Vantant sa gestion "louée par la France entière", la maire LR d'Aix-en-Provence Maryse Joissains-Masini, jugée en appel pour détournement et prise illégale d'intérêts, s'est défendue avec vigueur mercredi, sans convaincre l'avocat général qui a requis sa condamnation à un an de prison avec sursis et 10 ans d'inéligibilité.
"Cette affaire est une illustration du comportement de nombreux élus qui sont de plus en plus dénoncés, à l'image de MM. Fillon ou Cahuzac", a lancé dans son réquisitoire Georges Gutierrez, réclamant la confirmation de la peine prononcée en première instance à l'encontre de Mme Joissains-Masini, 76 ans.
Outrée, l'élue, maire d'Aix et présidente de la Communauté d'agglomération du pays d'Aix (CPA) depuis 2001, l'a immédiatement interrompu: "Je ne peux pas laisser associer mon nom à ceux de voyous de la République. (...) Me comparer à Cahuzac, mais enfin vous avez perdu la tête ?"
"Vous avez parlé de vertu, mais vous n'êtes pas vertueux", a-t-elle encore asséné, en direction de l'avocat général, après les plaidoiries de ses avocats: "Vous n'avez pas le droit de rire, de vous gondoler durant vos réquisitions !"
Au coeur du dossier, la promotion jugée indue de son chauffeur, Omar Achouri, et l'embauche à la CPA d'une collaboratrice, Sylvie Roche, en charge de la protection animale alors que ce domaine ne relevait pas des compétences de cette collectivité.
Pour l'avocat général, Omar Achouri est au cœur du "clientélisme, cette politique de petits services" de Mme Joissains-Masini. Sa promotion est "irrégulière", a-t-il asséné. La promotion du chauffeur, distingué par Mme Joissains-Masini alors qu'il figurait à la 43e place sur une liste dressée par l'ordre de mérite, avait été définitivement annulée par le Conseil d'Etat, qui a estimé que l'élue avait "commis une erreur manifeste d'appréciation de la valeur et de l'expérience professionnelle" de l'intéressé.
Quant à l'emploi de Mme Roche, il est "injustifié", a poursuivi l'avocat général: "Il fait double emploi avec les compétences municipales. Cet emploi est donc en partie fictif et n'a pas de consistance".
- "Un dossier de rumeurs" -
Tout au long de l'audience, Mme Joissains-Masini, au cours d'échanges parfois vifs avec le président de la cour, avait pourtant vanté sa gestion: "Je suis la vingtième ville de France, j'ai très très bien géré ma ville", a assuré celle qui a aussi été députée de 2002 à 2012. "Et je suis persuadée d'être dans le cadre de la loi pour les deux cas qui me sont reprochés."
Comme en première instance, Mme Joissains-Masini a défendu bec et ongles son "pouvoir souverain" de nommer des "collaborateurs de cabinet", l'avocat général y voyant lui une "conception autocratique" du pouvoir.
"On est dans un dossier de rumeurs, de règlement de comptes locaux. C'est un opposant politique qui est à l'origine du dossier, il faut le rappeler", a plaidé Mario Pierre Stasi, un des avocats de l'élue: "Je vous demande de regarder froidement ce dossier. Je vous demande de ne pas entendre les élucubrations de l'avocat général sur un clientélisme. Je vous demande de regarder chacun des deux délits, deux petits points, et non le tombereau de dénonciations anonymes".
Alerté en 2012 par une lettre anonyme, le parquet d'Aix-en-Provence avait ouvert une enquête et, "pour la bonne administration de la justice", le procès avait été dépaysé à Montpellier.
Mme Joissains-Masini a succédé à la mairie à celui qui était alors son mari, Alain Joissains, maire de la ville de 1978 à 1983 et condamné en 1986 en appel pour recel d'abus de biens sociaux. Leur fille Sophie Joissains, sénatrice UDI, présente au procès mercredi, pourrait "être sur la liste" pour les municipales en 2020, avait déclaré sa mère en 2018.
L'arrêt a été mis en délibéré au 28 mai.