« Un axe commun » : les trois groupes de gauche du Sénat unissent leurs forces pour peser sur le budget 2026
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« Un axe commun » : les trois groupes de gauche du Sénat unissent leurs forces pour peser sur le budget 2026

Alors que la proposition d’un impôt sur le patrimoine des plus riches, la taxe Zucman, a été rejetée par la majorité sénatoriale de droite et du centre, les groupes de gauche se coordonnent dans l’optique du budget 2026. Leur intergroupe va préparer des amendements communs.
Guillaume Jacquot

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La gauche au Sénat ne veut pas laisser à la majorité de droite et du centre le monopole des propositions budgétaires. Alors que les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux LR ou centristes commencent à élaborer, à la demande de Gérard Larcher, des pistes d’économies en vue du budget 2026, les trois groupes de gauche de l’hémicycle s’apprêtent également à construire des propositions communes, pour tenter de peser eux aussi sur les débats à venir.

« L’intergroupe », réunissant socialistes, communistes et écologistes, s’est réuni le 11 juin dans la soirée, a appris Public Sénat. Les trois groupes, qui représentent près d’une centaine de voix sur les 348 que compte le Sénat, n’en sont pas à leur coup d’essai. L’an dernier, au moment des discussions budgétaires sur la copie Barnier, les trois familles de gauche avaient déjà soutenu une quinzaine d’amendements communs, en particulier sur la partie recettes du projet de loi.

Cette année, les trois présidents de groupe se sont entendus pour formaliser les choses et préparer le plus en amont possible leurs idées. La volonté du gouvernement de présenter un plan de redressement des finances publiques avant le 14 juillet a accéléré le calendrier de tous les acteurs du Parlement.

Avoir trois groupes « qui parlent d’une seule voix » pour une gauche « plus percutante »

« Quand vous avez trois groupes qui parlent d’une seule voix, ce n’est pas la même chose qu’une même chose dite sous trois formes différentes. L’idée est d’avoir une gauche plus unie et plus percutante en séance publique », explique-t-on au sein du groupe socialiste. Au cours des semaines à venir, le trio va mettre en avant ses points communs et les orientations partagées.

« Le but, c’est d’avoir la même philosophie. On a chacun nos sensibilités, nos priorités. Mais on a un axe commun, un projet commun », présente le président du groupe écologiste Guillaume Gontard, qui redoute la feuille de route de ce qu’il nomme le « gouvernement du Sénat ». « Chacun restera avec son ADN de groupe politique, mais l’idée c’est de déposer une série d’amendements identiques pour donner une alternative au budget d’austérité qui risque d’être certainement proposé », expose la présidente du groupe communiste, Cécile Cukierman.

La gauche veut faire de la « justice fiscale » un préalable dans le débat budgétaire

L’intergroupe de gauche au Sénat se montre d’abord résolument opposé à la logique de stabilité fiscale, défendue par l’exécutif. Dès la mi-avril, François Bayrou a estimé qu’augmenter les prélèvements obligatoires était « intenable ». Son ministre de l’Économie martèle également d’auditions parlementaires en interviews télévisées, qu’il n’y « aura pas de hausse d’impôts d’ensemble ». Intenable pour la centaine de sénateurs de gauche, qui fait de la « stratégie de désarmement fiscal » l’une des causes principales de la dégradation budgétaire de ces dernières années. Outre « l’équité » entre les plus aisés et le reste de la population, ils veulent aussi réinterroger la question des aides aux entreprises, qui fait d’ailleurs l’objet d’une commission d’enquête à la demande du groupe communiste.

« On ne trouvera pas 40 milliards d’euros sur des économies budgétaires, c’est mathématiquement impossible. Il faut retravailler le levier fiscal », presse un socialiste. Alors que le Sénat a rejeté la « taxe Zucman » sur les hauts patrimoines, les trois groupes de gauche rappellent l’impératif d’adopter des mesures de « justice fiscale », pour résorber le déficit. « Si on ne commence pas là, rien d’autre ne pourra être compris. Il ne peut pas y avoir de réduction de la dette sans justice fiscale », prévient l’écologiste Guillaume Gontard.

L’idée d’une « année blanche », évoquée par Gérard Larcher le mois dernier dans la presse, qui consisterait à geler la dépense publique au niveau de l’année en cours, donnera le ton du plan budgétaire de la majorité sénatoriale, aux yeux de l’opposition de gauche. De quoi motiver leur riposte en resserrant les rangs. « La majorité sénatoriale a une idéologie qui est bien la sienne qui consiste à commencer par réduire la dépense publique en tout premier lieu, avant de réinterroger la question des recettes », s’offusque la présidente du groupe communiste, Cécile Cukierman.

Hier soir, les trois représentants de la gauche sénatoriale ont également fait de la TVA sociale, revenue dans le débat public après l’intervention du chef de l’État, une ligne rouge. « C’est encore appuyer un peu plus sur ceux qui triment », fulmine Guillaume Gontard. À rebours de la méthode du gouvernement, engagé dans une revue de dépenses dans l’ensemble des administrations centrales, l’intergroupe défend également un « plan d’investissement » dans les services publics et la nécessité de « verdir » l’action publique, après une série de reculs ces derniers jours, notamment sur la rénovation thermique ou encore les zones à faibles émissions (ZFE).

Dans l’entourage des cadres du groupe socialiste, on précise que les amendements à venir seront des « propositions opérationnelles pour assurer la cohésion sociale et le redressement des comptes publics ». « On entend contribuer au débat budgétaire », résume Cécile Cukierman. « Il y a le débat purement législatif, sur l’élaboration du budget, mais il y a un aussi un combat d’idées à mener. Nos concitoyens sont abreuvés du fait qu’il n’y aurait pas d’autre solution possible, que notre pays n’a plus les moyens de vivre. Il n’y a pas qu’une seule vision. »

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