C’est une semaine décisive qui s’ouvre pour l’avenir de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay et Bolivie). En discussion depuis 25 ans, ce traité de libre-échange ambitionne de créer un marché commun de 722 millions d’habitants, permettant au Vieux continent d’exporter davantage de voitures et de spiritueux, et dans le même d’importer plus facilement de la viande, ou du sucre. Le gouvernement français, qui s’est toujours opposé à sa ratification en l’état, plaide pour un report des décisions attendues cette semaine.
Paris opposé à la ratification du texte
Après d’âpres négociations, une première étape avait été franchie début septembre, avec la validation du texte par la Commission européenne. Sa présidente, Ursula von der Leyen, s’envole samedi 20 décembre pour le Brésil, où elle espère pouvoir signer l’accord à l’occasion d’un sommet à Foz do Iguaçu. En amont de cette ratification, le Conseil européen doit d’abord donner son feu vert, d’ici la fin de la semaine.
Mais dans cette dernière ligne droite, le bras de fer se tend entre Bruxelles et Paris. Dimanche dernier, Emmanuel Macron a fait savoir qu’il souhaitait décaler ces échéances à 2026. Une ultime tentative de jouer la montre, alors que la France se heurte une nouvelle fois à la colère des agriculteurs français, en pleine crise sanitaire de dermatose nodulaire contagieuse. Certains l’accusent néanmoins de souffler le chaud et le froid, car, en marge de la COP30, il avait surpris en se déclarant « plutôt positif », avant de rétropédaler, face à la levée de boucliers du monde agricole et de la classe politique.
Négociation des clauses de sauvegarde attendue aujourd’hui
Avec ce traité, les éleveurs français s’alarment des risques d’une concurrence déloyale, liée à des réductions de taxes douanières pour favoriser les exportations des pays du Mercosur vers l’Europe, et à des différences en termes de normes imposées sur les produits. La viande, en particulier celle bovine et la volaille, cristallise les inquiétudes. Mi-novembre, interpellé lors d’une séance de questions d’actualité au gouvernement, le ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères rappelait les exigences de la France : que le traité soit accompagné de « clauses de sauvegarde » afin de protéger les filières de production agricole de toutes perturbations du marché, de « mesures miroir sur la dimension des pesticides et de l’alimentation animale », et de « contrôles coercitifs sur le plan sanitaire et phytosanitaire sur les produits importés, et dans les pays exportateurs pour assurer un contrôle de nos normes européennes ». « C’est à l’aune de ces trois exigences que la France se déterminera sur cette question du Mercosur », concluait alors Benjamin Haddad.
Ces clauses de sauvegarde, réclamées dans l’Hexagone, doivent être débattues dans la journée par les eurodéputés à Strasbourg, dans une tentative d’amadouer Paris et ses agriculteurs. La semaine dernière, la Commission avait également fait un premier pas vers la France en annonçant le renforcement de ses contrôles sur les importations agricoles. Quoiqu’il advienne d’ici samedi, une ultime étape attendra l’accord : son adoption définitive par le Parlement en début d’année prochaine, et le scrutin s’annonce très serré. A ce stade, seules la Pologne et la Hongrie se sont déclarées formellement opposées à cette signature, là où l’Allemagne, l’Espagne et les pays scandinaves défendent ardemment le traité. Mais Emmanuel Macron ambitionne encore de convaincre l’Italie de lui emboîter le pas, ce qui lui permettrait de bénéficier d’une minorité de blocage. De leur côté, les syndicats agricoles européens ont appelé à une manifestation massive dans la capitale belge ce jeudi.