« J’attends des réponses concrètes, plutôt que des annonces de communicant », résume le sénateur Les Républicains Philippe Tabarot, en référence au nouveau « bouclier tarifaire » annoncé par le ministre des Transports, Clément Beaune. Invité sur le plateau du grand jury RTL-LCI-Le Figaro ce dimanche, ce dernier a appelé la SNCF à « travailler en matière de prix des billets sur un bouclier tarifaire », alors que le groupe ferroviaire avait prévu éventuellement de revoir à la hausse sa grille tarifaire en 2023, face à l’explosion des prix des énergies.
Mi-septembre, Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF, avait prévenu pendant son audition au Sénat que la facture d’électricité de SNCF Voyageurs verrait une augmentation comprise entre 1,6 et 1,7 milliard d’euros en 2023. La SNCF, premier consommateur industriel d’électricité en France, représente à elle seule 1 à 2 % de la consommation électrique de l’Hexagone. Si l’entreprise achète une partie de son électricité quelques années en avance pour s’assurer d’un lissage en termes de prix, la hausse de cette dernière finira par se ressentir à moyen terme.
Le patron de la société ferroviaire avait alors expliqué ne pas envisager une hausse directe, qui reviendrait à une progression de plus de 10 % des prix. De son côté, le ministre des Transports a fait savoir que cette hausse ne pourrait pas dépasser l’inflation, à 6,2 % au mois de novembre en France. Difficile alors pour la SNCF de tenir « sa trajectoire économique rigoureuse » et assurer un « retour à l’équilibre », promis presque deux mois plus tôt par son dirigeant.
Le risque de se renvoyer la balle ?
Originalité du bouclier défendu par Clément Beaune : le gouvernement ne participera pas à son financement. Pas de chèque transport, ni de subventions aux régions pour Bercy, qui souhaite lever le pied sur les dépenses liées à la réduction de l’inflation. L’exécutif tente ainsi de faire pression sur la SNCF, qui n’a pour l’heure pas réagi à la demande de l’ancien député Renaissance. L’exécutif se retrouve ainsi dans une « position pas claire » et donne « des injonctions contradictoires », selon le sénateur centriste Hervé Maurey, auteur d’un rapport sur la SNCF. « On ne peut pas demander à la SNCF d’améliorer ses comptes, tout en lui demandant un bouclier tarifaire », explique-t-il.
Du point de vue du gouvernement, le bouclier représente la volonté de proposer des tarifs toujours abordables en train, à l’heure de la COP 27 et plus largement de la transition écologique. Un signal important alors que l’exécutif a multiplié les réductions à la pompe pour les automobilistes.
L’annonce reste en décalage avec les sollicitations du PDG de l’entreprise ferroviaire, qui avait déploré lors de son audition le niveau insuffisant des investissements. Il avait alors estimé le montant nécessaire à « 100 milliards d’euros supplémentaires sur 15 ans », avant d’alerter en octobre sur la progression inexorable des tarifs de train. « Il y a des problèmes de financement majeurs, par rapport à la hausse des prix […] ce n’est pas une réponse comme ça dont la SNCF a besoin », a déclaré Philippe Tabarot.
« Une bonne idée pour l’usager, mais une mauvaise pour la SNCF »
Pour assurer un bond modéré du prix des billets, l’entreprise publique pourra jouer sur le nombre de trains en circulation, en les réduisant dans certains départements. Un équilibre précaire pour la SNCF qui doit garder la tête hors de l’eau malgré les divers investissements nécessaires à la modernisation de son réseau et la demande des salariés pour une augmentation des salaires.
Pour le gouvernement, c’est une demande pensée avant tout pour protéger « les plus modestes, les jeunes qui utilisent le Ouigo (l’offre low cost de TGV) par exemple ». Un choix regardé avec scepticisme par Hervé Maurey qui y voit « une bonne idée pour l’usager, mais une mauvaise idée pour la SNCF ».
Le financement - ou non - d’un bouclier tarifaire et d’aides supplémentaires pour la modernisation des lignes de la SNCF sera prochainement discuté en séance publique à l’occasion de l’arrivée du projet de loi de finances 2023 au Sénat, le 17 novembre prochain.