« C’est un tournant pour nos sociétés, nos peuples et notre projet européen ». En conclusion de deux jours de sommet européen, à Versailles, Emmanuel Macron a rappelé les temps exceptionnels que traverse notre continent, alors que la guerre fait rage en Ukraine. Si les 27 ont exprimé leur soutien total au pays qui a demandé d’intégrer l’Union européenne, il devra attendre et respecter la procédure, comme tous les autres.
Les Européens ont cependant multiplié les déclarations d’attachement. « Les Ukrainiens sont pleinement membres de la famille européenne », a lancé Charles Michel, président du Conseil européen, qui entend « renforcer les liens avec le peuple ukrainien ». « Nos destins sont liés. L’Ukraine, fait partie de la famille européenne », a surenchéri Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne.
« Le chemin » de l’Ukraine vers l’Europe « est ouvert », mais pas de « procédure accélérée », prévient Emmanuel Macron
« Le chemin » vers l’Europe « leur est ouvert », a assuré Emmanuel Macron, mais il a prévenu : « Pourrons-nous avoir une procédure accélérée exceptionnelle pour un pays en guerre, sans aucun critère ? La réponse est non ». Il rappelle qu’il ne faut pas « oublier le processus dans lequel sont entrés des Etats des Balkans occidentaux, qui veulent nous rejoindre », ainsi que la demande d’adhésion de la Géorgie et de la Moldavie.
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Mais pour peut-être faciliter de nouvelles adhésions à l’avenir, Emmanuel Macron a ouvert la porte d’une Europe à deux ou plusieurs vitesses. « Il nous faudra, dans les prochains moins, réévaluer ce qu’est le profondément notre Europe », lance le chef de l’Etat, qui veut « réfléchir à comment organiser une Europe large, qui n’a pas toutes les politiques publiques qui sont les nôtres ». « Cela amènera de revoir notre manière de nous gouverner nous-même », ajoute Emmanuel Macron, alors que la France occupe la présidence tournante de l’Union européenne. Il espère « pouvoir converger d’ici l’été. Il nous faudra trouver les formes nouvelles de notre Europe ».
« Nous devons assumer que défendre la démocratie a un coût, et revenir sur des dogmes que nous avons depuis des années »
En attendant, le soutien indirect à l’Ukraine continue via les sanctions contre la Russie. Alors que le G7 va prendre de nouvelles mesures, l’Union européenne est « prête aussi à adopter d’autres sanctions », assure Emmanuel Macron. Il ajoute : « Si la Russie intensifie les bombardements, le siège de Kiev, nous devrons prendre des sanctions massives. Rien n’est interdit. Rien n’est tabou. Nous ferons tout ce qui nous considérons comme efficace ».
Des sanctions qui devront amener la France et les 27 à se « préparer aussi à toutes les conséquences dans les semaines et mois qui viennent ». « Nous sanctionnons la Russie, mais nous devons aussi assumer que défendre la démocratie a un coût, et revenir sur des dogmes que nous avons depuis des années », lance le Président. Face aux effets sur l’économie ou l’agroalimentaire, Emmanuel Macron apporte comme réponse « la souveraineté européenne. Chacun comprend aujourd’hui que c’est un impératif », « nous mesurons combien notre alimentation, notre énergie, notre défense sont aussi des sujets de souveraineté ». « Ce n’est pas du protectionnisme, c’est une volonté d’être indépendants. En matière de défense, nous souhaitons pouvoir définir nos besoins, identifier les capacités qui sont à construire », a précisé le chef de l’Etat.
L’Europe compte « investir massivement dans les renouvelables »
La souveraineté, c’est aussi évidemment la question cruciale de l’énergie et de la dépendance des Européens au gaz russe. Faute d’avoir trouvé un accord lors du sommet, les 27 ont décidé de présenter d’ici la mi-mai « un plan pour la sortie de la dépendance à l’égard des énergies fossiles russes, pour une sortie d’ici 2027 du gaz, du pétrole et du charbon russe », a annoncé Emmanuel Macron comme Ursula von der Leyen.
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Interrogée sur une réduction de deux tiers des importations de gaz russe, la présidente de la Commission européene a estimé que « c’est quelque chose qui est faisable. L’idée est de diversifier l’approvisionnement en gaz ». L’Europe compte aussi « investir massivement dans les renouvelables », assure la présidente de la Commission.
« On sait très bien que si l’Europe arrête d’acheter du gaz russe, on va se retrouver dans des situations difficiles »
La baisse des achats de gaz russe, « c’est une logique nécessaire », mais « on sait très bien que si l’Europe arrête d’acheter du gaz russe, on va se retrouver dans des situations difficiles, car certains pays sont plus dépendants que d’autres », réagit Jean-François Rapin, président LR de la commission des affaires européennes du Sénat. « Mais c’est une bonne chose de lancer cela au plus vite », ajoute le sénateur du Pas-de-Calais.
Sur la candidature de l’Ukraine pour rentrer dans l’UE, Jean-François Rapin pense « qu’il faut garder raison et ne pas confondre vitesse et précipitation », « l’entrée nécessite tout un processus ». S’il n’est pas respecté, « on fait péter les traités, qui prévoient un dispositif d’intégration ».
Quant à l’avancée historique vers une Europe de la défense, « on soutient cet effort. Car on se rend compte qu’il faut une Europe solide, bien armée, prête à résister. A un moment, il faut montrer les dents. L’isolement diplomatique de la Russie doit continuer, mais sans humiliation ».
Pour l’écologiste Guillaume Gontard, « c’est vraiment dramatique qu’il faille attendre une guerre pour qu’on commence à bouger » sur les questions d’énergie
« Il n’y a pas de grandes annonces », réagit pour sa part Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat, qui se « félicite » cependant que les « événements dramatiques » amènent l’Europe « à travailler de manière unie ». « Ça passe par une Europe beaucoup plus fédérée, plus forte et intégrée. C’est un aspect qui apparaît positif dans ce marasme », selon le sénateur.
En revanche, sur le gaz russe, « pour le coup, on attendait une mesure beaucoup plus forte et rapide sur cette dépendance ». Pour Guillaume Gontard, « c’est vraiment dramatique » et « dommage qu’il faille attendre une guerre pour qu’on commence à bouger et agir » sur les questions d’énergie. « Entre les différents rapports du Giec, les débats de la loi climat, on n’a pas avancé ».
« Sur le développement des énergies renouvelables, on a pris un retard considérable », regrette le sénateur écologiste de l’Isère. « On est dans l’incapacité à mettre en place une vraie filière du photovoltaïque. Il faudra du silicium (indispensable pour fabriquer des panneaux solaires, ndlr). On sait en fabriquer, mais on va par exemple laisser disparaître une entreprise en Isère, Ferropem, filiale de Ferroglobe, qui ferme ses sites en France », dénonce Guillaume Gontard. « Maintenant, on va mettre beaucoup d’argent pour le solaire, et on va aller acheter des panneaux solaires avec du silicium qui provient de Chine, avec un énorme impact carbone ». Pour l’écologiste, « il faut une vraie réflexion sur la réindustrialisation. Ça doit être une priorité européenne ».