Un an après la dissolution : « Les Français ont le sentiment que la France fait la planche » selon le politologue Brice Teinturier

Un an après la dissolution voulue par Emmanuel Macron, le paysage politique français semble avoir évolué vers un blocage institutionnel. A l’Assemblée, l’absence de majorité empêche les textes d’être votés. Pire, des motions permettent d’enjamber l’examen à l’Assemblée pour que le débat soit tranché en commission mixte paritaire. Comment la dissolution a-t-elle modifié le fonctionnement des institutions ? C’est la question à laquelle répondent les invités de Rebecca Fitoussi et Jean-Pierre Gratien dans cette émission spéciale sur la dissolution, un an après.
Mathieu Terzaghi

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Un après la dissolution voulue par le président de la République, « les Français ont le sentiment que la France fait la planche. Elle ne coule pas mais elle se laisse dériver, elle est sur l’eau », estime le sondeur Brice Teinturier.

Un sentiment d’immobilisme dû à une absence de majorité – même relative – pour le gouvernement à l’Assemblée nationale, où trois forces politiques s’affrontent. La « tripartition » des sièges entre le Nouveau Front Populaire, le Bloc central et le Rassemblement National rendent l’exercice du pouvoir bien plus délicat pour l’exécutif.

Une « inversion de l’équilibre entre l’Assemblée nationale et le Sénat »

Pour Anne Levade, constitutionnaliste, depuis un an le gouvernement n’a plus les coudées franches : « Les parlementaires sont beaucoup plus à l’initiative des textes ». Pour cette spécialiste de la Cinquième République, il y aurait même une « inversion de l’équilibre naturel entre l’Assemblée nationale et le Sénat ». Avec les motions de rejet préalable, « l’Assemblée ne débat même pas et tout part au Sénat, qui se trouve alors dans une position décisive qui n’est pas nécessairement la sienne au départ », ajoute-t-elle. « J’ai même entendu certains députés dire ‘C’est le Sénat qui va nous permettre de discuter’ », ce qui fait du Sénat « un lieu de déblocage de situation politique ».

Une « hyperfragmentation » de la vie politique ?

Pour David Djaïz, enseignant à Sciences Po et co-auteur de La Révolution obligée (éditions Allary), « le problème est politique avant tout. Depuis 2022, on a un pays bloqué parce qu’il n’y a pas de projet politique à vocation majoritaire. Le président de la République a été réélu en 2022, n’a pas trouvé une majorité législative qui lui permettait de conduire un deuxième quinquennat avec une vraie puissance réformatrice. Au fond, la dissolution, qui avait été présentée comme une volonté de clarification du paysage politique, n’a pas abouti à cette clarification. Au contraire, le brouillard s’est épaissi », analyse l’essayiste, pour qui désormais l’élaboration d’un programme majoritaire en France n’est plus qu’une illusion.

Un sentiment partagé par Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos et enseignant à Sciences Po, pour qui il y a une « hyperfragmentation » de la vie politique française, avec pas moins de onze partis représentés dans la nouvelle assemblée. Pour lui, « au cours des derniers mois, ce n’est pas la dissolution qui a fabriqué la fragmentation. Ce qui s’est produit, c’est le sentiment que la France fait la planche ».

L’échec du compromis

Et si pour certains, cette fragmentation aurait du déboucher sur la culture du compromis, pour Laure Salvaing, directrice générale du cabinet d’études Verian France : « Les Français ont le sentiment qu’on va avoir du mal à trouver les compromis pour faire des réformes et que le personnel politique a échoué dans cette expérience ».

Une situation de blocage qui ne trouvera, pour Brice Teinturier, une issue qu’avec la prochaine élection présidentielle, dans deux ans, et qui conclut un brin alarmiste : « Quand on fait la planche trop longtemps, on finit par boire la tasse. »

Une émission à revoir en intégralité sur notre espace replay.

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