jean-Pierre Gratien dans cette émission spéciale sur la dissolution, un an après.

Le

Trump – Zemmour : même combat ?
4min

Politique

Un an après la dissolution, Gérard Larcher estime que « c'est la présidentielle qui redonnera le nouveau souffle dont nous avons besoin »

Invité de Public Sénat ce vendredi 6 juin, le président du Sénat est longuement revenu sur la situation du pays. À ses yeux, seule la prochaine présidentielle permettra de mettre fin au blocage politique lié à la dissolution. Evoquant également l’urgence budgétaire, il estime que « l’année blanche est une piste sérieuse ».

Le