« Un désaveu cinglant », « une impasse » : au Sénat, des présidents de groupes effarés après le rejet du projet de loi immigration

« Un désaveu cinglant », « une impasse » : au Sénat, des présidents de groupes effarés après le rejet du projet de loi immigration

Le rejet surprise du projet de loi immigration est très commenté au Sénat. Bruno Retailleau estime que la majorité présidentielle « n’a que ce qu’elle mérite ». Le socialiste Patrick Kanner ne voit pas d’autre solution que le retrait du texte.
Guillaume Jacquot

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Coup d’arrêt brutal pour le gouvernement et son projet de loi immigration. L’Assemblée nationale a adopté de justesse ce 11 décembre, par 270 voix contre 265, une motion de rejet préalable, mettant donc un terme aux débats en hémicycle chez les députés, avant même l’examen des articles. Ce qui a fait pencher la balance, ce sont les voix des députés LR, mécontents des modifications opérées en commission des lois.

Le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, ne ménage pas ses mots contre le camp présidentiel. « La majorité présidentielle n’a que ce qu’elle mérite. En détricotant en commission des lois la version du Sénat qui avait durci le texte du Gouvernement, les députés macronistes ont donné le signal que cette loi ne servirait à rien », dénonce le sénateur de la Vendée, dans un communiqué.

« Le en même temps vient de se crasher en plein vol », s’exclame Bruno Retailleau

Jugeant le « grand écart intenable » sur ce texte, le président du groupe LR au Sénat, fustige un « désaveu cinglant pour le macronisme ». « Le en même temps vient de se crasher en plein vol », analyse-t-il. Le texte était-il mal engagé dès le début ? Selon lui, le texte « portait dans son ADN la marque des divisions profondes de la majorité présidentielle sur l’immigration ». Le dernier épisode, ce soir, vient s’ajouter à une série de reports, depuis l’été 2022.

À gauche, Patrick Kanner formule les mêmes critiques à l’égard de l’exécutif, dont le texte devait traduire à la fois plus de fermeté mais aussi la promesse d’une meilleure intégration. « On a voulu tout mélanger, le en même temps devient une impasse », réagit auprès de Public Sénat le président du groupe PS.

Hervé Marseille, qui préside l’Union centriste, groupe pivot avec lequel LR a composé au Sénat, regrette que « le point d’équilibre » n’ait pas été trouvé à l’Assemblée nationale. Le sénateur dit « prendre acte » du vote de l’Assemblée mais regrette les manœuvres qui ont conduit à l’adoption de la motion de rejet. « On ne peut pas dénoncer l’usage du 49.3 qui écarte le débat, et s’organiser pour faire des motions de rejet, c’est-à-dire bloquer le débat. Il y a quand même un problème démocratique quelque part ! » s’exclame-t-il auprès de Public Sénat.

« À la place de la Première ministre, je retirerais le texte », demande Patrick Kanner

Que va désormais devenir le texte ? Malgré le coup de théâtre du jour, Bruno Retailleau veut croire que la majorité sénatoriale conserve la main. « Le seul texte voté par le Parlement est celui du Sénat. Si la commission mixte paritaire est convoquée, c’est bien évidemment le texte du Sénat qui sera notre seule boussole », écrit le patron des sénateurs LR. « On va voir la suite. Ça peut soit repartir en navette au Sénat pour une deuxième lecture, soit en commission mixte paritaire », anticipe Hervé Marseille. C’est cette dernière option qu’espère de ses vœux la majorité sénatoriale. « Il faut aller au bout du processus parlementaire », plaide le président de la commission des lois, François-Noël Buffet (LR).

Patrick Kanner estime au contraire que le gouvernement doit en rester là et que les « conditions ne sont plus réunies pour aller plus loin ». « Je ne vois pas comment on peut avoir une commission mixte paritaire conclusive. Si j’étais à la place de la Première ministre, je retirerais le texte », répond Patrick Kanner. Le sénateur du Nord n’imagine l’exécutif aller jusqu’au 49.3 avec ce texte. « Si le gouvernement passe en force, on va droit dans le mur. Ce ne serait plus du Parlement rationalisé mais du Parlement bâillonné ».

À l’heure où nous écrivons ces lignes, le gouvernement n’a pas encore annoncé ses intentions. Une chose est sûre, un énième report « signerait la mort du texte », selon François-Noël Buffet.

« Il faudrait peut-être envisager un jour des élections », s’avance Hervé Marseille

Les regards se tournent naturellement ce soir vers Gérald Darmanin, qui va s’entretenir avec le président de la République. Porteur du texte, le ministre de l’Intérieur, avait cherché à préparer le terrain avant les premiers débats en hémicycle au Sénat, première chambre saisie. Le vote de ce soir est un revers majeur pour le locataire de la place Beauvau. « En tous les cas, ce n’est pas un succès. Il s’est beaucoup impliqué, il n’a pas réussi à convaincre », euphémise Hervé Marseille. « C’est un échec personnel pour Gérald Darmanin », insiste Patrick Kanner, évoquant au passage une « crise politique inédite » pour la présidence d’Emmanuel Macron.

Constatant une forme de « blocage », Hervé Marseille n’hésite d’ailleurs pas à lâcher le mot : « Il faudrait peut-être envisager un jour des élections… » Et d’ajouter : « Il appartient au président de la République d’en tirer les conséquences. Mais quand on a des blocages démocratiques, la réponse ne peut venir que des électeurs. »

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