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« Trumpisme, déni scientifique, scandale démocratique » : les élus écologistes se mobilisent contre la loi Duplomb

Les élus écologistes se sont réunis ce matin, à l’occasion d’un banquet paysan organisé près du Sénat, pour s’opposer à la loi Duplomb, examinée aujourd’hui en commission mixte paritaire. Tous dénoncent le « scandale démocratique » d’une loi qu’ils surnomment « loi poison ».
Marius Texier

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Un peu avant midi, le thermomètre s’élève déjà à plus de 30 degrés. Derrière le jardin du Luxembourg, les manifestants regroupés pour un « banquet paysan », organisé par la Confédération paysanne, profitent de chaque recoin d’ombre. « On voit un climat caniculaire », lance inquiète la députée écologiste Delphine Batho en pointant du doigt le ciel. « Et le sénateur Laurent Duplomb trouve que le changement climatique est bénéfique ».

Après plusieurs mois de vives tensions, c’est cet après-midi qu’est examinée en commission mixte paritaire (CMP), la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », dite « loi Duplomb », du nom de son co-auteur. Au sein du conclave, composé de sept députés et sept sénateurs, les débats risquent d’être houleux comme l’assure le député écologiste Benoît Biteau qui participe à la CMP : « Nous allons essayer de rétablir, à huis clos, le débat que nous aurions dû avoir dans l’hémicycle », prévient-il. « Je vais défendre le principe de précaution qui, par chance, est dans la Constitution ».

Marine Tondelier réclame un référendum

Également présente lors du rassemblement, la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, pointe un « scandale sanitaire » qui s’ajoute à un « scandale démocratique » : « Ils ont tellement honte qu’ils ne peuvent pas regarder les Français dans les yeux, donc ils se réfugient dans un huis clos ». Le 26 mai dernier, avant que le texte soit examiné à l’Assemblée nationale, la motion de rejet déposée par le groupe LR face aux 3 500 amendements déposés par le groupe Écologiste et social et La France insoumise a été adoptée, conduisant à l’examen du texte directement en CMP.

Pour l’écologiste, ce texte doit absolument être tranché par les Français avec un référendum. Elle dit en avoir discuté avec Emmanuel Macron : « Je lui ai dit : Monsieur le Président de la République, assumez devant les Français, demandez-leur leur avis, ça concerne notre santé, c’est normal qu’on soit consultés ». Elle l’assure : les députés et sénateurs dans le déni font preuve d’un « obscurantisme crasse » et seront « rattrapés par un principe de réalité ».

« Un trumpisme à la française »

Selon un sondage de l’IFOP, réalisé en avril dernier, 83 % des personnes sondées ont indiqué être contre la réintroduction des pesticides dangereux comme l’acétamipride. « Nous assistons à un trumpisme à la française avec une population qui est massivement opposée à la loi », alerte Delphine Batho.

Au sein du texte, c’est principalement la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide interdit en France en 2018 pour ses dégâts sur la biodiversité et pour la suspicion de risque sur la santé humaine, qui cristallise les tensions. Daniel Salmon, sénateur écologiste dénonce le « déni scientifique » : « Qu’est-ce que l’on fait de la science », s’interroge-t-il. « Les médecins, les scientifiques, le CNRS, tous disent que l’on ne peut pas continuer comme cela. C’est une question de santé publique ainsi que de maintenir l’environnement dans un bon équilibre ».

Delphine Batho ajoute : « Sur l’acétamipride, l’Union européenne a décidé de réexaminer l’utilisation de ce produit toxique au regard des preuves scientifiques. Ce n’est pas lorsque nous sommes en train de gagner la bataille que nous devons abandonner », prévient l’ancienne ministre de l’Ecologie.

« Le bouc émissaire, c’est l’écologie »

Alors qu’elle est interdite en France, la molécule controversée est autorisée jusqu’en 2033 au sein de l’Union européenne. Pour les défenseurs du texte, l’usage de ce pesticide dans les pays voisins constitue une « concurrence déloyale » qu’il convient de résorber.

« Invoquer la concurrence déloyale est un prétexte », souligne Daniel Salmon. « Les mêmes qui dénoncent cette concurrence déloyale ont mis en place les traités de libre-échange. Donc invoquer la concurrence déloyale est un faux nez pour permettre le moins disant environnemental ».

Benoît Biteau estime également que cet argument est faux : « Aujourd’hui les engrais de synthèse ont tellement augmenté qu’il n’y a plus de compétitivité », avance le député qui reproche à Laurent Duplomb son manque d’objectivité. « Lorsque l’on n’a plus de réponse objective, il faut trouver des boucs émissaires. Et ici, le bouc émissaire, c’est l’écologie ».

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