Collés aux hublots, les membres de la commission de la défense du Sénat ne manquent rien du spectacle. Alors qu’ils survolent le Cantal à bord d’un Airbus A330, nouvel avion ravitailleur de l’armée française, ils assistent au ballet de 4 « Rafale » venus faire le plein en vol. « C’est un degré de précision absolument spectaculaire » reconnaît, admiratif, le sénateur communiste Pierre Laurent.
L’opération exige du sang-froid, les chasseurs doivent s’approcher au plus près de l’avion ravitailleur pour s’alimenter en kérosène. Avec un débit d’1 tonne par minute, à l’aide d’un tuyau et d’une perche de ravitaillement. Quitte à devoir s’y prendre à deux fois :
Phénix: l'avion ravitailleur qui exige une très grande précision
« Ce n’est jamais anodin de toucher quelque chose avec un avion. Si on fait une casse, on peut perdre un réacteur, et ça peut aller jusqu’à l’éjection », explique le commandant « Borat » sur le tarmac de la base aérienne d’Istres. « En opération, après 6 ou 10 heures de vol, de nuit, avec des turbulences, ça devient très technique ».
La base aérienne des Bouches-du-Rhône vient de recevoir la livraison du 2ème Airbus A330 MRTT « Phénix ». Sorte de station-service volante, l’appareil peut transporter 110 tonnes de carburant et ravitailler 2 avions de combat simultanément. « Cela nous permet de gagner en temps de présence sur une zone, ou en rayon d’action » poursuit « Borat ».
Outil au service de la force de dissuasion nucléaire aéroportée de la France, le nouveau ravitailleur présente d’autres avantages. Le carburant étant logé dans les ailes, l’avion peut également transporter des troupes, du fret ou encore servir au transport médicalisé. « Vous avez là un tout nouvel avion capable d’emmener 270 passagers comme n’importe quel avion de ligne - et en même temps faire du ravitaillement en vol. C’est l'avènement du multi-rôle » se réjouit le colonel Pierre Gaudillière, commandant de la base aérienne.
Le Phénix doit surtout remplacer une flotte en bout de course. Le précédent ravitailleur Boeing C-135, dont les premiers modèles furent commandés par le Général de Gaulle, « tient la posture permanente de notre dissuasion aéroportée depuis octobre 1964 sans discontinuer », rappelle le colonel Gaudillière. « La maintenance de ces appareils devient de plus en plus lourde. »
« Quand on voit les 2 avions l’un à côté de l’autre, on se dit qu’on a fait un pas vers la modernité et vers le service que l’on doit rendre à nos aviateurs » observe la sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret, membre de la commission de la défense du Sénat. “Nous allons être vigilants pour que lors du prochain budget, les financements soient bien au rendez-vous, afin que tous les appareils puissent être livrés ». Votée en 2018, la dernière loi de de programmation militaire prévoit ainsi l’achat de 12 autres A330 Phénix, pour un coût de 220 millions d’euros par avion.
Avec l’avènement du Phénix, Istres se prépare en tout cas à devenir le principal « hub » de l’armée française pour le transport de personnel. La base devrait multiplier par dix son volume de passagers d’ici 2023.