TVA des autoentrepreneurs : le Sénat ouvre un cycle d’auditions, après une pétition à succès
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TVA des autoentrepreneurs : le Sénat ouvre un cycle d’auditions, après une pétition à succès

Après une pétition au succès fulgurant, déposée sur son site, la chambre haute ouvre une mission flash sur la question de la réforme des franchises de TVA pour les petites entreprises. L’abaissement de plusieurs seuils dans la loi de finances, aujourd’hui suspendu, avait provoqué la colère des autoentrepreneurs.
Guillaume Jacquot

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Il n’aura fallu que quelques jours fin février à cette pétition pour franchir le seuil des 100 000 signatures sur le site du Sénat. Là où généralement plusieurs mois sont nécessaires à une telle collecte. C’est la barre à atteindre pour que la chambre haute donne une suite à toute interpellation sur un sujet. Déposée par le président de la fédération des auto-entrepreneurs et des micro-entrepreneurs, Grégoire Leclercq, elle demande une proposition de loi pour supprimer l’abaissement du seuil d’exonération de TVA à 25 000 euros de chiffres d’affaires. En clair, le plafond de chiffre d’affaires, sous lequel les entreprises sont dispensées de la déclaration et du paiement de la TVA, est plus bas qu’avant. Le succès de la pétition démontre l’intense mobilisation de professionnels inquiets pour leur avenir.

Cette mesure, à la fois de simplification et de rendement, qui va concerner plusieurs centaines de milliers de petites entreprises ou d’autoentrepreneurs, a été intégrée dans la loi de finances par le biais d’un amendement du gouvernement. Face à la fronde, une concertation s’est ouverte en février sous l’égide de Véronique Louwagie (ministre chargée du Commerce, de l’Artisanat et des PME), et le gouvernement a choisi de ne pas appliquer pour le moment cette réforme. La suspension a d’ailleurs été prolongée jusqu’au 1er juin.

« Il est indispensable de faire toute la lumière sur les enjeux économiques et juridiques »

Dans l’intervalle, le Sénat va pouvoir travailler sur le sujet. La conférence des présidents du Sénat a décidé, ce 19 mars, de le renvoyer à la commission des finances, qui s’engage dans une mission « flash ». « La transparence est essentielle pour garantir la confiance des entreprises et des entrepreneurs. Ainsi, il est indispensable de faire toute la lumière sur les enjeux économiques et juridiques de la réforme introduite par le gouvernement », a souligné la commission des finances, dans un communiqué.

Le rapporteur général, Jean-François Husson (LR), qui avait dénoncé dès le début une réforme d’ampleur arrivant « trop tardivement » dans la discussion budgétaire, va organiser prochainement une série d’auditions, avec les fédérations et professions concernées au premier chef. Le sénateur de Meurthe-et-Moselle souligne qu’il veut couvrir « la diversité des points de vue sur cette réforme ».

La ministre des Comptes publics constate « beaucoup de positions divergentes »

L’intense mobilisation contre la réforme des seuils de franchise de la TVA ne doit pas faire oublier que des intérêts divergents s’opposent sur cette question. « Il n’y a pas une unanimité contre la proposition qui est maintenant dans le projet de loi de finances. Il y a beaucoup de positions divergentes », a souligné la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, lors d’une audition au Sénat ce 19 mars.

Des centaines de milliers de travailleurs indépendants s’inquiètent d’une augmentation de leurs tarifs « inévitables », s’ils devaient être demain assujettis à la TVA. Ils redoutent en conséquence une perte de clientèle et donc de chiffre d’affaires. Être redevable de la TVA occasionnerait en outre des déclarations administratives supplémentaires pour des régimes censés être faciles d’utilisation.

D’autres acteurs ont un mot d’ordre inverse. Cela fait plusieurs années que les organisations du bâtiment militent pour un abaissement, voire une disparition, de la franchise de TVA, qui établit une concurrence déloyale selon eux entre les artisans et les micro-entreprises. Amélie de Montchalin l’a d’ailleurs rappelé aux sénateurs ce mercredi. « Je tiens à vous dire qu’Olivier Salleron, qui préside la Fédération du bâtiment, m’a écrit une longue lettre, me demandant potentiellement de regarder le modèle espagnol, où il n’y a plus de franchise du tout, considérant que dans son secteur, les enjeux de régulation, de formation, de sécurité, imposent un certain nombre de coût et qu’il est utile qu’il y ait de la concurrence loyale », a-t-elle relaté.

La ministre chargée des Comptes publics a en outre souligné le risque de concurrence entre entreprises françaises et celles du reste de l’Union européenne. « Vu que les franchises de TVA sont maintenant ouvertes à des acteurs des autres pays européens, il faut aussi protéger nos entreprises françaises », a-t-elle motivé. Avant la réforme inscrite en loi de finances, les seuils de franchise de la TVA étaient plus élevés en France que dans les États frontaliers (25 000 euros en Allemagne et en Belgique, 12 000 euros en Suisse, par exemple).

Le gouvernement voulait simplifier le cadre fiscal

Pour rappel, la loi de finances pour 2025 a diminué le seuil de franchise à hauteur de 25 000 euros de chiffre d’affaires, au lieu de 37 500 euros actuellement pour les prestations de services et 85 000 euros pour les activités de commerce, notamment.

Avant ce budget 2025, qui a instauré un seuil unique, il existait 8 seuils différents au total. D’où la volonté du gouvernement Barnier de simplifier ce système, lorsqu’il a amendé le projet de loi de finances en novembre. « À l’évidence, c’est un sujet, du point de vue de l’administration, de gestion. Mais aussi pour la personne qui crée son entreprise et qui se demande dans quelle catégorie elle est », a rappelé Amélie Verdier, directrice générale des finances publiques, le 19 mars au Sénat.

L’un des scénarios alternatifs à une franchise unique de TVA fixée à 37 500 euros pourrait être la cohabitation de ce seuil, avec un seuil spécifique au bâtiment. Ce dernier pourrait être par exemple fixé plus bas, à hauteur de 25 000 euros de chiffre d’affaires. Interrogée par le rapporteur Jean-François Husson sur cette éventualité de deux niveaux de franchises différenciés, la haute fonctionnaire a estimé que cette solution ne soulevait pas de difficultés vis-à-vis des principes constitutionnels. « Je ne vois pas spontanément de problème de constitutionnalité à avoir plusieurs seuils », a-t-elle répondu.

Le gouvernement doit désormais proposer dans les prochaines semaines les adaptations de la mesure votée cet hiver. Reste également à trouver le véhicule législatif pour embarquer un nouvel article fiscal ou un éventuel amendement. Mercredi au Sénat, Amélie de Montchalin a évoqué le projet de loi de simplification, qui sera débattu en séance à l’Assemblée nationale à partir du 8 avril. « Je salue l’initiative qui est la vôtre, votre contribution sera très utile », a-t-elle adressé aux sénateurs.

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