Un débat législatif au Sénat, après l’affaire de l’apprenti-boulanger menacé d’expulsion
Les sénateurs vont examiner en octobre la proposition de loi de Jérôme Durain (PS), qui veut « sécuriser l’intégration » des jeunes adultes étrangers en cours de formation, mais pris en charge après leurs 16 ans. Elle répond au casse-tête vécu par l’apprenti-boulanger de Besançon, Laye Fodé Traoré l’hiver dernier.

Un débat législatif au Sénat, après l’affaire de l’apprenti-boulanger menacé d’expulsion

Les sénateurs vont examiner en octobre la proposition de loi de Jérôme Durain (PS), qui veut « sécuriser l’intégration » des jeunes adultes étrangers en cours de formation, mais pris en charge après leurs 16 ans. Elle répond au casse-tête vécu par l’apprenti-boulanger de Besançon, Laye Fodé Traoré l’hiver dernier.
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L’histoire de Laye Fodé Traoré était devenue le symbole du parcours du combattant qui attend les mineurs étrangers isolés une fois leur majorité atteinte. Ce jeune Guinéen de Besançon, apprenti dans une boulangerie à Besançon depuis un an et demi, était en passe de valider son CAP. Il avait même pour projet de poursuivre vers l’obtention d’un brevet professionnel grâce à la même entreprise. Sa majorité atteinte, il avait sollicité un titre de séjour auprès de la préfecture. Les services de l’Etat lui remettent pourtant une obligation de quitter le territoire, constatant que ses documents d’identité ne sont pas en règle. Une intense mobilisation, allant de la grève de la faim de son employeur à une pétition de 240 000 signatures, avait permis au jeune homme d’obtenir finalement un état civil en bonne et due forme et à la fin, un titre de séjour, en janvier 2021.

Un cas isolé ? Le syndicat des avocats de France (SAF) répondait par la négative. La mésaventure de Laye Fodé Traoré est « emblématique de ce qu’il arrive à des milliers de jeunes majeurs isolés étrangers », expliquait-il. D’autres exemples, à la ressemblance parfois frappante, ont été relevés. En août, dans le Tarn, c’est un autre apprenti boulanger venu de Guinée qui était lui aussi menacé d’expulsion du territoire. En 2015, Armando Curri, un jeune Albanais titulaire d’un CAP de menuiserie, devait recevoir au Sénat sa médaille de meilleur ouvrier de France. Au motif d’une situation irrégulière, le lauréat avait été contraint dans un premier temps d’annuler sa venue à la cérémonie, après avoir été notifié d’une décision d’expulsion.

« Un texte d’intérêt général qui va rendre service à tout le monde »

Stéphane Ravacley, le propriétaire de la « Huche à Pain », avait appelé à une réforme pour permettre aux étrangers, arrivés durant leur minorité, d’achever leur formation, quel que soit leur âge. Sénateur de la région, le socialiste Jérôme Durain a été sensible à cette cause et a travaillé depuis sur une réponse législative, qui n’a pas tardé. Il a déposé au mois de mars une proposition de loi « tendant à sécuriser l’intégration des jeunes majeurs étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance ». « C’est un texte d’intérêt général qui va rendre service à tout le monde, les jeunes, l’administration et les employeurs », estime l’auteur. « Il faut apporter une réponse solide à ces jeunes, qui méritent d’être soutenus car ils ont trouvé du travail, connaissent la langue, et sont intégrés, et à ces employeurs ont du mal à trouver du monde et se retrouvent privés de leurs apprentis pour de sombres raisons administratives. »

Dénonçant une « sorte de zone grise » dont il faut sortir, le sénateur entend corriger les défauts de la législation actuelle. Le parlementaire, élu au conseil régional de Bourgogne-France-Comté, pointe notamment la différence de régime entre les adolescents confiés à l’aide sociale à l’enfance avant le 16e anniversaire, qui peuvent bénéficier d’une carte de séjour temporaire, et les autres, qui peuvent bénéficier d’une carte de séjour « à titre exceptionnel ». « C’est du cas par cas, c’est bien là le problème », soulève le sénateur socialiste. « Il y a urgence à mettre un terme à ce système inepte qui consiste à accompagner des mineurs, assurer leur protection, entreprendre de construire avec eux un parcours de vie stable, pour, une fois leur majorité atteinte, leur retirer toute perspective sérieuse d’intégration durable », défend-il dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi.

La principale modification législative qu’il porte serait de faire bénéficier de « plein droit » d’une carte de séjour aux jeunes majeurs étrangers, pris en charge entre l’âge de 16 et 18 ans, s’ils suivent une formation professionnelle ou un parcours scolaire.

« Je pense qu’il y a une sensibilité transpartisane »

Le texte a été inscrit par son groupe rapidement à l’ordre du jour, puisqu’il figure dans la prochaine journée dédiée aux initiatives du groupe socialiste, le 13 octobre. Il sera examiné en séance juste après celui proposant d’instituer la vaccination universelle contre le covid-19. La sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio a été désignée rapporteure du texte en commission des lois, le 15 septembre. Elle avait eu à conduire les débats du projet de loi confortant le respect des principes de la République, au printemps. Interrogé sur les perspectives qu’a son texte de prospérer, Jérôme Durain est convaincu que sa proposition est en mesure de convaincre au-delà des rangs de la gauche, notamment sur les bancs centristes à l’Assemblée nationale. « J’ai eu un retour ce matin d’un député, je pense qu’il y a une sensibilité transpartisane. » Il concède toutefois que le « calendrier peut gêner ». « Ce sont des individus dont la situation mérite d’être régularisée. Il ne faut pas y voir d’appel d’air ou de régularisation sournoise ».

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