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Un an de majorité relative : les LR en phase avec l’exécutif ?

Lors de l’année parlementaire qui s’est écoulée, LR a voté la plupart des textes présentés par le gouvernement. Des textes sur lesquels la droite a obtenu des modifications substantielles, argumentent les LR. Il n’en reste pas moins que c’est entre les macronistes et la droite que s’est constituée une majorité de fait. Jusqu’à un contrat de coalition ? Ce n’est pas la direction que semble prendre Emmanuel Macron, qui pourrait aller au conflit sur la loi immigration.
Louis Mollier-Sabet

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Alors que la première année du quinquennat d’Emmanuel Macron se termine, l’heure est aux bilans. Et en faisant les comptes des textes votés au Parlement cette année, une chose saute aux yeux : même en disposant d’une majorité relative à l’Assemblée nationale, l’exécutif a pu faire voter tous les textes majeurs qu’il a mis sur la table, à l’exception du projet de loi sur l’immigration qui sera discuté à la rentrée. La raison est assez simple : hormis sur les textes budgétaires où le gouvernement disposait de toute façon de l’arme du 49.3, la droite a voté avec le gouvernement, à l’Assemblée, comme au Sénat.

« La majorité présidentielle minoritaire a été obligée de plier un genou à terre sur bien des textes »

« Dans la majorité des cas, ce sont les textes du Sénat que nous avons votés », corrige Marc-Philippe Daubresse, sénateur LR, qui prend l’exemple de la réforme des retraites, ou bien de la loi LOPMI, dont il était rapporteur au Sénat : « Sur la loi LOPMI, le texte voté en commission mixte paritaire est aux trois quarts le texte voté par le Sénat. On a voté ces textes parce qu’on est un parti d’opposition, mais qu’on est prêt à voter des textes s’ils vont dans le sens de l’intérêt national. » Du côté de la majorité sénatoriale, on met donc en avant un rééquilibrage des rapports de force entre l’exécutif et le Sénat, depuis les élections législatives de 2022. « Finalement, l’exécutif a fait passer des textes importants parce qu’ils ont accepté l’idée que les modifications substantielles du Sénat doivent être prises en compte. La majorité présidentielle minoritaire à l’Assemblée a été obligée de plier un genou à terre sur bien des textes, ce n’est pas toujours de bon gré qu’ils l’ont fait », assène le sénateur du Nord.

Du côté de la majorité sénatoriale, on préfère voir le verre à moitié plein. Il n’empêche que, de fait, les textes votés sur cette dernière année sont le fruit d’un compromis entre la droite et les macronistes, minoritaires à l’Assemblée nationale, fusse-t-il rééquilibré en faveur des LR. « Nous amendons et votons des textes dans l’intérêt de la Nation, et c’est une bonne chose », abonde Céline Boulay-Espéronnier, sénatrice apparentée au groupe LR. « Mais politiquement, c’est un peu plus compliqué : ce que retiennent nos concitoyens, c’est que nous votons les textes du gouvernement. C’est donc d’autant plus difficile de taper systématiquement sur Emmanuel Macron ensuite. Il y a beaucoup de défauts dans le macronisme, mais quelques fois on manque de discernement », nuance la sénatrice.

« Beaucoup de l’électorat de droite a rejoint Macron »

En effet, entre une famille politique qui veut incarner l’opposition et des groupes parlementaires qui construisent de fait la loi avec le gouvernement, la ligne de crète semble fine et escarpée pour LR. « Beaucoup de l’électorat de droite, qui rejette les extrêmes, a rejoint Macron, tout comme beaucoup de députés. Il n’est pas toujours si éloigné que ça de nos positions donc on a tort de lui taper dessus systématiquement, parce qu’on envoie des gens chez Marine Le Pen, qui se responsabilise à vue d’œil », détaille Céline Boulay-Espéronnier. « Une partie de notre électorat a voté pour Emmanuel Macron, mais on a bien vu dans quelles conditions », répond Marc-Philippe Daubresse. « Ce sont les médias qui ont fait l’élection : on a d’abord fait monter Zemmour, puis Le Pen, puis Mélenchon, et pour que Marine Le Pen ne soit pas élue il ne fallait pas voter Pécresse au 1er tour », détaille le sénateur LR, qui voit donc moins de contradiction politique dans la position actuelle de la droite.

Pourtant, dans le travail parlementaire quotidien, la majorité sénatoriale peut travailler sereinement avec le gouvernement sur l’aspect technique des textes, mais sur des sujets plus politiques, et à l’Assemblée nationale, où le groupe LR appartient à l’opposition, la droite n’est plus du tout dans la même posture. « À l’Assemblé, les députés sont obligés de radicaliser leurs positions politiques pour se signaler comme dans l’opposition et ne pas être accusés de proximité avec le pouvoir en place », estime la sénatrice de Paris. D’ailleurs, certains députés LR partagent cette interprétation et s’amusent des postures de leurs collègues, notamment durant la réforme des retraites, sans pour autant pousser pour une alliance plus formelle. « Pourquoi conclure un contrat de coalition quand les réformes passent et que nous votons les textes ? » glisse même l’un d’eux, proche d’Edouard Philippe, presque amusé.

Immigration : « Cela pourrait aller à une motion de censure »

Parce que c’est bien la question que certains – à droite – posent. Laurent Wauquiez, notamment, a évoqué la nécessité d’une « union sacrée », recouvrant en fait la majorité présidentielle et la droite. Une perspective qui ne semble pas envisageable à court terme. « Un contrat de coalition ça s’établit après une élection importante, et à l’initiative du Président de la République, qui ouvre des négociations sur certains aspects de son programme », rappelle Marc-Philippe Daubresse. « Le problème c’est qu’Emmanuel Macron ne l’a pas fait, et continue même à faire du en même temps, sur le budget ou sur l’immigration notamment. Or nous, ça ne nous va pas. On ne va pas faire de coalition quand on nous demande de venir à Canossa », coupe court le sénateur LR.

Céline Boulay-Espéronnier rejoint là-dessus son collègue du groupe LR. « Le seul moyen de conclure un contrat de coalition, ça aurait été un geste d’Emmanuel Macron sur le thème d’un ‘ni-LFI, ni-RN.’ Là on aurait pu aider le Président à gouverner, à stabiliser le pays, parce qu’on sait le faire avec des élus d’expérience dans les territoires. Mais Emmanuel Macron n’accompagne pas ce mouvement, alors qu’il aurait intérêt à le faire. D’une certaine manière, on est piégés », conclut la sénatrice de Paris. Un piège qui pourrait peut-être se retourner contre le Président de la République à l’occasion de la loi immigration, si celui-ci continue de rester droit dans ses bottes, rappelle Marc-Philippe Daubresse. « Si le gouvernement laisse les dispositions de régularisations massives dans la loi immigration, nous ne la voterons pas et ça pourrait aller à la motion de censure, et si elle est déposée par LR… Le gouvernement est obligé d’aller au compromis, mais au vrai compromis », avertit le sénateur LR.

Un nouveau texte devrait être présenté en Conseil des ministres à la rentrée, et nul doute que le texte immigration marquera une étape importante des relations entre la majorité présidentielle et le groupe pivot que représente actuellement LR au Parlement.

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