Un dîner avec Montebourg : une désignation, le « début des emmerdes » … la « carte postale » de Jérôme Durain
SERIE - Ils sont incontournables. Parfois secrets. Quelques fois stériles, ou véritables morceaux d’histoire, les cafés, « déj » et autres dîners structurent la vie politique française. Le sénateur socialiste de Saône-et-Loire narre avec nostalgie un dîner à Bercy chez Arnaud Montebourg, alors ministre de l’Economie et du Redressement productif, qui validera « son ticket » pour devenir sénateur.

Un dîner avec Montebourg : une désignation, le « début des emmerdes » … la « carte postale » de Jérôme Durain

SERIE - Ils sont incontournables. Parfois secrets. Quelques fois stériles, ou véritables morceaux d’histoire, les cafés, « déj » et autres dîners structurent la vie politique française. Le sénateur socialiste de Saône-et-Loire narre avec nostalgie un dîner à Bercy chez Arnaud Montebourg, alors ministre de l’Economie et du Redressement productif, qui validera « son ticket » pour devenir sénateur.
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Par Pierre Maurer

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C’est le souvenir d’une époque révolue. Presque une photo « sépia ». A l’époque, la gauche est « aux manettes ». François Hollande est le second président socialiste de la Ve République et Arnaud Montebourg l’un de ses ministres les plus en vue. Dans le sillage de ce dernier, un jeune quarantenaire fait son trou : Jérôme Durain. Pas à pas, il a grimpé les échelons locaux et terminé à la tête de la fédération PS de son département, la Saône-et-Loire. Comme beaucoup de responsables politiques de sa génération, son engagement dans la vie publique remonte à 2002, la percée du FN et la raclée de la gauche… Alors un soir de février 2014, le 25 février, après moult services rendus, il se rend à l’appartement du ministre de l’Economie et du Redressement productif, son « boss » et mentor, Arnaud Montebourg. Un comité d’accueil fourni l’attend pour ce qui ne doit être qu’un « repas de travail » : le ministre, son directeur de cabinet, Boris Vallaud, le président du conseil départemental de Saône-et-Loire, les députés socialistes Philippe Baumel et Thomas Thévenoud.

La fin d’une ère

Mais Jérôme Durain pense déjà au « coup d’après ». La question des prochaines élections sénatoriales se pose au cours de la discussion. « C’est lors de ce dîner que je fais valider ma candidature. Je valide mon ticket pour devenir sénateur », se rappelle aujourd’hui le socialiste, assis dans la salle des conférences du Palais du Luxembourg. La scène l’a aussi marquée symboliquement et les photos de l’imprenable vue sur la Seine depuis l’appartement de fonction du ministre restent bien conservées dans son téléphone. A l’époque, Jérôme Durain voit en cette « validation collective » la « reconnaissance du travail accompli ». « C’est un des moments où il faut savoir jouer des coudes, pousser. J’y suis allé un peu en forçant ma chance. J’ai senti que je prenais mon destin en main ». Autant dire que l’ancien adjoint municipal de Chalon-sur-Saône a eu le nez creux.

Car après ce repas entre amis, un monde s’écroule. « Finalement ma désignation, c’est le début des emmerdes… » Arnaud Montebourg, qui étale de plus en plus ses divergences avec la politique de son gouvernement, est débarqué de son ministère en août 2014. Thomas Thévenoud est emporté par l’affaire de ses impayés d’impôts. Les européennes sont un fiasco. « C’est une phase de transition entre l’ancien monde et le nouveau », analyse Jérôme Durain avec le recul. « Tout ça, c’est avant Macron. C’est l’époque où la structuration du PS est assez forte sur le territoire. On avait une forme de stabilité politique. Aujourd’hui, on cherche un nouvel équilibre, on voit bien qu’on est dans une période de doute. Ce cycle de long terme d’épuisement d’un modèle, celui de la Ve République, n’est pas achevé. Je vois vraiment ce repas comme une carte postale ».

Dans la foulée, Emmanuel Macron émergera, puis se lancera à la présidentielle pour l’emporter en 2017, trahissant François Hollande. Le PS ressort de l’année 2017 marginalisé. « Désormais, la décomposition politique ou la recomposition nous amène à penser les rapports de force, les désignations, les échéances totalement différemment », analyse Jérôme Durain.

« Ecoutez, moi je paie mes impôts »

Et pourquoi les sénatoriales ? Le socialiste met en avant son ancrage « départemental ». « Et puis en 2012, il y avait 5 députés en lice. Donc c’était plein » Mais rien n’est facile. Lors de la campagne, une liste dissidente se monte « avec des gens qui ont tous quitté le PS depuis », ne manque-t-il pas de souligner. Il perd six kilos en arpentant le « terrain ». « Je commençais toutes mes réunions en disant ‘écoutez, moi je paie mes impôts’ », sourit-il encore après les scandales Cahuzac et Thévenoud. Il est finalement élu en septembre 2014 et vit son arrivée au Sénat comme un « très grand soulagement ». « Une respiration dans ce paysage de fin de cycle, de transition d’un modèle à un autre. C’était un nouveau départ. » Du quinquennat Hollande, il retient avant tout la « dureté ». « On a fait des choses bien. Mais l’impression générale de ce quinquennat dans la famille de gauche reste très mitigée ».

Alors qu’il voit le Rassemblement national prendre un « rôle central » dans la vie politique, et l’abstention progresser – en résumé, tout ce contre quoi il s’était engagé -, Jérôme Durain croit encore en son rôle d’élu. « Il faut représenter les gens. Une personne satisfaite du boulot d’un parlementaire, ça n’a pas de prix. Et la confiance d’un citoyen dans un autre citoyen élu, c’est quelque chose de très précieux », défend-il.

Sept ans après, il a oublié ce qu’il a mangé ce fameux soir de février. Mais véritable madeleine de Proust, Jérôme Durain a conservé – comme « preuve de l’attachement que j’ai pour ce moment » - le petit carton du ministère indiquant le menu de la soirée. Et forme de grands espoirs, le regard rivé sur 2022, pour celui qu’il n’a jamais quitté : Arnaud Montebourg.

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